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Le don d’organes : une affaire de famille ?

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Philippe Steiner*
Affiliation:
Université Charles-de-Gaulle, Lille 3 et Université de Paris IX-Dauphine

Résumé

L’article présente l’organisation actuelle du don d’organes post mortem, et la construction sociale dont elle a été l’objet, de manière à mettre en lumière le rôle central qu’y joue la famille. Le don d’organes est ensuite comparé avec les projets de marché d’organes à transplanter. Une similitude forte apparaît entre ces deux dispositifs dont l’un limite ou empêche l’expression des relations sociales (principe de l’anonymat du don), et dont l’autre élimine ces relations au profit d’une relation contractuelle. L’article compare ensuite le dispositif actuel à deux autres qui lui sont proches – les lois de succession et l’assurance décès. Il apparaît ainsi que la famille intervient dans les trois cas pour mettre en contact les valeurs ultimes et la transmission des ressources au moment de la mort. Le dispositif actuel du don d’organes est un don sociétal à un étranger par le truchement des familles, sans que celles-ci, à ce jour, bénéficie d’une forme de retour.

This study examines the organization of organs gift-giving and its social construction in order to pinpoint the centrality of kin's relations. This organization is compared to the propositions advocating the merits of a market for organ transplantation. A strong similarity appears since, on the one hand, the actual organization limits or prevents social relations (principle of anonymity of the gift) and, on the other, the market solution aims at ruling out social relations on the ground that a contract would be more efficient. Then the paper compares this organization to inheritance and life insurance. This comparison makes clear that kin's relations are an important part of the three processes in which wealth and resources are transmitted at the owner's death. In organs gift-giving, gift is characterized by its societal dimension and by the fundamental role of the kin at the start of the process, whereas the ways and means for giving back are still missing.

Type
Médecine et société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2004

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References

Une version préliminaire de ce texte a été présentée au séminaire « Sociologie et économie » de l’École normale supérieure et aux Journées d’études du groupe de travail de sociologie économique de l’AISLF, qui se sont tenues à l’UQAM. Je remercie Alain Caillé, Jacques T. Godbout et Pascal Ughetto pour leurs lectures attentives et leurs remarques critiques.

1- C. Fox, Renée et P. Swazey, Judith, The courage to fail. A social view of organ transplants and dialysis, Chicago, The Chicago University Press, 1974.Google Scholar

2- À titre d’illustration, le dernier rapport de l’Établissement français des greffes [EFG] donne les indications suivantes : malgré la diminution du flux des inscriptions sur les listes d’attente, le nombre d’inscrits est supérieur au nombre de greffons attendus pour l’année en cours : il se montait à 6 040 en 2000, alors qu’il était de 4 910 en 1996 (EFG,Le prélèvement et la greffe en France en 2000, efg.sante.fr, p. 91, fig. G4). Les pourcentages de décès de malades en attente d’une greffe sont élevés (période 1997-2000) : entre 14 et 11% pour la greffe cardiaque, 16 et 14% pour la greffe pulmonaire, 7 et 8% pour la greffe hépatique et 1,5% pour la greffe rénale (op. cit., pp. 114, 137, 163, 185). L’exception à cette situation provient de l’Espagne : le nombre d’inscrits sur la liste d’attente pour greffe de reins décroît régulièrement, passant de 5 593 personnes en 1991 à 3 922 en 1999 (Organizacio´n Nacional de Trasplantes [ONT], Donacio´n, trasplantes renales, estadisticas generales 2002, msc.es/ont/esp/estadisticas/donacio´ n).

3- À titre d’illustration, le total cumulé des greffes (coeur, poumon, foie, rein) sur la décennie 1990-1999 se monte, en France, à 30 974 ; après le creux du milieu de la décennie, l’activité s’élève de nouveau avec 3 211 greffes en 2000 (ibid., p. 89) et 3 325 en 2001 (EFG, Résultats préliminaires non consolidés des activités de prélèvement et de greffe en 2001, efg.sante.fr/fr/chiffre.htm, p. 2). Pour l’année 2000, les données internationales recueillies par l’ONT font état de 20 580 transplantations (rein, foie, coeur, poumons, pancréas et intestin) en Europe de l’Ouest, 2 325 dans les pays de l’ex-bloc soviétique (hors CEI) et 24 798 en Amérique du Nord (ONT, Evolucio´n de la donacio´n y trasplantes en el mundo, 2002, msc.es/ont/esp/estadisticas/general/europa2.htm).

4- T. Godbout, Jacques et Caillé, Alain, L’esprit du don, Paris, La Découverte, 2000.Google Scholar

5- Bronislawmalinowski, , Les argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1989.Google Scholar

6- En 1992, il y eut en Europe 27 000 greffes (coeur, foie, cornée, moelle et rein confondus) : voir Yvon Englert (éd.), Organ and tissue transplantation in the European Union. Management of difficulties and health risks linked to donors, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1995, p. 4 Google Scholar ; les greffes de reins s’élèvent à 10 000, et seules 710 ont été réalisées à partir d’un donneur vivant (ibid., p. 113, tableau I). En 2000, les données recueillies par l’ONT espagnole – auxquelles nous avons rajouté celles en provenance du Canada – indiquent un total de 30 412 greffes de reins pour l’Europe de l’Ouest, de l’Est (hors CEI), l’Amérique du Nord, l’Australie et la Turquie. Sur ce total, le ratio donneur vivant/donneur décédé se fixe à 34%, mais tombe à 18% si on laisse de côté les États-Unis.

7- La description de la chaîne du don d’organes s’appuie principalement sur le cas français, tel qu’on peut le reconstruire à partir des interventions rassemblées dans l’ouvrage récemment édité sur la greffe, ROBERT CARVAIS et MARYLINE SASPORTES (éds), La greffe humaine. (In)certitudes éthiques : du don de soi à la tolérance de l’autre, Paris, PUF, 2000. La description ne se limite pourtant pas à mettre en forme le cas français, car une chaîne identique est à l’oeuvre dans d’autres pays, comme on peut le voir dans les descriptions de l’organisation des transplantations en Espagne (Rafael Matesanz, Berta Miranda et C. Felipe, « Organ procurement in Spain: the impact of transplant coordination », inY. Englert (éd.), Organ and tissue transplantation…, op. cit., pp. 103- 116) ou dans certaines caractéristiques du cas norvégien (Hildelorentzen et Florence Paterson, « Le don des vivants : l’altruisme des Norvégiens et des Français ? », in Elster, J. et Herpin, N. (éds), Éthique des choix médicaux, Arles, Actes Sud, 1992, pp. 121 136).Google Scholar Il s’agit donc d’un schème, accentuant certains traits du phénomène considéré sans prétendre décrire plus particulièrement telle ou telle réalité nationale.

8- Carvais, R. etSasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., pp. 348, 400401.Google Scholar

9- L’article L. 617-7 du Code civil indique : « Ce prélèvement [à des fins thérapeutiques ou scientifiques] peut être effectué dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par l’indication de sa volonté sur un registre national automatisé prévu à cet effet […]. Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir le témoignage de sa famille. »

10- Nefussy-Leroy, Nathalie, Organes humains. Prélèvements-dons-transplantations, Paris, Éditions ESKA, 1999, pp. 6785.Google Scholar

11- Un anesthésiste réanimateur indique : « Dans la pratique, peu d’équipes médicales s’opposent aujourd’hui au refus d’une famille quand, à l’évidence, celui-ci est l’expression de la volonté des vivants et non celle du défunt. La volonté des personnes décédées, exprimée de leur vivant, n’est d’ailleurs avancée que lors d’une minorité d’entretiens (10% environ) pour justifier le refus du prélèvement » (inR. Carvais et M. Sasportes (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 315). Cette constatation ressort aussi de l’enquête que Renée Waissman a menée auprès des familles ayant dû affronter une telle situation ;il est significatif qu’une exception à cette pratique ait été relevée à propos d’un individu qualifié de SDF (Waissman, Renée, Le don d’organes, Paris, PUF, 2001, pp. 6061).Google Scholar

12- EFG, Le prélèvement et la greffe…, op. cit., p. 57.

13- Les demandes de prélèvements ne sont faites que pour un nombre limité de décès, respectivement 1 858, 1 916 et 2 016 en France dans les années 1998, 1999 et 2000 (ibid., p. 56), dont l’origine est accidentelle : accidents sur la voie publique (22% du total en 2000), mais aussi accidents domestiques (17 %), ou liée à un accident vasculaire cérébral (49 %). Une proportion non négligeable (10 %) de ces décès a pour cause un suicide (ibid., p. 67).

14- Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., pp. 287 et 317 ;Google Scholar R. Waissman, Le don d’organes, op. cit.

15- La notion de mort cérébrale est mal comprise par une large partie de la population, y compris une fraction de la population médicalement qualifiée. Cette définition légale de la mort – loi de juillet 1994, confirmée par le Conseil d’État en 1999 – heurte fortement le sens commun, pour lequel la mort est difficile à associer à la situation d’un individu à « coeur battant » sous respiration artificielle. Un sondage montre que si 60% des personnes connaissent la définition de la mort cérébrale, ils sont 54,6% à penser que la mort cérébrale est une situation de coma, entre la vie et la mort (R. Carvais et M. Sasportes (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 854, tableau V).

16- Le taux de refus oscille entre 30 et 32% en France au cours des années 1996-2000 (EFG, Le prélèvement et la greffe…, op. cit., p. 62). L’Espagne connaît une nouvelle fois une évolution différente puisque ce taux y baisse et passe de 27,6% en 1992 à 23,4% en 2001, le minimum ayant été atteint en 1998 avec 21,3% (ONT, Evolucio´n de la donacio´n…, op. cit.).

17- Caillé, Alain, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres, Paris, La Découverte, 1994.Google Scholar

18- Cette définition est, pour dire le moins, très exigeante : « À la limite, le don comme don devrait ne pas apparaître comme don : ni au donataire, ni au donateur. Il ne peut être don comme don qu’en n’étant pas présent comme don. Ni à l’“un” ni à l’“autre”. Si l’autre le perçoit, s’il le garde comme don, le don s’annule. Mais celui qui donne ne doit pas savoir, sans quoi il commence, dès le seuil, dès qu’il y a intention de donner, à se payer d’une reconnaissance symbolique, à se féliciter, à s’approuver, à se gratifier, à se congratuler, à se rendre symboliquement la valeur de ce qu’il vient de donner, de ce qu’il croit avoir donné, de ce qu’il s’apprête à donner » (Derrida, Jacques, Donner le temps, 1. La fausse monnaie, Paris, Galilée, 1991, pp. 26-27).Google Scholar Le cas du don d’organes – sur lequel J. Derrida commet l’erreur commune qui consiste à considérer seulement le don entre vifs appartenant à une même famille (ibid., p. 31, n. 1) – montre que le « donneur » est bien dans le cas extrême supposé ici.

19- Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 532;Google Scholar Fox, R. C. et Swazey, J. P., The courage to fail…, op. cit., p. 29.Google Scholar

20- L’ouvrage classique de Calabresi, Guido et Bobbit, Philipp, Tragic choices. The conflicts society confronts in the allocation of tragically scarce ressources, New York, Norton, 1978,Google Scholar définit ces choix par le fait qu’un bien vital doit être alloué en situation de rareté, alors qu’il n’existe pas de critères unanimitaires de justice pour l’attribution de ces biens. De leur côté, Herpin, Nicolas et Paterson, Florence, « La pénurie et ses causes », in Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., pp. 321356,Google Scholar considèrent que des équipes peuvent avoir un comportement stratégique vis-à-vis de l’EFG au travers des listes d’attente locales. La règle de répartition des greffons pour laquelle l’EFG a été créé déclare que (hors les cas d’urgence et des malades hyperimmunisés), sur une base géographique donnée, les greffons sont attribués en fonction du temps passé sur la liste d’attente ; une équipe peut donc être tentée de pousser à l’inscription de malade sur la liste de manière à accroître ses chances d’obtention de greffons, au détriment d’autres équipes qui ne pratiqueraient pas cette stratégie.À cela N. Herpin rajoute que les décisions locales peuvent varier dans l’attribution d’un greffon selon les équipes (Nicolasherpin, « L’attribution des dons : quels principes de répartition ? », in Feuillet-Le Mintier, B. (éd.), Les lois « bioéthiques » à l’épreuve des faits. Réalités et perspectives, Paris, PUF, pp. 6576).Google Scholar Finalement, ces remarques peuvent s’autoriser du dernier rapport de l’EFG (Le prélèvement et la greffe…, op. cit., pp. 96-97) lorsqu’il est fait état du manque d’exhaustivité des données fournies par les équipes.

21- On peut en prendre la mesure dans l’article de J. Dennis, Michael, « Des chirurgiens sous surveillance : dialyse et transplantations aux États-Unis»,Google Scholar in Elster, J. et Herpin, N. (éds), Éthique des choix…, op. cit., pp. 87101,Google Scholar consacré au fonctionnement du God Committee de Seattle (comité qui sélectionnait les patients pour les greffes rénales) ou au problème soulevé par l’existence d’un accord entre l’Arabie Saoudite et l’hôpital de Pittsburg.

22- Dans le premier cas, il s’agit d’une transfusion sanguine d’une personne à une autre ; dans le second cas, on prélève le sang du malade avant l’opération pour le lui transfuser durant les soins. Une solution reste possible avec la transfusion autologue directe.

23- Gromb, Sophie et Garay, Alain (éds), Consentement éclairé et transfusion sanguine : aspects juridiques et éthiques, Rennes, École nationale de la Santé publique, 1996.Google Scholar

24- N. Herpin, « L’attribution des dons… », art. cit., évoque les bonnes raisons qui peuvent expliquer l’auto-sélection des candidats à la greffe : le risque élevé de décès pour les greffes sur des patients de plus de soixante ans (15% contre 5% en moyenne) ou le parent inquiet de l’avenir de ses enfants en cas de décès.

25- Un psychiatre et psychanalyste attaché aux hôpitaux fait la remarque suivante à propos des greffés en situation de rejet du greffon : « Très fréquemment, on retrouve, à l’origine de ces syndromes de revendication, le fait que le patient a apparemment vécu la décision de greffe comme lui échappant, à travers une contrainte de sa famille, voire, plus souvent, du service qui l’a accueilli avant la transplantation, au moment des bilans prégreffe, c’est-à-dire lors de la décision » (Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 531)Google Scholar. On retrouve là le problème classique du rôle du malade et la coopération attendue de lui par les professionnels (voir Parsons, Talcott, The social system, New York, The Free Press, 1951, chap. 10 ;Google Scholar Fox, R. C. et Swazey, J. P., The courage to fail…, op. cit., p. 30).Google Scholar

26- Une étude ancienne de Lightman, Ernie S., « Continuity in social policy behaviours: the case of voluntary blood donorship », Journal of social policy, 101, 1981 Google ScholarPubMed, pp. 53- 79, portant sur un échantillon de 1 784 adultes canadiens, fait apparaître que 22,6% des personnes interrogées considèrent comme très important ou important le « sentiment de rendre pour une transfusion » (feelings of repayment for a transfusion)pour expliquer la décision de donner son sang. Cela est non négligeable, certes, mais ne situe cette motivation qu’au douzième rang (sur quinze), à côté des « campagnes d’information dans les médias » (22,1 %) ou de la « persuasion forte exercée par des proches » (21,9 %).

27- Fox, R. C. et Swazey, J. P., The courage to fail…, op. cit., pp. 2930.Google Scholar

28 Mauss, Marcel, « Essai sur le don. Forme et raisons de l’échange dans les sociétés archaïques », in ID., sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950, pp. 145279, ici p. 210.Google Scholar

29- Cette durée est mesurée par le temps d’ischémie, c’est-à-dire celui pendant lequel il est possible d’assurer le fonctionnement de l’organe alors que ce dernier n’est plus en situation d’irrigation sanguine. Cette durée varie selon les organes considérés : entre douze et quarante heures pour le rein, cinq heures pour le coeur, entre douze et dixhuit heures pour le foie, six heures pour le pancréas et quatre heures pour le poumon (N. Nefussy-Leroy, Organes humains…, op. cit., § 491).

30- Pour l’année 2000, le rapport de l’EFG mentionne que 285 greffons (essentiellement des reins et des coeurs) n’ont pas été greffés : la moitié en raison de la « mauvaise qualité du greffon », 10% en raison de la « détérioration du greffon » et 8% pour raison de « tumeur ou suspicion de tumeur » (EFG, Le prélèvement et la greffe…, op. cit., p. 70). Les taux de non-greffe (donnés ici pour la seule année 2000) sont assez sensiblement différents selon l’organe concerné : 6,1% pour les reins, 4,9% pour le foie, 21,7% pour le coeur, 9,5% pour les poumons, 0% pour le bloc coeur-poumons et 28,7% pour le pancréas (ibid., pp. 72-74). Le taux est encore plus élevé pour les cornées (38 %), notamment en raison des exigences accrues liées aux procédés de conservation des banques d’organes (ibid., p. 274).

31- En Europe de l’Ouest et sauf exception (Danemark et Finlande), lemulti-prélèvement est de règle et se situe dans une fourchette étroite allant de 71 à 83% des donneurs (ONT, Evolucio´n de la donacio´n…, op. cit.). 32 - C’est par exemple le cas du Pr Gérard Benoît, chirurgien transplanteur, qui regrette une situation qui se prive des acteurs les plus motivés, en contact avec les malades receveurs, lorsqu’il s’agit d’accroître le nombre des greffons (R. Carvais et M. Sasportes (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 269).

33- Boileau, Claire, « Ethnographie d’un prélèvement d’organes », Sciences sociales et santé, 15-11, 1987, pp. 2134.Google Scholar

34- Florence Paterson rappelle que, dans le cas des premières greffes cardiaques, il est arrivé que l’anonymat du donneur soit levé. La relation affective a pu prendre alors toute sa dimension : « Emmanuel Vitria fut l’un des premiers greffés du coeur en France à la fin des années soixante et de ce fait l’anonymat du donneur fut levé. Chaque année, à la date anniversaire de la greffe et donc de la mort du donneur, la mère du jeune homme demandait à Emmanuel Vitria de lui rendre visite pour écouter le coeur de son fils battre dans sa poitrine » (Florence Paterson, « Solliciter l’inconcevable », Sciences sociales et santé, 15-1, 1997, p. 45).

35- Fox, R. C. et Swazey, J. P., The courage to fail…, op. cit., p. 27.Google Scholar

36- Herpin, Nicolas et Paterson, Florence, « Centralisation et pouvoir discrétionnaire », in Elster, J. etHerpin, N. (éds), Éthique des choix…, op. cit., pp. 3761.Google Scholar

37- Le fonctionnement de France-Transplant est donné dans H. Lorentzen et F. Paterson, « Le don des vivants… », art. cit., d’où il ressort que cette structure formée à la fin des années 1960 par le professeur Jean Dausset avait pour tâche de faciliter les relations entre les professionnels, c’est-à-dire les chirurgiens transplanteurs. Association loi de 1901, France-Transplant n’avait pas de pouvoir vis-à-vis des quarante et une équipes opérant en France à ce moment, ce qui fait qu’il pouvait y avoir des inscriptions multiples de la part des malades, et que les reins prélevés n’étaient pas tous – la moitié environ – affectés selon la procédure centralisée mise en place par l’association. En 1989, une convention est passée entre le ministère de la Santé et France-Transplant pour gérer la liste d’attente nationale ; au moment où la loi de bioéthique était en gestation, au début de l’année 1992, un rapport de l’IGAS pointa les difficultés que posait la délégation à une association des charges relevant d’un établissement public (Thouvenin, Dominique, « L’organisation de l’activité de transplantation d’organes par les règles juridiques », in Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., pp. 643665)Google Scholar.

38- Claeys, Alain et Huriet, Claude, Rapport sur l’application de la loi no 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale, à la procréation et au diagnostic prénatal, Paris, Imprimerie nationale, 1999.Google Scholar

39- Cette situation affleure encore dans le dernier rapport de l’EFG lorsqu’il est question de la greffe de cornées, qui échappe encore à la régulation centrale et à la norme de justice locale que cherche à faire valoir la liste nationale.

40- Il s’agit de l’opposition entre réciprocité et redistribution (Polanyi, Karl, « The economy as instituted process », in ID., Primitive, archaic and modern economies. Essays of Karl Polanyi, New York, Anchor Books, 1968, p. 149).Google Scholar Sur cette base, J. Godbout considère que le don maussien est incompatible avec l’intervention de l’État ou des administrations publiques ; il est alors en décalage avec Mauss, lorsque ce dernier voyait dans les prodromes de la sécurité sociale des formes de dons (M. MAUSS, « Essai sur le don… », art. cit., pp. 145-279, ici p. 262).

41- N.Herpin et F. Paterson, « Centralisation et pouvoir discrétionnaire », art. cit. ; voir aussi F. PAterson, « Solliciter l’inconcevable », art. cit.

42- L’échange social en question n’était probablement pas exempt du phénomène de concurrence de statut ( Blau, Peter, Exchange and power in social life, New York, Wileyand Sons, 1964, pp. 125140 Google Scholar ; Lazega, Emmanuel, «Le phénomène collégial : une théorie structurale de l’action collective entre pairs », Revue française de sociologie, 40-4, 1999, pp. 639670).Google Scholar Néanmoins, il n’existe pas d’étude empirique sur cette structure relationnelle.

43- Les « donneurs » non prélevés représentent 11% des « donneurs » potentiels (EFG, Le prélèvement et la greffe…, op. cit., p. 68), c’est-à-dire repérés parmi les personnes décédées : les causes principales de non-prélèvement sont la sérologie positive (29 %), l’exis- tence d’une pathologie maligne (18%) et l’âge (14%) (ibid., p. 70).

44- R. Matesanz, B. Miranda et C. Felipe, « Organ procurement in Spain… », art. cit., pp. 103-116 ; H. Lorentzen et F. Paterson, « Le don des vivants… », art. cit.

45- Renée Fox, R. C.et P. Swazey, Judith, Spare parts. Organ replacement in American society, Oxford, Oxford University Press, 1992, chap. 3.Google Scholar

46- Nous avons eu l’occasion de rappeler que Titmuss, Richard (The gift relationship from human blood to social policy, Londres, London School of Economics Books, 1970)Google Scholar avait demandé une proscription de la relation marchande à propos du sang. Alors que son étude a reçu un accueil favorable de la part d’économistes de renom (K. Arrow, John, « Gifts and exchange », Philosophy and public affairs, 1-4, 1972, pp. 343362 Google Scholar, et Solow, Robert, « Blood and thunder », Yale law journal, 80, 1971, pp. 1696-1711),CrossRefGoogle Scholar notamment lorsqu’il est question de la confiance à accorder aux donneurs compara-tivement aux vendeurs en termes de qualité du sang, ils rejettent sa proposition d’interdire le marché du sang puisque l’extension du domaine du choix est, pour les économistes, un avantage sensible. Si donc R. Titmuss a perdu lorsqu’il s’agit du sang, il est remarquable de constater que sa position prévaut en matière d’organes à transplanter (Steiner, Philippe, « Le marché et les “marchandises fictives” : don de sang et don d’organes », Revue française de sociologie, 42-2, 2001, pp. 357374).CrossRefGoogle Scholar

47- Cette position modérée n’en suppose pas moins que l’organe est un bien ordinaire (ordinary good), pour lequel l’offre s’élève avec le prix, et non une relation sociale dans laquelle, pour employer le langage de Bruno Frey, la motivation intrinsèque (la relation elle-même) compte plus que la motivation extrinsèque (la rémunération) : BRUNO S. FREY, Not just for the money. An economic theory of personal motivation, Chetelham, Edward Elgar, 1997.

48- S. Becker, Gary, «How Uncle Sam could ease the organ shortage », Business week, 20 janvier 1997, p. 10.Google Scholar

49- Richard Schwindt et Aidan Vining, « Proposal for a future delivery market for transplant organs », Journal of health politics, policy and law, 11-3, 1986, pp. 483-500, ici p. 487, associent le National Organ Transplant Act de 1984 et son interdiction du commerce des organes à transplanter à la tentative d’organiser un tel marché aux États- Unis : « L’interdiction semble avoir été dirigée vers ce que l’on peut appeler le “spot market” pour les organes [forme de marché où se rencontrent l’offreur et le demandeur]. Par exemple, avant cette loi, le Dr Harvey Jacobs avait créé une firme (l’International Kidney Exchange Limited) pour faciliter les transactions entre vifs. La plupart des objections à la création d’un marché des organes apparaissent, en réalité, dirigées contre ce que l’on peut appeler un “spot market” privé et décentralisé. » La réticence se justifie par le fait que, dans le cadre d’échange bilatéral tel qu’on l’étudie depuis Francis Edgeworth, il existe une indétermination du prix d’équilibre qui dépend des capacitiesde négociation des agents ; dès lors, « les risques d’un système non régulé viennent des abus, potentiellement illimités, que des acquéreurs riches peuvent commettre face à des vendeurs pauvres et démunis » (Michael Freeman, « Un mercato di organi umani? », in Fagiuoli, S. (éd.), La questione dei trapianti tra etica, diritto, economia, Milan, Giuffrè editore, 1997, pp. 161203, ici p. 167).Google Scholar

50- R. Schwindt et A. Vining, « Proposal for a future delivery market… », art. cit. ; Hansman, Henry, « The economics and ethics of markets for human organs », Journal of health politics, policy and law, 14-1, 1989, pp. 5785 CrossRefGoogle Scholar ; M. Freeman, « Un mercato di organi umani? », art. cit. ; M. Byrne, Margaret et Thompson, Peter «A positive analysis of financial incentives for cadaveric organ donation», Journal of health economics, 20, 2001, pp. 6983.CrossRefGoogle Scholar

51- R. Schwindt et A. Vining, « Proposal for a future delivery market… », art. cit., pp. 489-496.

52- H. Hansman, « The economics and ethics of markets… », art. cit., pp. 61-62.

53- Andrew OswalD, « Economics that matters: using the tax system to solve the shortage of human organs », Kyklos, 54-2/3, 2001, pp. 379-382.

54- M. Freeman, « Un mercato di organi umani? », art. cit., p. 168.

55- L’avantage financier est souvent présenté en comparant le coût annuel de la dialyse et celui d’une transplantation rénale, le premier étant significativement supérieur au second – les estimations, en francs de 1990, sont respectivement 400 000 F et 160 000- 200 000 F (Jean-Paul Moatti, « Dons d’organes : un révélateur des arbitrages entre l’efficience et l’équité dans le système de santé », in Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit., p. 605).Google Scholar Néanmoins, l’accroissement du nombre des greffons entraînerait celui du nombre des greffes, ce qui veut dire que ces dernières subiraient la loi des rendements décroissants (ibid., p. 608). On notera cependant que cette question financière n’est pas complètement traitée par les études que nous avons consultées : en effet, comme le coût d’une greffe est nettement plus élevé que le coût moyen de la vie pris en considération pour les équipements routiers, on peut se demander jusqu’à quel point ce déséquilibre peut aller (ibid.). On est là de plain-pied avec la théorie du choix tragique pour lequel Guido Calabresi et Philipp Bobbitt observent que le choix, en termes d’allocation (à qui attribuer les biens rares vitaux ?), est étroitement lié au choix en matière de production du bien rare (combien la société est-elle prête à dépenser pour ces biens qui seront de toutes façons en quantité inférieure aux besoins ?).

56- Journal Officiel – Sénat, séance du 18 novembre 1976, p. 3321.Google Scholar

57- F. Blumstein, James, « Government's role in organ transplantation policy », Journal of health politicspolicy and law, 14-1, 1989, pp. 539 ;CrossRefGoogle Scholar J.-P. Moatti, « Dons d’organes : un révélateur… », art. cit.

58- Thouvenin, Dominique, « Don et/ou prélèvement d’organes », Sciences sociales et santé, 15-1, 1997, pp. 7597 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 88. On peut consulter aussi, du même auteur, « L’obtention des organes : le don comme finalité et le prélèvement comme modalité », inB. Feuillet-Lemintier (éd.), Les lois « bioéthiques »…, op. cit., pp. 77-132, et « L’organisation de l’activité de transplantation d’organes par les règles juridiques », inR. Carvais et M. Sasportes (éds), La greffe humaine…, op. cit., pp. 643-665. Ce point tenant à la « rationalité juridique habituelle » apparaît tellement décisif qu’il est répété presque à toutes les pages de l’article sans que soit questionnée l’adéquation de la catégorie juridique de don – inexistante selon l’auteur (D. Thouvenin, « Don et/ou prélèvement d’organes », art. cit., pp. 92-93) – et celle, sociologique, à laquelle il est aussi prétendu faire référence, notamment au travers de l’interprétation assez spécifique du don maussien par J. Godbout.

59- G. Calabresi et P. Bobbit soulignent que les problèmes de choix tragique engendrent des difficultés sociales telles, sans qu’il existe des réponses capables d’y satisfaire, qu’une dose d’auto-illusion est nécessaire pour faire face à l’existence de telles situations (Calabresi, G. et Bobbit, P., Tragic choices. The conflicts…, op. cit.,pp. 96, 108, 135, 142, 195-199).Google Scholar Cette dimension d’auto-illusion n’est pas étrangère à la théorie du don de Marcel Mauss lui-même, lorsqu’il évoque « fiction, formalisme et mensonge social » en ouverture de son célèbre essai (M. Mauss, « Essai sur le don… », art. cit., p. 147) ; elle est aussi reprise par Bourdieu, Pierre, Méditations pascaliennes, Paris, Le Seuil, 1997, pp. 229230 Google Scholar, avant qu’il ne fasse intervenir la dimension temporelle. On comprend que D. Thouvenin la mette en oeuvre pour dénoncer la confusion entre don et prélèvement (D. Thouvenin, « Don et/ou prélèvement d’organes », art. cit., p. 125).

60- Commentant la proposition d’un auteur qui suggère de réserver (absolument ou en priorité) les organes à ceux qui se seraient inscrits sur une liste de donneurs potentiels, Jean-Paul Moatti poursuit : « Cette métaphore me paraît justifier pleinement de conférer un statut de bien collectif aux organes post mortem, ce que font déjà, de fait, les législations fondées sur le “consentement présumé”, c’est-à-dire sur le pouvoir donné aux équipes médicales, au nom de la collectivité, de réquisitionner les organes utilisables si le décédé et ses proches ne s’y sont pas formellement opposés » (J.-P. Moatti, « Dons d’organes : un révélateur… », art. cit., pp. 625-626). On verra plus bas que la réserve contenue dans l’adjonction des proches change en fait complètement la situation et qu’il n’y a pas lieu de parler de réquisition avec ce que suppose de coercition et d’abus une telle formule, dès lors que le consentement présumé est associé, dans la pratique, à l’accord de la famille.

61- GéRald Berthoud, « La société contre le don ? Corps humain et technologies biomédicales », Revue du Mauss, 1, 1993, pp. 257-274 ; J. T. Godbout et A. CAILLé, L’esprit du don, op. cit., pp. 82-90 et 127-130.

62- Il est loisible de marquer quelques limites de cette interprétation de Mauss. Premièrement, il faut avoir présent à l’esprit le fait que ce dernier rangeait l’assurance sociale dans la catégorie des dépenses nobles et du don ; à cet égard, l’opposition entre don et redistribution ne peut être prise pour une lecture évidente de Mauss. Deuxièmement, et il faut y insister tant le débat sur cette question se fait oublieux d’une dimension essentielle du don selon Mauss, cette forme de commerce social est caractérisée par une profonde ambiguïté en étant libre mais obligatoire, individuel mais collectif, désin- téressé mais intéressé (M. MAUSS, «Essai sur le don… », art. cit., pp. 147-148).

63- « What does economist economize ? », demande le titre de l’article : « Cette ressource rare qu’est l’amour, nous le savons aussi bien que n’importe qui, est la chose la plus précieuse au monde » répond l’auteur dans Robertson, Dennis, Economic Commentaries, Londres, Staples Press, 1955, p. 154.Google Scholar La distinction entre l’échange marchand et l’échange social va dans le même sens : « L’échange social comporte toujours nécessairement pour les intervenants une signification intrinsèque [liée à l’accomplissement de l’acte] qui le distingue de la transaction économique au sens strict, et cela alors qu’il vise un avantage ayant une valeur extrinsèque et donne lieu, au moins implicitement, à un marchandage. […] Les institutions économiques, telles que le marché impersonnel et le contrat, ont été mises sur pied pour séparer les objets échangés de toutes les autres considérations et pour définir les obligations précises de la transaction et, ainsi, elles maximisent la possibilité du calcul rationnel » (Blau, P., Exchange and power in social life, op. cit., p. 112).Google Scholar

64- Un des auteurs les plus insistants sur ce point s’exprime de la manière suivante : «La transplantation d’organe est une affaire dans laquelle on s’est laissé aller à un excès de romantisme, en donnant mandat à l’altruisme et au communautarisme aux dépens de vies à sauver. Cette idéologie s’est concrétisée dans l’UAGA [Uniform Anatomical Gift Act], légalement adopté par les cinquante États, lequel fait fi des droits de la propriété privée en matière de don d’organes. Et cette idéologie a débouché sur la glorification romantique de la symbolique du don d’organes entre les membres de la famille lorsque l’un d’entre eux risque de mourir, aux dépens d’un déplacement plus rationnel [et plus humain] du moment de la prise de décision, reportée en amont, moment dans lequel les “donneurs” potentiels [avec l’attrait d’une incitation financière] pourraient, dans un contexte plus détendu, peser leur propre finitude, leur intérêt égoïste et leur désir altruiste d’aider leurs contemporains » (J. F. BLUMSTEIN, «Government's role in organ… », art. cit., p. 36).

65- D. Thouvenin, « Don et/ou prélèvement d’organes », art. cit.

66- Gregg Bloche, « Par-delà le consentement », in Weisstub, D. N. (éd.), Le consentement et la recherche épidémiologique, Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 810.Google Scholar La première des dix règles éthiques du Tribunal militaire américain à Nuremberg énonce : « Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée doit jouir de la capacité légale pour consentir, qu’elle doit être libre de décider sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes de contrainte ou de coercition » (voir C. AMBROSELLI et Wormser, G., Du corps humain à la dignité de la personne. Genèse, débat et enjeux des lois d’éthique biomédicale, Paris, CNDP, 1999, p. 24).Google Scholar

67- Hoerni, Bernard et Saury, Robert, Le consentement. Information, autonomie et décision en médecine, Paris, Masson, 1998.Google Scholar

68- Une enquête française récente fait apparaître que si la famille respecte l’option du défunt lorsque celui-ci s’est exprimé clairement dans un sens ou dans l’autre, elle s’attribue un rôle essentiel dans la décision de prélever lorsqu’il n’a pas fait connaître sa position (Carvais, R. et Sasportes, M. (éds), La greffe humaine…, op. cit.,pp. 858861).Google Scholar

69- Journal Officiel – Assemblée nationale, séance du 19 mai 1949, p. 2663.Google Scholar

70- Il reste seulement une partie à la disposition du testateur – la réserve, quantitativement déterminée selon le nombre d’enfants entre lesquels le patrimoine est partagé.

71- Jeremy Bentham énonce très clairement le principe qui entre dans sa théorie générale des fictions : « La part habituelle de chaque survivant dans les possessions du défunt doit se présumer par le degré d’affection qui a dû subsister entre eux : et ce degré d’affection doit se présumer par la proximité de parenté » (Traité de législation civile etpénale, Paris, Bossange, 1802, vol. 2, p. 141).Google Scholar Et, suivant cette logique, il fonde l’égalité des enfants dans l’héritage sur « l’égale affection de la part du père » (ibid., p. 143). Dans le « Discours préliminaire de présentation du Code civil », présentant, en l’an IX, le projet co-rédigé par lui-même, Bigot de Préameneu, Tronchet et Maleville, Jean Étienne Marie Portalis ne fait pas allusion à ce principe lorsqu’il mentionne la loi réglant les successions (” Discours préliminaire de présentation du Code civil », inJ. É. M. Portalis, Écrits et discours juridiques et politiques, Aix-en-Provence, Presses de l’Université d’Aix-Marseille, 1978, pp. 60-63). Tel n’est pas le cas de Jean-Baptiste Treilhard et de Chabot de l’Allier, chargés par le premier consul de présenter le projet devant le Corps législatif et le Tribunat ; le premier des deux s’exprime ainsi : « Déjà vous concevez, législateur, combien il importe de se pénétrer de toutes les affections naturelles et légitimes lorsqu’on trace un ordre de succession : on dispose pour tous ceux qui meurent sans avoir disposé ; la loi présume qu’ils n’ont eu d’autre volonté que la sienne. Elle doit donc prononcer comme eût prononcé le défunt lui-même, au dernier instant de sa vie, s’il eût pu, ou s’il eût voulu s’expliquer. Tel est l’esprit dans lequel doit être méditée une bonne loi en la matière. » Quelques paragraphes plus loin, il poursuit avec l’argument mis en oeuvre par Bentham : « L’ordre de succéder établi par la loi est fondé sur une présomption d’affection du défunt pour ses parents les plus proches » (cité dans Fenet, Pierre-Antoine, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Paris, [1827] 1836, vol. 12, pp. 137 et 140 ;Google Scholar voir aussi pp. 167, 170-174 et 185 pour Chabot de l’Allier, et p. 245 pour l’intervention de Bigot de Préameneu).

72- Zelizer, Viviana, « Human values and the market: the case of life insurance and death in 19th-century America », American journal of sociology, 84-3, 1978, pp. 591610,Google Scholaret ID., Morals and markets. The development of life insurance in the United States, New Brunswick, Transactions Publisher, 1983.Google Scholar

73- Selon la formule qu’ Durkheim, ÉMile, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1893, pp. 234236,Google Scholar emploie à propos de la relation contractuelle.

74- Simmel, Georg, Philosophie de l’argent, Paris, PUF, 1900.Google Scholar

75- Zelizer, V. Morals and markets…, op. cit., pp. 5759.Google Scholar

76- Journal Officiel – Assemblée nationale, 14 avril 1994, p. 832.Google Scholar

77- Ibid., p. 834. Le député a certainement voulu insuffler du pathosà son discours, car c’est un bien curieux impôt obligatoire que celui où il suffit de faire savoir qu’on ne veut pas l’acquitter pour en être dispense.

78 Fox, R. C. et Swazey, J. P., The courage to fail…, op. cit., chap. 2 ;Google Scholar Waissman, R., Le don d’organes, op. cit. Google Scholar

79- Edelman, Bernard en fait justement la remarque dans La personne en danger, Paris, PUF, 1999, pp. 321322.Google Scholar

80- Sur ce point, il faut se reporter aux travaux de Bernard Edelman et de Marie-Angèle Hermitte, qui montrent comment les pratiques juridiques, confrontées aux problèmes du vivant, sont amenées à étendre progressivement la vision marchande au corps (distingué de la personne), évolution devant laquelle ils s’élèvent précisément en référence à la dimension axiologique sous-jacente à l’interrogation weberienne : Edelman, B., La personne en danger, op. cit., pp. 277350;Google Scholar Edelman, Bernard et Hermitte, Marie-Angéle (éds), L’homme, la nature et le droit, Paris, Christian Bourgois, 1988;Google Scholar Hermitte, Marie-Angéle, « Lecorps hors du commerce, hors du marché », Archives de philosophie du droit, 33, 1988, pp. 323346.Google Scholar

81- Ce faisant, on retrouve la dimension relationnelle de la théorie maussienne du don ainsi que l’a formulée Alain Caillé : « En nouant des rapports rendus déterminés par les obligations qu’ils contractent en s’alliant et en se donnant les uns aux autres, en se soumettant à la loi des symboles qu’ils créent et font circuler, les hommes produisent simultanément leur individualité, leur communauté et l’ensemble social au sein duquel se déploie leur rivalité » (Caillé, Alain, Anthropologie du don. Le tiers paradigme, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, p. 59).Google Scholar D’une manière générale, l’approche relationnelle fait à l’heure actuelle des progrès importants dans le cadre de la sociologie structurale, comme c’est par exemple le cas du travail de C. White, Harriso, Identity and control. A structural theory of social action, Princeton, Princeton University Press, 1992.Google Scholar