M. le Président m'a prié de venir vous parler, dans cette séance, de l'Œuvre de la Croix rouge : il a pensé qu'une communication de cette nature pourrait vous intéresser, en raison de la part que vous avez prise à la fondation de cette œuvre. II y a d'ailleurs juste dix ans qu'elle est née. Cet anniversaire décennal m'a paru offrir une occasion propice pour jeter un regard en arrière et mesurer le chemin parcouru pendant cette période.

Le 9 février 1863, notre Société se réunissait au Casino, et l'ordre du jour de cette séance portait: Proposition relative à la formation de sociétés permanentes de secours pour les militaires blessés. Cette proposition émanait de votre président d'alors; l'ayant trouvée inscrite dans un livre qui venait de paraître (Un souvenir de Solferino), il crut bien faire en vous la communiquant et en vous invitant à réfléchir à la possibilité de réaliser cette noble et vaste conception. Comme toutes les idées généreuses, celle-ci fut accueillie par vous avec un grand empressement, et, bien que son application dut vous entraîner fort au delà de la sphère habituelle de votre activilé, néanmoins une commission fut nommée pour étudier les moyens pratiques de réaliser ce programme et pour se rendre compte du parti qu'on en pouvait tirer.

Je commencerai par vous entretenir des démarches tentées par le Comité international auprès des gouvernements, pour obtenir d'eux la conclusion d'un traité conforme aux vœux de la conférence. Celle-ci voulait faire reconnaître par les diverses puissances la neutralité des établissements hospitaliers, des blessés et du personnel sanitaire, et faire adopter pour ce dernier un signe protecteur uniforme. Assurément, ce n'était pas la partie la moins importante ni la moins délicate de notre mandat; mais l'histoire de toutes les transactions qui s'y rattachent est néanmoins bien simple.

Des sociétés, dont l'activité doit se déployer essentiellement en temps de guerre, ont-elles leur raison d'être en temps de paix? Assurément, quand ce ne serait que pour préparer les éléments de cette activité. On n'improvise pas plus les secours qu'on n'improvise les moyens d'attaque ou de défense ; les préparalifs ne sont pas moins nécessaires pour l'œuvre de guérison que pour l'œuvre de destruction. On instruit les armées permanentes pour le jour de la lutte et du carnage; nous devons, nous aussi, entretenir des armées permanentes qui soient en mesure de réparer, à ce jour-là, les maux et les désastres de la guerre. La conférence de 1863 avait bien compris cette nécessité et avait nettement précisé le rôle des sociétés de secours, quand elle avait dit, dans une de ses résolutions : « En temps de paix, les comilés s'occupent des moyens de se rendre véritablement utiles en temps de guerre. »

Le rapide coup d'œil que nous venons de jeter sur le passé suffit pour montrer les progrès successifs et conlinus d'une œuvre modeslement entreprise, mais qui avait beaucoup de préjugés à détruire, d'obstacles à surmonter, de difficultiés à vaincre; la conférence de 1863 a été, pour ainsi dire, l'aurore d'une ère nouvelle.