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Entre science et politique. La conjonction du positivisme et du décisionnisme dans la sociologie du droit de Max Weber

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Frédéric Vandenberghe
Affiliation:
University for Humanist Studies, P.O. Box 797, 3500 AT Utrecht, Pays-Bas, f.vandenberghe@uvh.nl

Abstract

This article uncovers and investigates the vision of the world behind Max Weber's sociology of law. Taking a stand against Weber's epistemological nominalism, ethical relativism and political decisionism, the author critically analyses Weber's vision of science as a vocation and shows that his defense of axiological neutrality is not axiologically neutral. It represents rather a particular position within ethics, which affects his account of the disenchantment of the world, his vision of the rationalization of law and his decisionistic appeal for a strong political leader.

Résumé

L'article révèle et analyse la vision du monde qui se cache derrière la philosophie du droit de Max Weber. Prenant position contre le nominalisme épistémologique, le relativisme éthique et le décisionnisme politique de Weber, l'auteur soumet la vision wébérienne de la science comme vocation à une critique et montre que la neutralité axiologique n'est pas axiologiquement neutre. Cette doctrine constitue une prise de position éthique qui n'est pas sans incidence sur sa description du désenchantement du monde, de la rationalisation du droit et son appel politique en faveur d'un leader fort.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 2005

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References

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8 La subjectivisation de la raison est le thème principal de la version horkheimerienne de la dialectique de la raison. Dans une note en bas de page, il situe explicitement Weber dans la tradition subjectiviste: «Max Weber adhérait tellement à cette lignée subjectiviste qu'il ne pouvait plus concevoir aucune rationalité – même pas une rationalité ‘substantielle’ qui lui permettrait de distinguer une fin d'une autre. Si nos pulsions, nos intentions, et enfin notre décision ultime doivent être jugées a priori comme irrationnelles, alors la raison substantielle devient sans plus un facteur de corrélation et donc essentiellement ‘fonctionnelle’». Voir Horkheimer, M., Eclipse of Reason, New York, Seabury Press, 1974 à la p. 6Google Scholar, note.

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10 L'éthique de la responsabilité inclut la possibilité d'une discussion sur les conséquences possibles d'un acte pour autant que ce dernier entre en conflit avec les valeurs ultimes que l'acteur poursuit. Cependant, ici je tiens à insister sur le fait que les fins ultimes en tant que telles ne peuvent pas faire l'objet d'une discussion rationnelle. De ce point de vue, la tentative admirable de Wolfgang Schluchter pour rapprocher l'éthique wébérienne de la responsabilité de l'éthique habermassienne de la discussion représente une surinterprétation qui sous-estime sciemment la forte teneur nietzschéenne du décisionnisme de Weber. Voir Schluchter, W., Religion und Lebensführung. Studien zu Max Webers Kultur und Werttheorie, Band 1, Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1988, aux pp. 200–73Google Scholar, spécialement 225 et s., 314–33.

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24 Weber, «Wissenschaft als Beruf», supra note 7 aux pp. 109–10.

25 Ricoeur traduit le mythos d'Aristote par ‘mise en intrigue’. Dans le cadre d'une analyse narrative du récit historique, il en a développé la théorie dans le premier volume de Temps et Récit. L'intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983 aux pp. 85–129.

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