Histoire et sociologie constituent des projets de connaissances indiscernables. Des différences très aisément identifiables séparent la pratique du métier d'historien et celle du métier de sociologue: le passé des disciplines, les filières d'apprentissage, la position sociale des chercheurs en rendent peut-être compte. Les discours des uns et des autres sont facilement reconnaissables même si des mimétismes croisés opèrent. Mais tout cela est secondaire: histoire et sociologie sont, pour parler comme le faisait Fernand Braudel, « non pas l'envers et l'endroit d'une même étoffe, mais cette étoffe même, dans toute l'épaisseur de ses fils »'. Le thème n'est pas neuf, qui a légitimé dans le passé les emprunts de l'histoire à Durkheim ou à Simiand, et fondé le dialogue que Braudel maintenait par exemple avec Gurvitch. Similarité des outillages conceptuels et méthodiques, communauté d'ambition explicative totalisante, recouvrement des champs d'étude dès que l'histoire s'ouvre le présent: les fondements d'une identité commune, d'ailleurs plus fréquemment revendiquée par les historiens que par les sociologues, ont mille fois été énoncés.