RÉSUMÉ. Le sel a constitué pour Venise un exceptionnel moyen d'échanges avec les populations rurales du continent. Il est ensuite devenu un monopole de la Commune qui a réduit à rien la concurrence des salines de Comacchio et de Cervia. A partir du XIIIe siècle, le sel est devenu l'élément fondamental de la politique économique de Venise, qui oblige les marchands rentrant à Venise d'avoir avec eux un chargement de sel. Celui-ci « subventionne la marchandise », en diminuant le coût d'affrètement des produits de luxe, donc le coût d'exploitation des navires en mer.
ABSTRACT. Salt constituted an exceptional means for Venice to exchange with the rural populations of the continent. It became a monopoly for the commune that eliminated the competition of the Comacchio and Cervia saltworks. As of the 13th century, salt became the fundamental element of the Venetian economic policy that required the merchants returning to Venice to transport a load of salt. The salt served to ‘subsidise’ the merchandise; it reduced the shipping cost of luxury products and thus the operating costs of the vessels.
Les populations qui trouvèrent refuge dans les lagunes du nord-ouest de la mer Adriatique au temps des ultimes migrations des peuples, huns puis lombards, magyars enfin, renforçaient un peuplement ancien éparpillé en ces lieux inhospitaliers qui leur procuraient seulement les maigres ressources de la chasse, de la pêche, de la culture de salines et de la circulation de barques par des chenaux lagunaires offrant une voie sûre pour les liaisons maritimes entre les territoires de l'ancien exarchat byzantin de Ravenne. La navigation interne avait ses escales souvent protégées par de petits forts tenus par des garnisons byzantines, du sud au nord, à Chioggia, l'antique Clodia bâtie sur un canal creusé au temps de l'empereur Claude, à Malamocco, à Rialto/Olivolo appelée à devenir le berceau de la ville de Venise, à Torcello noté comme « grand emporium » (port) par l'empereur byzantin Constantin Porphyrogénète, enfin à Equilo, Caorle et Grado. Sur cette voie méridienne se greffaient les nombreux fleuves d'orientation ouest– est (Po, Adige) ou nord-ouest – sud-est (Brenta, Sile, Dese, Piave et fleuves venus du Frioul).