« Ne sommes-nous pas trop démocrates, et cela ne conduit-il pas à un affaiblissement de la discipline ? » Cette interrogation de K. Tchernenko, en 1982, a de quoi paraître insolite ; elle prend à contre-pied ceux qui croient à la vérité du témoignage des dissidents et jugent le régime soviétique à partir de la représentation qu'ils en donnent. Sans doute la « démocratie » à laquelle se réfère Tchernenko n'a-t-elle ni le même statut, ni le même fonctionnement que la « démocratie » de type occidental. Si on tire les leçons de l'expérience rapportée tour à tour par les émigrés, les opposants, les dissidents depuis près de trois quarts de siècle, on jugerait plutôt que la démocratie des soviets a fait naufrage ; et que pendant ces quinze dernières années au moins, s'il est vrai que les mesures de contrôle et de surveillance de la société ne sont plus sanglantes, comme à l'époque de Staline, les mailles du filet qui enserrent cette société sont plus fines encore qu'auparavant. Les possibilités de téléphoner à l'étranger, de recevoir des publications venues de l'Ouest ont encore été réduites sous Andropov ; les jugements portés officiellement à Moscou sur les dissidents, les refuzniks, comme sur la situation en Pologne, sont autant de signes qui, vus de l'Occident, témoignent de ce resserrement.