«Les miracles qu’ils [les Juifs] racontent pourraient lasser mille bavards. Mais ce dont ils s’enorgueillissent le plus, c’est qu’ils comptent beaucoup plus de martyrs que n’importe quelle autre nation et que chaque jour s’accroît le nombre de ceux d’entre eux qui, pour leur foi, souffrent avec une extraordinaire force d’âme; et ceci n’est pas une légende; parmi bien d’autres, j’ai connu moi-même un certain Judas, dit le Fidèle, qui s’est mis à chanter au milieu des flammes, et tandis qu’on le croyait mort, l’hymne: “À toi, mon Dieu, j’offre mon âme”: il est mort en chantant.» Spinoza a été apparemment trahi par sa mémoire, puisqu’il n’a pu rencontrer «Judas le Fidèle», brûlé à Valladolid en 1644 sans avoir jamais quitté la péninsule Ibérique, mais il fait en tout cas écho, dans ce passage de sa réponse à Albert Burgh, à la célébration des martyrs telle que la pratiquait de son temps la communauté juive d’Amsterdam. Des martyrs, ou en tout cas de ceux qui, au gré de cette communauté, sont «les siens»: toutes les victimes de l’Inquisition espagnole ou portugaise ne se sont certes pas réclamées de ce judaïsme pour lequel on les envoyait au bûcher.