RÉSUMÉ. Cette contribution montre combien la prédominance des Européens s'appuie sur la puissance navale, résultant elle-même d'une supériorité technique. La prédominance maritime aboutira finalement à déstabiliser et à causer l'effondrement de l'autorité du Grand Moghol. Elle met également l'accent sur l'importance de la VereenigdeOstindishe Compagnie (VOC), un élément par trop négligé et pourtant moteur de ce succès.
ABSTRACT. This article shows how the predominance of Europeans relies on naval power, resulting from technical superiority. The maritime predominance finally succeeds in destabilizing and provoking the collapse of the Grand Mughal authority. It puts the accent on the importance of the Dutch East India Company, an element rather overlooked even though it was a force of this success.
LES COMPAGNIES DE COMMERCE
Les grandes compagnies de commerce et de navigation apparaissent en Europe occidentale un siècle après l'ouverture des routes maritimes vers l'Amérique et l'Asie orientale. La première et la plus importante de ces compagnies est la VereenigdeOstindishe Compagnie (VOC) ou Compagnie réunie pour le commerce des Indes orientales, fondée en mars 1602 par les Etats-Généraux des Provinces- Unies. La VOC dispose du monopole des expéditions commerciales depuis les ports des Provinces-Unies vers les pays riverains de l'océan Indien et de la mer de Chine ; son privilège, que les Etats-Généraux s'engagent à faire respecter, commence à partir du franchissement du cap de Bonne-Espérance et s'étend jusqu'au détroit de Magellan. Elle est dotée d'un capital social de 6,5 millions de florins, somme considérable, partagée en 2 200 actions, dont la souscription est ouverte à tous les habitants des Provinces-Unies (du moins de ceux qui ont de grosses disponibilités) et même aux étrangers fixés dans le pays. Elle est associée avec deux autres institutions créées à la même époque : la Banque d'Amsterdam, qui gère ses fonds ; la Bourse, pour la négociation de ses actions.
La répartition de la propriété parmi un grand nombre d'actionnaires et l'importance du capital social qui en font la première société commerciale du monde constituent une nouveauté radicale dans l'Europe de l'époque. Pour les Etats-Généraux, il s'agit surtout de remédier aux difficultés rencontrées dans la poursuite du commerce avec l'Asie.