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Physiologie de la lecture et séparation des mots

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Paul Saenger*
Affiliation:
The Newberry Library Chicago

Extract

La lecture, comme tout autre activité humaine, a connu un développement historique. Il ne faudrait pas croire que, parce que des processus cognitifs particuliers permettent au lecteur d'aujourd'hui de déchiffrer une page écrite, ces mêmes activités cognitives ont été utilisées tout au long de l'histoire de l'humanité. Il est clair aussi que la forme sous laquelle la pensée écrite a été présentée au lecteur a connu de nombreux changements avant de devenir celle que le lecteur moderne considère comme immuable et quasi universelle. L'observation de diverses cultures de par le monde, au sein desquelles des hommes et des femmes instruits utilisent des techniques cognitives différentes, apporte une confirmation de la première de ces assertions. Ces techniques varient selon que la forme même du texte change d'une culture à une autre.

Summary

Summary

Reading, like other human activities, has an historical development. Différent modes of graphie transcription imply différent physiological processes on the part of the reader. Transcriptions which are ambiguous necessitate orality, overt or subvocal, as part of the reading process. Orality enhances short term memory and thereby facilitâtes the récognition of words and the compréhension of larger syntactical units. Scriptura continua was linked to the prevalence oforal reading in the ancien! Mediterranean world; word séparation, a prerequisite for silent référence consultation, first began in the British Isles in the early Middle Ages. It spread across Europe in the central médiéval period, and it has since become the hallmark of ail technically advanced cultures using alphabetical script.

Type
Oral/Écrit, 2
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1989

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References

Notes

1. P. Saenger, « Silent Reading : its Impact on Late Médiéval Script and Society », Viator 13, 1983 ; R. Chartoer éd., Les usages de l'imprimé, Paris, 1987, pp. 7-18, et dans Ibid., P. Saenger, 191-227, et R. Chartter, « Les pratiques de l'écrit », Histoire de la vie privée, t. 3, De la Renaissance aux Lumières, Paris, 1986.

2. Voir Antoine Meillet, Esquisse d'une histoire de la langue latine, 4e éd., Paris, 1938.

3. A. Meillet, « Le caractère concret du mot », Journal de Psychologie, 1923, pp. 246 ss, et « Remarques sur la théorie de la phrase », Journal de Psychologie, 1921, pp. 601 ss, repris dans A. Meillet, Linguistique historique et linguistique générale, II, Paris, 1938. Voir aussi J. Vendryes, La langue : introduction linguistique à l'histoire, Paris, 1921.

4. Viviane Alleton, L'écriture chinoise, 3e éd, Paris, 1983, et E. O. Reischauer et K. Fairbank, East Asia : the Great Tradition, Boston, 1960, pp. 39-44.

5. Marcel Cohen et al., L'écriture et la psychologie des peuples, Paris, Centre international de Synthèse, Semaine de synthèse, 1963, pp. 39-44.

6. Voir Insup Taylor et M. Martin Taylor, The Psychology of Reading, New York, 1983, pp. 71-74 et 245 ; Ovid Tzeng et Daisy Hung, « Reading in a Nonalphabetical Writing », et Linnea Ehri, « The Rôle of Orthographie Images in Learning Printed Words », dans James F. Favanagh et Richard L. Venezky, Orthography, Reading and Dyslexia, Baltimore, 1980.

7. Voir Taylor et Taylor, op. cit., pp. 34-35, et, en particulier, pp. 45, 52-53 et 226. Voir aussi les commentaires de O. Tzeng et D. Hung, « Linguistic Détermination : a Written Language Perspective », dans O. Tzeng et Harry Singer, Perception of Print : Reading Research in Expérimental Psychology, Hillsdale (N.J.), 1981.

8. Un exemple en français serait les mots à/a et où/ou pour lesquels les différences de sens sont signalées par des accents graves non prononcés. En anglais certaines variations d'orthographe et d'orthographe muette dénotent directement des idées. Voir Josef Vackek, Written Language. General Problems and Problems of English, La Haye, 1973, pp. 12-13 et 55. Le nombre de mots plus explicites dans leur forme graphique que dans leur prononciation est de loin inférieur au chinois écrit, voir Taylor et Taylor, op. cit., p. 138.

9. W. S. Gray, The Teaching of Reading and Writing : an International Survey, Paris, 1956. Cependant des recherches plus récentes apportent quelques modifications à cette conclusion, cf. Taylor et Taylor, op. cit., p. 138.

10. Voir la contribution de T. Sakamoto et K. Makita, dans Downing, Comparative Reading : Cross National Studies of Behavior in Reading and Writing, New York, 1973. Une situation quelque peu similaire existe en coréen, voir I. Taylor, « The Korean Language : an Alphabet, a Syllabary, a Logography ? », dans P. A. Kolers, M. F. Wrolstad et H. Bauma éds, Processing of Visible Language, II, New York, 1980, ainsi que Taylor et Taylor, op. cit., p. 77-91.

11. Sakamoto et Makita, op. cit. ; Allan Pavto et Ian Berg, Psychology of Language, Englewood Cliffs (N.J.), 1981 ; Taylor et Taylor, op. cit., pp. 73-74 ; cf. Peter Meodell, « Dyslexia and Normal Reading », dans George T. Pavlidis et T. R. Miles éds, Dyslexia Research and its Applications to Education, New York, 1981. La transcription de l'anglais en braille a aussi pour conséquence une redistribution apparente des fonctions cérébrales, Ennio De Renzi, Disorders of Space Exploration and Cognition, New York, 1982, pp. 18-19. Des recherches récentes suggèrent que le modèle grossier faisant de l'hémisphère droit le centre de la lecture pour l'écriture idéographique et l'hémisphère gauche celui de la lecture pour les écritures syllabique et alphabétique est inadéquat. Voir Reiko Hasutke, Ovid Tzeng et Daisy Hung, « Script Effects and Cérébral Lateralization : the Case of Chinese Characters », dans Jyastina Vaed éd., Language Processing in Bilinguals : Psycholinguistic and Neuropsychological Perspectives, Hillsdale (N.J.), 1986, pp. 275-288.

12. Voir Michael E. Phelps et al., « Position Computed Tomography for Studies of Myocardial and Cérébral Function », Annals of Internai Medicine, 98, 1983, pp. 339-359, et « Proton Emission Tomography : Human Brain Function and Biochemistry », Science, 228,1985, pp. 799- 809.

13. Sakamoto et Makita, op. cit., cf. Wang, « Language Structure and Optimal Orthography », dans Tzeno et Singer, Perception of Print : Reading Research in Expérimental Psychology.

14. Sakamoto et Makita, op. cit.

15. Ibid. Voir aussi Taylor et Taylor, op. cit., pp. 70 et 114.

16. Sakamoto et Makita, op. cit.

17. Dina Feitelson, « Israël », dans Downing, Comparative Reading.

18. Ibid., p. 460. Pour les ressemblances entre les pédagogies anglaise et danoise, voir la contribution de Mogen Jansen dans le même volume.

19. Chinna Commen, « India », dans Downing, Comparative Reading.

20. Sylvia Scribner et Michael Cole, The Psychology ofLiteracy, Cambridge (Mass.), 1981.

21. Il est possible de consulter aisément des exemples de scriptura continua grecque et romaine dans B. L. Ullman, Ancien! Writing and its Influence, Julian Brown éd., Cambridge (Mass.), 1969. Des reproductions plus satisfaisantes sont publiées dans Franz Steffens, Lateinische Paläographie, Trèves, 1909.

22. Pour une description des anciennes habitudes de lecture orale, voir Saenger, « Silent Reading ».

23. Voir Aleksandr Sokolov, Inner Speech and Though, New York, 1972.

24. Dennis F. Fisher, « Spatial Factors in Reading and Search : the Case for Space », dans Eye Movement and Psychological Processes, dans A. Monty et J. W. Senders éds, Hillsdale (N.J.), 1976, pp. 417-455.

25. Harry Levtn et Ann Buckler Addis, The Eye Voice Span, Cambridge (Mass.), 1979, p. 42.

26. Fisher, op. cit., pp. 422-423 et 426.

27. Sur la relation entre mouvements des yeux et processus cérébraux, consulter John Downing et Che Kan Leong, Psychology of Reading, New York, 1982, p. 33 et John W. Senders, Denis F. Fisher et Richard A. Monty, Eye Movement and Higher Psychological Functions, Hillsdale, New Jersey, 1978.

28. Taylor et Taylor, Psychology of Reading, pp. 227-232

29. Les anciens critiquaient une lecture aussi peu expressive dans laquelle la voix du lecteur trahissait le fait qu'il n'avait pas saisi le sens des mots avant de les prononcer. Au début des temps modernes en Europe, on a souvent représenté dans la littérature ou la peinture les paysans et les membres des autres classes inférieures lisant à haute voix pour comprendre. Voir les passages de La Cagnotte de Labiche, cités par R. Charteer, « Les pratiques de l'écrit », p. 126.

30. La distinction entre « lecture orale silencieuse » et « lecture silencieuse authentique » est pertinente dans ce contexte, voir Tony Pugh, « The Development of Silent Reading » dans William Latham, éd., The Road to Effective Reading : Proceedings of the Tenth Annual Study Conférence of the United Kingdom Reading Association, Totley, Thornbridge, 1973, p. 114. Imposer le silence aux enfants n'accroît pas leur vitesse de lecture, Levin et Addis, Eye Voice Span, p. 25. Pour des exemples de lecture privée, voir Josef Balogh, « Voces paginarum », Philologus, 82, 1926-27, pp. 92-93 et 100-101.

31. L'espace occupé par la lettre O fournit une unité de mesure utile pour comparer les espaces occupés par les lettres dans les écritures anciennes et modernes.

32. Harry Levtn et Eleanor L. Kaplan, « Grammatical Structure and Reading », dans H. Levin et Joanna P. Williams, Book Studies on Reading, New York, 1970, p. 119.

33. Miles Albert Tinker, Bases for Effective Reading, Minneapolis, 1966.

34. Sur les voyelles et sur la reconnaissance des syllabes, voir Marilyn Jager Adams, « What Good is Orthographie Redundancy? » dans Tzeng et Singer, Perception of Print, pp. 197-221.

35. Marcel Cohen, La grande invention de l'écriture et son évolution, Paris, 1958. Sur la séparation en latin ancien, E. O. Wingo, Latin Punctuation in the Classical Age, La Haye, 1972.

36. Michel Lejeune, compte-rendu de Marcel Cohen, L'écriture, Paris, 1953, dans Revue des Études anciennes, 56, 1954, p. 429 et Richard Harder, Kleine Schriften, Munich, 1960, p. 101.

37. Gottwald, Norman K., A Light to the Nations : An Introduction to the Old Testament, New York, 1959, pp. 4048.Google Scholar

38. Basham, A. L., The Wonder that was India, New York, 1959, pp. 394399 Google Scholar et Jean Faliozat, « Les écritures indiennes : le monde indien et son système graphique », dans M. Cohen, L'écriture et la psychologie des peuples, pp. 147-166.

39. Pour un exemple, voir Wingo, Latin Punctuation, p. 15.

40. Le plus fondamental des outils de référence, le dictionnaire, n'existait pas dans l'Antiquité grecque et latine, alors qu'il y avait des glossaires dans la Chine ancienne.

41. Balogh, « Voces Paginarum », pp. 84-109 et 202-240.

42. Sénèque, Ep. 40-11.

43. Eric G. Turner, The Typology of the Early Codex, Philadelphie, 1977, p. 75 et Paul Lehmann, « Blàtter, Seiten, Spalten, Zeilten », Zentrablatt für Bibliothekswesen, 53, 1936, pp. 333-361 et 411-442.

44. Rudolf Wolfgang Müller, Rhetorische und syntaktische Interponkion : Untersuchungen zur Pausenbezeichung im antiken Latein, Tübingen, 1964.

45. Cette généralisation repose sur l'examen de photographies des collections de manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale à Paris. Cf. M. Cohen, L'écriture et la psychologie des peuples, pp. 180-181.

46. Pour quelques exemples pertinents, voir André Vallant, « L'écriture cyrillique et son extension », dans M. Cohen, L'écriture et la psychologie des peuples, pp. 301-312.

47. Des documents montrent qu'en 1724 encore on écrivait en Inde du Sud sans espaces entre les mots, A. C. Burnell, Eléments of South-Indian Palaeography, Londres, 1878, p. XXXIIb.

48. Les anciens Romains n'avaient pas de notation musicale. La naissance et la diffusion de la notation musicale médiévale sont intimement liées à l'introduction de la séparation entre les mots.