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Philosophie française contemporaine: Comte redivivus

Published online by Cambridge University Press:  27 April 2009

Michel Bourdeau
Affiliation:
CNRS (Paris)

Abstract

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Type
Interventions/Discussions
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2007

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References

Notes

1 Cf. Karsenti, B., Politique de l'esprit, Paris, Hermann, 2006Google Scholar et Le Blanc, G., L'esprit des sciences humaines, Paris, Vrin, 2005Google Scholar. Voir également la préface de M. Houellebecq, «Préliminaires au positivisme», Comte, dans A., Théorie générale de la religion, Paris, Mille et une nuits, 2005Google Scholar, ainsi que, Wernick, A., Auguste Comte and the Religion of Humanity: The Post Theistic Program of French Social Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.Google Scholar

2 Voir par exemple Ogien, A. et Quéré, L. (Les moments de la confiance: connaissances, affects et engagements, Paris, Economica, 2006)Google Scholar, qui, bien entendu ne soufflent mot de Comte.

3 Pour faciliter les références aux ouvrages de Comte, les abréviations suivantes seront utilisées: Som. pour «Sommaire appréciation de l'ensemble du passé moderne» [1820], dans Écrits de jeunesse, Paris, Mouton, 1970, p. 205240Google Scholar; Pl. pour «Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société» [1822], dans ibid., p. 241–322; C. ph. pour «Considérations philosophiques sur les sciences et les savants» [1826]Google Scholar, dans ibid., p. 323–360; C. pouv. pour «Considérations sur le pouvoir spirituel» [1826]Google Scholar, dans ibid., p. 361–396; C. pour Cours de philosophie positive (1830–1842), 2 vol., Paris, Hermann, 1975Google Scholar, cet ouvrage est cité en indiquant le numéro de la leçon, puis la page: par exemple, «C., 2, p. 45» renvoie à un passage de la deuxième leçon du Cours qui se trouve à la page 45 du tome 1 de l'édition Hermann (le second volume contient les leçons 46 à 60, ce dernier étant depuis un certain temps indisponible, les références renvoient dans la mesure du possible à des volumes facilement accessibles: pour les leçons 47 à 51, aux Leçons de sociologie, Paris, GF-Flammarion, 1995Google Scholar, et pour les leçons 58 à 60, à Science et politique, les Conclusions générales du Cours de philosophie positive, Paris, Pocket, 2003)Google Scholar; Disc. pour Discours sur l'esprit positif [1844], Paris, Vrin, 1995Google Scholar; S. pour Système de politique positive (1851–1854), Paris, Société Positiviste, 1927Google ScholarS., I, p. 354» renvoie ainsi à la page 354 du premier volume); Cat. pour Catéchisme Positiviste [1852], Paris, GF-Flammarion, 1966Google Scholar; C.G. pour Correspondance Générale, éd. Carneiro, de P. et al. ii, Paris, Éditions de l'EHESS, 19731990, 8 volumes.Google Scholar

4 Bensaude, B., La science contre l'opinion, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2003, p. 11.Google Scholar

5 Simon, W. M., European Positivism in the Nineteenth Century, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1963Google Scholar; Wright, T. R., The Religion of Humanity: The Impact of Comtian Positivism on Victorian Britain, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.Google Scholar

6 Bagchi, J., «Le positivisme dans l'imagination scientifique du Bengale colonial», dans M. Bourdeau et F. Chazel, dir., Auguste Comte et l'idée de science de l'homme, Paris, L'Harmattan, 2002.Google Scholar

7 La remarque vaut également pour Mill comme pour Marx ou Tocqueville qui, à l'époque, jetaient les bases de la science sociale.

8 On les trouvera dans le recueil Philosophie des sciences, publié par J. Grange chez Gallimard, 1996, p. 351421.Google Scholar

9 Voir par exemple Brunschvicg, L., Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, Paris, Presses Universitaires de France, 1953, t. 2, p. 513533Google Scholar ou Gilson, É., Les métamorphoses de la Cité de Dieu, Paris, Vrin, 1952, chap. 9: «la cité des savants».Google Scholar

10 Ainsi, le Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale publié en 1996 aux Presses Universitaires de France sous la direction de M. Canto, n'en souffle mot, alors pourtant que son ouvrage La morale et la science des mœurs (Alcan, Paris, 1903)Google Scholar a été pendant plus de dix ans au centre des débats sur la philosophie morale en France; voir D. Merllié, «La sociologie de la morale est-elle soluble dans la philosophie? La réception de La morale et la science des mœurs», Revue française de sociologie, 2004, vol. 60, no 1, p. 415440.Google Scholar

11 Aron, R., Les étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967Google Scholar; Canguilhem, G., Études d'histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1979Google Scholar; on mentionnera également l'excellent ouvrage de Lacroix, J., La sociologie d'Auguste Comte, Paris, Presses Universitaires de France, Paris, 1961.Google Scholar

12 Gouhier, H., La jeunesse d'Auguste Comte et la formation du positivisme, 3 vol., Paris, Vrin, 19361941.Google Scholar

13 Macherey, P., Comte, la philosophie des sciences, Paris, Presses Universitaires de France, 1989.CrossRefGoogle Scholar

14 Cf. Laudan, L., Science and Hypothesis, Dordrecht, Reidel, 1981, chap. 9CrossRefGoogle Scholar: «Toward a Reassessment of Comte's “méthode positive”», qui constate l'absence d'une étude détaillée de l'épistémologie comtienne. Sur ce point, la situation n'a guère changé depuis.

15 L'on remarquera au passage que, sur la question des rapports de la science et de la philosophie, Comte adopte une position fort différente de celle qu'on lui prête d'ordinaire: il ne s'agit pas tant de rendre la philosophie plus scientifique que de rendre la science plus philosophique.

16 Cf. Bourdeau, M., Les trois états, Paris, Cerf, 2006, chap. 2.Google Scholar

17 Comte ne verrait dans le point de vue logique qu'une variante du point de vue mathématique qui avait jusqu'alors commandé le développement de l'esprit positif mais que la fondation de la science sociale a rendu caduc: un berceau, remarquait-il, ne saurait être un trône.

18 «Ce n'est point a priori, dans sa nature, que l'on peut étudier l'esprit humain et prescrire des règles à ses opérations; c'est uniquement a posteriori, c'est-à-dire d'après ses résultats, par des observations sur des faits, qui sont les sciences. C'est uniquement par des observations bien faites sur la manière générale de procéder dans chaque science, sur les différentes marches que l'on y suit pour procéder aux découvertes, sur les méthodes en un mot, que l'on peut s'élever à des règles sûres et utiles sur la manière de diriger son esprit. Ces règles, ces méthodes, ces artifices composent dans chaque science ce que j'appelle sa philosophie. Si l'on avait des observations de ce genre sur chacune des sciences reconnues comme positives, en prenant ce qu'il y aurait de commun dans toutes les résultats scientifiques partiels, on aurait la philosophie générale de toutes les sciences» («à Valat», 24 09 1819Google Scholar, dans, C.G., 1, p. 59).Google Scholar Comte a alors 21 ans!

19 Cf. encore «la véritable philosophie de chaque science est nécessairement inséparable de son histoire réelle, c'est-à-dire d'une exacte appréciation générale de la filiation effective de l'ensemble de ses progrès principaux» (C., 49, p. 229n).

20 Mill, J. S., Auguste Comte et le positivisme, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 70.Google Scholar Sur Comte historien des sciences, voir encore, Sarton, G., «Auguste Comte, Historian of Science», Osiris, 1952, vol. 10, p. 328357.CrossRefGoogle Scholar

21 Voir par exemple Chazel, Fr., «Sur quelles bases établir des relations stables entre historiens et sociologues?», Revue européenne des sciences sociales, 2004, vol. 42, no 129, p. 6372CrossRefGoogle Scholar, ainsi que Leroux, R., Histoire et sociologie en France, Paris, Presses Universitaires de France, 1998.CrossRefGoogle Scholar

22 Cf. aussi ibid., 53, p. 313: «ces dénominations de grec ou de romain ne désignent pas ici essentiellement des sociétés accidentelles et particulières: elles se rapportent surtout à des situation nécessaires et générales, qu'on ne pourrait qualifier abstraitement que par des locutions trop compliquées».

23 N. et Dhombres, J., Naissance d'un nouveau pouvoir: science et savants en France (1793–1824), Paris, Payot, 1989.Google Scholar

24 Som., p. 237Google Scholar: «La confiance dans les opinions des savants a un tout autre caractère. C'est l'assentiment donné à des propositions sur des choses susceptibles de vérification, propositions admises à l'unanimité par les hommes qui ont acquis et prouvé la capacité nécessaire pour juger.

À la vérité, le fait est admis sans preuves; mais il n'est admis de cette manière que par la raison qu'on se juge incapable de suivre les démonstrations qui établissent ces vérités. Cette confiance renferme toujours implicitement la réserve expresse du droit de contradiction en cas de nouvelles démonstrations produites, qui prouvent qu'elle est mal fondée, ou de lumières suffisantes acquises par le croyant pour combattre les opinions reçues. Le peuple est donc loin de renoncer par là au libre exercice de sa raison»; sur la foi positive, cf. encore C. pouv., p. 388.Google Scholar

25 Sur la question, voir Bensaude, B., Comte et la diffusion des sciencesGoogle Scholar, Petit, dans A., dir., Auguste Comte, Trajectoires positivistes, 1798–1998, Paris, L'Harmattan, 2003, p. 127134.Google Scholar

26 Voir respectivement, Science in a Free Society, Londres, New Left Books, 1978, p. 9298Google Scholar; Against Method, Londres, Verso, p. 100.Google Scholar

27 Voir l'ouvrage Reisch, de G., dont c'est l'objet véritable, How the Cold War Transformed Philosophy of Science: To the Icy Slopes of Logic, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.CrossRefGoogle Scholar

28 Disc., p. 8586Google Scholar: «Dans son aveugle instinct de liaison, notre intelligence aspire presque à pouvoir toujours lier entre eux deux phénomènes quelconques, simultanés ou successifs; mais l'étude du monde extérieur démontre au contraire que beaucoup de ces rapprochements seraient purement chimériques, et qu'une foule d'évènements s'accomplissent continuellement sans aucune vraie dépendance mutuelle; en sorte que ce penchant indispensable a autant besoin qu'aucun autre d'être réglé d'après une saine appréciation générale». Dans l'état positif, «l'harmonie de nos conceptions» est limitée «par l'obligation fondamentale de leur réalité».

29 La même idée était déjà exprimée, dans des termes très voisins, dans, C. ph., p. 243.Google Scholar Dans le premier texte, Comte remarquait qu'il en va de même pour les sciences appliquées «dont chacune, au fond, au lieu de se rapporter exclusivement à une certaine branche de la philosophie naturelle, dépend aussi plus ou moins de toutes les autres» (ibid.).

30 Neurath, O., «L'encyclopédie comme “modèle”», Revue de Synthèse, vol. 12, 1936, p. 190191.Google Scholar

31 Blais, M.-Cl., Au principe de la République, le cas Renouvier, Paris, Gallimard, 2000Google Scholar; Fedi, L., «Lien social et religion positiviste chez les penseurs de la Troisième République», Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2003, vol. 87, no 1, p. 127150.CrossRefGoogle Scholar

32 Cl. Nicolet, , L'idée républicaine en France, Paris, Gallimard, 1982Google Scholar; cf. encore le numéro spécial de Sciences et techniques en perspectives (2004Google Scholar, 2e série, vol. 8, no 2) consacré à P. Laffitte, ou la contribution d'Edgar Faure, le dernier grand homme du parti radical, dans, , Auguste Comte, qui êtes-vous? Paris, La manufacture, 1988.Google Scholar

33 Des trois volumes consacrés par Émile Faguet aux Politiques et moralistes français du XIXe siècle (Paris, Boivin), le second est tout entier centré sur le thème du pouvoir spirituel: il contient des études sur Saint-Simon, Fourier, Lamennais, Ballanche, Edgar Quinet, Victor Cousin et Comte. On remarquera que Bonald et de Maistre sont absents; Faguet les place aux côtés de Madame de Staël, de Constant ou de Guizot.

34 Voir Pickering, M., Auguste Comte et la sphère publique de Jürgen HabermasGoogle Scholar, Petit, dans A., dir., Auguste Comte, Trajectoires positivistes, 1798–1998, Paris, L'Harmattan, 2003, p. 229237.Google Scholar

35 «Sur le gouvernement représentatif», dans, Collected Works, t. 19, Toronto, Toronto University Press, 1982, p. 381.Google Scholar

36 «Pour reconstruire le pouvoir spirituel, je fus graduellement conduit à fonder une doctrine qui pût susciter des convictions fixes et communes» (S., IV, p. 530)Google Scholar. Ailleurs, Comte parle encore de «l'aptitude des croyances profondes à consolider le dedans en le liant au dehors», Cat., p. 77.Google Scholar

37 Ch. Peirce, , «Comment se fixe la croyance»Google Scholar, dans, Œuvres, Paris, Cerf, 2002, t. 1, p. 223.Google Scholar

38 Levi, I., The Covenant of Reason, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 2 et 20.CrossRefGoogle Scholar

39 Cf. C., 46, p. 29: «l'état d'examen ne saurait être évidemment que provisoire, comme indiquant la situation d'esprit qui précède et prépare une décision finale, vers laquelle tend dans cesse notre intelligence». La page mériterait d'être citée en entier.

40 «Cette méthode a fourni, depuis les temps les plus reculés, l'un des principaux moyens de maintenir l'orthodoxie des doctrines théologiques et politiques, et de leur conserver un caractère catholique et universel. […] Partout où il y a eu un clergé — et aucune religion n'en a été exempte — cette méthode a été plus ou moins appliquée» (Peirce, , «Comment se fixe la croyance», p. 226).Google Scholar

41 «L'histoire de la philosophie métaphysique en offre un exemple parfait. […] Les métaphysiciens n'ont jamais pu parvenir à un accord solide» (ibid., p. 228–229). La suite du texte, qui compare cette méthode à la précédente, retrouve encore sur bien des points les analyses comtiennes; l'appel aux faits, qui motive le passage à la méthode scientifique, fait écho au critère empiriste du sens dont, faut-il le rappeler, Comte a été le premier à donner une formulation explicite.

42 Les difficultés commencent avec «la renonciation volontaire et motivée du plus grand nombre [des intelligences] à leur droit souverain d'examen» (C., 46, p. 50).

43 Cf. C., 57, p. 668. Déjà Port-Royal rapportait la foi à «l'autorité des personnes dignes de créance» et distinguait en conséquence entre foi divine et foi humaine, Logique, IV, xii, p. 335–36Google Scholar de l'édition de P. Clair et Fr. Girbal, Paris, Presses Universitaires de France, 1965.

44 Levi, I., The Covenant of Reason, p. 248Google Scholar: «the testimony of witnesses is no more and no less a source of information in scientific inquiry than the testimony of senses».

45 C., 48, p. 157Google Scholar: «Toutes les sciences diverses, même les plus simples, ont un indispensable besoin de ce qu'on nomme les preuves testimoniales, c'est-à-dire d'admettre continuellement, dans l'élaboration fondamentale de leurs théories les plus positives, des observations qui n'ont pu être directement faites, ni même répétées, par ceux qui les emploient».

46 Mill, , Auguste Comte et le positivisme, p. 8990.Google Scholar

47 Wartelle, J.-Cl., L'héritage d'Auguste Comte, histoire de «l'Eglise» positiviste, Paris, L'Harmattan, 2001.Google Scholar Voir également l'ouvrage de Wright cité note 2.

48 Mill, J. S., Three Essays on ReligionGoogle Scholar, dans, Collected Works, t. 10, Toronto, Toronto University Press, 1969, p. 422Google Scholar; sur le sujet, voir Raeder, L., John Stuart Mill and the Religion of Humanity, Columbia and London, University of Missouri Press, 2002Google Scholar, dont les conclusions paraissent cependant excessives.

49 Voir le numéro spécial de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2003, vol. 87, no 1Google Scholar, le texte de Comte cité note 1 et le chapitre 7 de Les trois états, Paris, Cerf, 2006.Google Scholar

50 Voir pourtant, outre les divers ouvrages rédigés autour de 1905 et mentionnés dans l'article Merllié, de D. («La sociologie de la morale est-elle soluble dans la philosophie?»)Google Scholar, celui Maritain, de J., La philosophie morale, examen historique et critique des grands systèmes, Paris, Gallimard, 1960Google Scholar, et, plus récemment, l'article dans le, de P. MachereyDictionnaire d'éthique et de philosophie morale publié aux Presses Universitaires de France sous la direction de M. Canto (Paris, 1996).Google Scholar Si on ne manque pas de porter au crédit de Comte l'invention du mot sociologie, on oublie en revanche assez systématiquement qu'il a aussi forgé celui d'altruisme.

51 Voir par exemple la lettre philosophique sur la commémoration sociale, communément appelée Sainte Clotilde, en raison du prénom de sa destinatrice (C. G., t. 3, p. 2733)Google Scholar ou le début de l'«explication préliminaire sur la nouvelle division de l'année» qui sert de préambule au «calendrier positiviste, ou système général de commémoration publique» (C. G., t. 5, p. 293304)Google Scholar, textes où le génie philosophique de Comte se manifeste dans tout son éclat.

52 Je dédie cet article à Annie Petit, à qui ce renouveau des études comtiennes doit tant.