L'histoire, cet art de la vérité, n'est pas fondée sur une seule méthode technique. Tout doit être mis en œuvre par l'historien pour mieux connaître le passé et l'évolution qui conduit au présent : connaissance du cœur et connaissance de l'esprit. Pour la première, c'est toujours avec plaisir que nous relisons Michelet dont l'œuvre reste d'une étonnante jeunesse. Mais, aujourd'hui, c'est sur la seconde que nous voudrions méditer.

Les bouleversements du présent ne peuvent laisser l'historien indifférent. Il assiste à l'évolution humaine, ne doit-il pas en profiter pour en tirer des leçons de méthode propres à mieux conduire sa recherche du passé ? Le plus grand danger qui menace l'histoire est l'enlisement dans une routine d'école. Ce n'est pas l'application plus étendue de la critique historique appliquée à des masses de documents plus importantes, qui nous fera avancer beaucoup dans la compréhension du passé. L'érudition est la base de tout. Mais sachons construire sur elle une œuvre qui illumine vraiment la connaissance générale de la condition humaine.

L'histoire des techniques souffre du manque de témoignages ; on y supplée par les témoignages indirects de l'archéologie et de la linguistique : outils de travail, produits fabriqués datés par la stratigraphie des fouilles ou par l'histoire de l'art, mots datés par leur phonétique et leui étymologie.

Lorsqu'il s'agit du nom, bien spécifique, d'un objet courant — le fait d'avoir été emprunté récemment, ou au contraire d'être ancien dans une langue, est un témoignage précieux.

Ainsi le nom du collier de cheval en Europe centrale et orientale atteste une série d'emprunts datant du Moyen Age. Mais le nom qui sert à désigner le joug double de garrot étant le même dans les anciennes langues indo-européennes indique que l'objet est de date préhistorique. Les Chinois et les Taïs ont le même mode d'attelage du bœuf par un jouguet simple de garrot.

A maintes reprises, les Annales ont attiré l'attention de leurs lecteurs sur l'extrême intérêt que présente — lorsqu'il est possible de l'écrire utilement — l'histoire des familles. Intérêt multiple et si grand qu'on peut relire la collection des Annales : on n'y trouvera que bienveillance pour les auteurs de monographies familiales ; bienveillance excessive, parfois, pourrait-on dire : c'est que, dans les livres qu'on nous envoie, si souvent encombrés de détails parasites et de fausses précisions superflues — nous allons cherchant, par delà le texte des auteurs, le texte dont nous rêvons, avec tout ce qu'il pourrait évoquer en nous de curiosités diverses.

L'étude qu'on va lire se rattache à un ensemble de préoccupations qui sonit nôtres depuis l'origine. Son auteur n'escompte pas, certes, la bienveillance spéciale dont je parlais à l'instant.

Seuls ou à peu près, jusqu'ici, les généalogistes et les érudits locaux se sont penchés sur l'évolution des familles au Moyen Age. En dépit de leurs desseins limités, leurs travaux constituent, par les faits qu'ils révèlent, par les documents qu'ils font connaître, des mines de renseignements. Mais l'historien de la vie sociale doit reprendre leur effort d'un point de vue plus large. Les obstacles ne manquent pas ; la documentation s'avère disparate et le plus souvent incomplète ; faut-il renoncer pour autant ? Nous ne le pensons pas, et l'on voudra bien trouver ici un essai de monographie consacré à une vieille famille toulousaine, celle des Ysalguier.

« A l'initiative et sous la direction de M. L. Losseau a été entrepris Le Hainaut. Encyclopédie provinciale. Elle comprend le Dictionnaire historique et géographique des Communes du Hainaut ; publié « sous la direction de M. A. Louant, avec la collaboration de divers érudits, et dont le fascicule Ier a paru en 1940. Chaque commune, qui forme un tout, prend place dans un fascicule au hasard de son achèvement. Chaque notice est composée suivant un plan identique comprenant 13 parties essentielles : situation géographique, noms, hameaux et dépendances, lieux dits, population, à titre démographique, anciennes juridictions, histoire, partie la plus développée : i. Ancien Régime : description du village, seigneurie, commune, paroisse, et, au besoin, institutions religieuses.

La Collection Ethnographique de la R. N. F. — L'Espèce humaine — si brillamment inaugurée par le livre très beau et très profond de Maurice Leenhardt sur les Canaques de Nouvelle-Calédonie, les Gens de la Grande Terre — et qui semblait un peu en sommeil depuis, avec des ouvrages moins lourds de sens humain — se relève avec un livre extrêmement vivant et intéressant, un livre de maître ethnographe et de curieux passionné des aventures humaines : celui qu'Alfred Métraux consacre à L'Ile de Pâques.

Perdu dans le Pacifique, entre les îles Gambier (Mangareva) et la côte du Chili, ce morceau de scorie volcanique, criblé de fissures et de cavernes, est né, il y a quelques dizaines de milliers d'années tout au plus, d'une suite d'éruptions.

M. William-E. Lunt s'est fait l'historien attitré des finances pontificales au moyen âge. A ses deux volumes sur les revenus de la papauté, parus en 1934, voici que succède, après un bref intervalle, un gros, dense et savant ouvrage, spécialement consacré, cette fois, aux relations financières du Saint-Siège avec l'Angleterre, jusqu'à l'avènement d'Edouard III (1327). On souhaiterait posséder sur la France un travail analogue, aussi bien informé. Le plan, qui envisage, tour à tour, les divers types de perceptions, et, dans chaque division, suit un ordre strictement chronologique, est très simple. Trop simple, ne craignons pas de le dire. Car un grand nombre de problèmes divers enchevêtrent ainsi leurs données. Comme dans la réalité, sans doute. Mais l'histoire est analyse, non photographie. Je ne retiendrai ici que l'un d'eux, à la fois parce qu'il se place exactement dans la ligne de notre revue, et parce que l'auteur, en somme, l'a seulement effleuré, plutôt que traité. C'est le problème des transferts.

La collection d'études sur l'histoire du commerce, que dirige M. Rörig, s'est enrichie d'un nouvel ouvrage dans lequel M. Gerhard Franke a retracé l'histoire des capitaux investis à Lunebourg par les bourgeois de Lubeck, durant le XIVe siècle. Les deux villes étaient unies par des relations fort anciennes : la ville de Lunebourg devait le meilleur de sa richesse à ses sources d'eau salée et l'expansion du commerce lubeckois dans la Baltique depuis la fin du XIIe siècle avait ouvert des débouchés nouveaux au commerce du sel lunebourgeois. Une solidarité économique étroite s'était ainsi établie au cours du XIIIe siècle entre les deux villes, solidarité que venaient encore renforcer les liens de parenté qui unissaient de l'une à l'autre les grandes familles de la bourgoisie. Ce commerce du sel présentait pour les bourgeois lubeckois un intérêt si vif que ceux-ci n'hésitaient pas vers la fin du XIVe siècle à entreprendre à grands frais la construction du canal de la Stecknitz afin de faciliter le transport du sel de Lunebourg à Lubeck et de lutter du même coup contre la concurrence de Hambourg.

L'excellente thèse que M. Louis Papy a consacrée à La Côte Atlantique, de la Loire à la Gironde a un premier mérite. Elle est. faite sans doute de deux parties, l'une de géographie physique et l'autre de géographie humaine ; mais la première s'intitule Introduction à une étude de géographie humaine et mérite pleinement ce titre — c'est-à-dire qu'elle est orientée, avec plus de soin que d'habitude, vers la seconde, celle qui porte ce beau titre : L'Homme et, la Mer. Le premier résultat, c'est que les mêmes lecteurs liront aussi bien l'étude de géographie physique, pleine de choses utiles et neuves, que l'étude de géographie humaine ; ils s'intéresseront au travail de la mer, décrit avec tant de précision dans sa variété par M. Papy : attaque des falaises par les flots, envasement des baies, formation des plages et des dunes, de quoi comprendre non seulement les paysages niais la vie des établissemerits humains.

Une description de l'Economie contemporaine. :— On ne peut demander mieux, comme Manuel détaillé, que le Traité d'Economie Politique de Gaëtan Pirou et de Maurice Byé. Deux volumes déjà ont paru. Le tome I s'intitule Les Cadres de la Vie Economique ; la première partie a pour son titre : la Technique et le Droit, le Capitalisme, l'Industrie ; la seconde, l'Agriculture et le Commerce ; toutes deux sont l'œuvre propre de Gaëtan Pirou. Le dessein de ce livre est ferme, net, précis, l'information, très abondante, très sûre et très moderne ; variée par surcroît : Gaëtan Pirou n'a pas la hantise des cloisons, au contraire ; il regarde, par-dessus son mur, dans l'enclos des voisins, historiens, sociologues, voire géographes humains.

On a plaisir, à constater que l'Atlas de France du Comité National de Géographie poursuit, en dépit des événements, sa marche à une allure non seulement régulière, mais rapide. Nous avons sous les yeux seize planches nouvelles, publiées depuis notre dernier compte rendu. Elles terminent la publication, exception faite des quatre cartes du Tapis Végétal en France, prévues, et des quatre cartes chorographiques de la France également prévues. C'est-à-dire qu'actuellement, sur les quatre-vingt-deux planches annoncées, soixante-quatorze sont publiées.

Des seize cartes qu'il nous faut signaler, sept prennent place dans la série Morphologie et Géophysique qu'elles complètent. Elles concernent la Géologie ; la Morphologie (quatre feuilles à un millionième : N.-W., N.-E., S.-W., S.-E.), les dépôts superficiels et la Géophysique. Elles sont, comme d'habitude, remarquables. La France morphologique, en quatre feuilles, constitue en particulier une admirable réussite, non moins qu'un admirable instrument de travail.

Hygiène, oui. Destruction des foyers de maladie qui sont également des foyers de misère morale. Oui. Destruction de Paris, non.

Je suis plein du sujet. Dans le tome XIV de l'Encyclopédie, tout prêt à être publié quand est survenue la tourmente, des collaborateurs de choix avaient, à ma prière, traité ces grosses questions d'urbanisme avec la gravité et le sérieux qu'elles méritent. Nos villes ne suffisaient plus à la circulation des automobiles. Nos rues étaient engorgées en permanence. Qui a dû traverser, un matin, aux heures où le marché des Halles battait son plein, les rues ouvrières et marchandes du vieux Paris de la rue Saint-Martin et de la rue Saint-Denis, sait ce que veut dire ce mot d'engorgement. Alors, il faut des rues larges. Alors, il faut des rues droites. Alors, il faut, prendre, une règle et un crayon, tracer sur un plan de Paris des lignes sans inflexions et, sur le parcours de ces lignes, tout jeter à bas. Ce n'est pas plus difficile que cela. C'est une solution à la mesure des bureaux.