« Oh ! Vous allez dans le Middle West ? » Les amis de Nouvelle- Angleterre auxquels j'annonce que je les quitte ont dans leur voix un ton de reproche amusé. Naturellement, pensent-ils, je cherche à retrouver l'Amérique « typique » comme on se la figure en Europe : un pays de grands enfants incultes, standardisés, ne vivant que pour le dollar. Et c'est pour cela que je quitte leur Massachusetts hospitalier, cultivé, poli, féru de tradition. Bon voyage ! Ma curiosité sera bientôt satisfaite, et je commencerai à m'ennuyer là-bas. Tant pis pour moi ; mais ce qui est regrettable, c'est que ces plaines de l'Ouest et leurs barbares habitants vont me donner une mauvaise impression des États-Unis. La vraie Amérique, celle qui compte, c'est, n'est-ce pas ? ce triangle que limitent Boston, Washington et Chicago.

Anvers a joué dans la vie économique du XVIe siècle un rôle de premier plan. Lod. Guicciardini, au temps de sa splendeur, l'appelle « le port le plus célèbre du monde ». Il était à la fois tête de ligne des routes terrestres et maritimes de la mer du Nord à la Méditerranée, entrepôt des marchandises en provenance ou à destination de Lisbonne et de Séville, centre de distribution pour le commerce du Nord et du Centre de l'Europe.

Rien d'étonnant, par conséquent, si, pendant les deux premiers tiers du siècle, spécialement de 1525-1530 à 1560, Anvers fut à l'avantgarde des nouveautés commerciales et industrielles par quoi s'ébaucha une révolution économique, parallèle à la révolution religieuse et intellectuelle. Si, parmi les plus grandes places de commerce du temps, Lyon paraît avoir connu une technique financière plus évoluée, son activité était concentrée lors des époques de foire, tandis que celle d'Anvers était permanente et comporta un volume d'échanges bien plus considérable.

On s'accorde aisément sur le fait que la Loire fut, à l'âge de la voie d'eau, l'artère maîtresse du commerce français ; on sait, en gros, quelles marchandises y furent véhiculées ; qu'elle fut la route royale du sel, puis qu'elle exporta les vins de sa vallée ; que la double orientation de son cours, avec ses deux branches, l'Occidentale et la Méridienne, harmonieusement commandées par l'emporium Orléanais, en fit le grand chemin de Paris pour le négoce des « Deux Mers » ; qu'à l'appel de Nantes, elle s'ouvrit au trafic colonial et distribua les sucres et les retours des îles. Mais dès qu'on quitte le domaine des généralités, qu'on cherche à préciser les faits, à tracer des courbes, à dégager une évolution — enquête qui pourrait mener assez loin — l'inventaire de nos connaissances s'avère misérable.

Nous avons reçu, — et nous en rendrons compte, comme il convient, — l'excellente édition des Réflexions de Dutot sur les finances et le commerce que publie, avec son zèle et son soin accoutumé, le grand travailleur qu'est Mr Paul Harsin. Mais dans la Préface qui ouvre son premier volume, il est un passage qui demande à être reproduit et commenté.

« De plus en plus, écrit notre collaborateur (p. VIII et IX), les travailleurs sentent le besoin d'être aidés dans l'exécution de leurs projets par la bienveillance et l'esprit de collaboration de certains organismes administratifs dispensateurs de facilités diverses, telles que l'échange ou le prêt international d'archives ou de manuscrits, la réduction au minimum des délais, des formalités ou des frais nécessités par ces communications de documents hors frontière, etc. Il faut le dire, la plupart des États apportent dans cette tâche plus que de la bonne volonté.

Le grand et beau livre que Mr l'abbé Jean Destrez a intitulé La Pecia dans les manuscrits universitaires du XIIIe et du XIVe siècle peut être présenté (pour un peu, je dirais « doit être présenté ») par un historien et non par un paléographe. Car son mérite, précisément, c'est d'échapper à la « spécialité » et, fondé sur les travaux d'approche les plus minutieux et les plus vastes (l'auteur n'a pas examiné moins de 7 000 manuscrits disséminés à travers toute l'Europe) — d'aboutir à des conclusions du plus haut intérêt pour l'histoire intellectuelle générale de l'Occident.

Pecia, qu'est-ce ? Le mot est de tanneur et parcheminier. Il signifie une peau de mouton préparée pour l'écriture.

L'histoire de la Hanse a donné lieu en ces dernières années à des publications de textes et à des études de détail fort nombreuses, mais il reste à écrire une histoire d'ensemble du commerce hanséatique, à déterminer son importance, son organisation et sa technique. Faisant à certains égards œuvre d'initiateur dans cette voie, Mr Wilhelm Koppe vient de consacrer au commerce de Lübeck avec Stockholm au XIVe siècle une étude pénétrante et d'un puissant intérêt.

En dépit de son titre, l'ouvrage de Mr Koppe se concentre exactement sur la période 1368-1400 et se contente pour la période antérieure d'indications rapides ; ce déséquilibre apparent tient aux documents mêmes que l'auteur a eus à sa disposition. Ces documents sont les registres sur lesquels étaient inscrites les taxes acquittées par les navires à leur entrée, ou à leur sortie, du port de Lübeck.

Dans le Quarterly journal of economics (novembre 1935), Mr B. W. Dempsey, S. J., sous ce titre : The historical emergence of quantity theory, revendique pour d'autres penseurs que Bodin le mérite d'avoir aperçu l'incidence de l'or et de l'argent américains sur le mouvement des prix et, par conséquent l'honneur d'avoir formulé, avec ses qualités et ses défauts, la théorie quantitative. Il soutient qu'on a mésestimé l'intérêt pris par les Espagnols aux questions monétaires.

Accordons-lui tout d'abord que Francisco Lôpez de Gômara, dans ses Annales de Carlos Quinto, sous l'année 1500 (p. 162 du texte, p. 2 de la tra-duction) a esquissé une comparaison entre le prix des choses au début et au milieu du XVIe siècle : « Il y a une grande différence entre ce temps-là et celui-ci en beaucoup de choses, comme, par exemple, en vêtements, en dépenses et dans le prix des choses, à cause, selon mon jugement, de la grande quantité d'argent et d'or qui nous est venue des Indes.

Dans la nuit du 30 au 31 août 1935, à 11 heures, un mineur du Donbass, Alexis Stakhanov, descendait dans son puits, accompagné de deux boiseurs, Machourov, chef du chantier, Petrov, organisateur du parti, et de Mikhailov, rédacteur du journal de la mine « Centrale Irmino ». Il avait l'autorisation de travailler avec son marteau piqueur tout le long des 85 mètres de couche.

Le 31 août, à 5 heures du matin, Stakhanov remontait à la surface après avoir, aidé de ses deux camarades boiseurs, abattu 102 tonnes de charbon. Il ne s'agissait pas là des prouesses d'un athlète exceptionnel. Bientôt, Diakounov, dans le même puits, extrayait 115 tonnes ; un « Komsomol » [jeune communiste], Koltsedanov, 125 ; puis Alexis Stakhanov lui-même, 175 et 227 tonnes. D'autres chiffres, plus importants encore, ont été depuis annoncés.

De tous les coins de l'Union, des nouvelles de ce genre parviennent.

Encore un magnifique Atlas Régional. Mais son titre est allemand. Mais la région qu'il permet de comprendre et d'étudier est allemande. Mais le programme même qu'annonce le sous-titre est allemand ; traduit librement, il annonce : « Milieu naturel et Matériel humain, ou : Les relations, à l'intérieur d'un territoire de culture et de genre de vie germanique, des faits de Peuplement, d'Économie et de Trafic. » Quand aurons-nous la joie de saluer un Atlas régional français construit sur ce plan large et compréhensif , capable dès lors d'intéresser aussi bien les géographes « physiques » que les géographes « humains », les naturalistes que les économistes, les linguistes que les juristes — et, par-dessus tout, naturellement, les historiens, si l'histoire est synthèse, précisément, de tant d'éléments fournis par des sciences voisines ?

Inutile d'insister sur l'intérêt que présente, pour l'histoire européenne, la cartographie détaillée de cette région de la Basse-Saxe déroulant de l'Elbe à l'Ems son épais manteau de débris diluviens, recouverts de tourbières et d'alluvions, balayés de vents humides et froids, rude, sans sourire, mais offrant à l'homme toute une série de possibilités, toute une combinaison d'habitats et d'éléments de vie très contrastés.

Écrire une histoire « sociale et économique » de l'Europe depuis la préhistoire jusqu'au seuil du XIXe siècle — le mot d'Europe étant, par surcroît, pris dans le sens le plus ample, au point de comprendre le monde des steppes et l'Islam même : — qui de nous ne reculerait devant une pareille tâche ou du moins n'y verrait celle d'une vie entière ? Pourtant les trois forts volumes de Mr Franz Oppenheimer sont une simple pièce dans un ensemble beaucoup plus vaste encore, qui n'est rien de moins qu'un système général de sociologie. Comme il ne s'agit en aucune manière d'une improvisation hâtive, d'une de ces œuvres de « Schwärmer » que les dernières années ont vu surgir à plusieurs reprises entre le Rhin et l'Oder et dont Mr Oppenheimer nous confie quelque part ne goûter que médiocrement les faux brillants, une .force de travail aussi soutenue suffirait en elle-même à commander le respect.