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Étymologies et généalogies : théories de la langue, liens de parenté et genre littéraire au XIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

R. Howard Bloch*
Affiliation:
University of California, Berkeley

Extract

Si le titre ci-dessus témoigne d'une certaine plénitude, c'est que le vieux rêve anthropologique d'union entre les lois linguistiques et les lois sociales n'a jamais été mieux réalisé que dans l'Occident médiéval. C'est une époque où toute spéculation sur le monde semble débuter par une spéculation sur le langage, où la grammaire surtout fournit une clé à maintes activités symboliques, et une époque à la fin de laquelle la littérature est fortement impliquée dans une profonde redéfinition de la grammaire et de la famille. Il s'agit moins de découvrir de simples homonymies ou des analogies que de démontrer combien la grammaire, la famille, et les principaux genres littéraires participent aux mêmes formes de vie et combien ces trois domaines de la représentation servent pour le Haut Moyen Age à définir la représentation même. Mais au lieu de commencer par des généralités qui, dans le meilleur des cas, ne seront évidentes qu'à la fin, prenons un exemple littéraire précis.

Summary

Summary

This article seeks to demonstrate the close connection between early medieval grammar and the patterns of kinship of the High Middle Ages. Historical linguistics—based upon an assumed “founding” moment of meaning in Hebrew and evolution through Greek and Latin to the present word, which still contains a part of the essence of the thing—serves to define an epistemological mode in which the primacy of origins is complemented by a strategy of etymological return. And, similarly, the early articulations of the family as lineage affirm a “founding” moment of the consanguineal group, attachment to land, castle, proper name, and evolution toward the present holder of all three. This rapport, which becomes a dialectical one with the advent of the “ménage” alongside of lineage and of modal and nominalist linguistics alongside of “etymological” grammar, is reflected in the poetry of the twelfth and thirteenth centuries. In particular, the epic can be assimilated to the family as a lineal series, and the love lyric can be seen as interruptive of genealogy and ail that it implies by way of representational integrity and narrative sequence. More important, it is in the courtly romance that conflicting grammatical, familial, and literary models find an ideal locus of mediation.

Type
L'Europe Médiévale
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1981

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References

Notes

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2. Ce choix de symbole ne peut pas être innocent. L'arbre est le paradigme par excellence de l'insertion, et le public du xmc siècle était sans doute au courant de la légende selon laquelle l'Arbre d'Eden était lié à la Croix. L'Arbre du Bien et du Mal devient l'instrument de la mort et du péché avant de devenir celui de la rédemption ; le lignum vitae du paradis est un prototype ou la préfiguration de la nouvelle loi. Voir Ladner, G., « Médiéval and Modem understandingofsymbolism : acomparison », Spéculum, 54, 1979, pp. 223256.CrossRefGoogle Scholar

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31. Saint Augustin, De Doclrina. p. 258.

32. « Je songe à un grand verger où il y a de beaux arbrisseaux en maints endroits ; les greffes sont grandes et le fruit charnu… C'est pourquoi le seigneur (mari), je vous l'assure, porte chapeau cornu venant du con. Car c'est seulement par une greffe que s'arrondit sa dame. » Poésies complètes du troubadour Marcabru, J.-M.-L. Dejeanne éd., Toulouse, Privât, 1909, pp. 9, 50.

33. « D'une autre façon sont trompés les maris. Il y a des hommes puissants et des barons qui enferment leurs femmes dans les maisons, de telle sorte qu'un étranger ne peut y entrer, et entretiennent sur les tisons des goujats auxquels ils donnent l'ordre de les garder. Et selon ce que dit Salomon, ceux-là ne peuvent recevoir des larrons pires que ces compagnons qui abâtardissent la race, et les maris caressent les petits goujats et s'imaginent entourer leurs fils de soins affectueux. » Ibid., p. 135.

34. « Pour sage je tiens sans nul doute celui qui dans mon chant devine ce que chaque mot signifie, comment le thème se déroule, car moi-même je suis sujet à l'erreur pour éclaircir une parole obscure. Des troubadours à l'esprit enfantin causent à ceux qui ont de la valeur de grandes entraves, tournent en contrainte ce que vérité octroie et font, par à peu près, les mots entremêlés de brisures. » Ibid., p. 178.

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