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De la Bible et des Notions D'espace et de Temps Essai sur l'usage des catégories dans le monde achkénaze du Moyen Age à l'époque moderne

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Sylvie Anne Goldberg*
Affiliation:
CEJ-CRH-EHESS

Extract

En rédigeant, en 1960, son « Temps de l'Église et temps du marchand », Jacques Le Goff s'appuie sur le travail d'Oscar Cullmann pour affirmer : « Le Nouveau Testament apporte, ou précise, par rapport à la pensée judaïque, une nouvelle donnée : l'apparition du Christ, la réalisation de la Promesse, l'Incarnation donnent au temps une dimension historique, ou mieux, un centre. Désormais “ depuis la création jusqu'au Christ l'histoire tout entière du passé, telle qu'elle est relatée dans l'Ancien Testament, fait déjà partie de l'histoire du Salut”». Mais, en rappelant qu'Halbwachs avait nié l'existence d'un temps unificateur qui s'impose à tous les groupes et avait affirmé la coexistence d'autant de temps collectifs que de groupes séparés dans une société, J. Le Goff ouvrait la petite porte par laquelle je tente ici de m'engouffrer, appelant à une enquête qui « montrerait dans une société donnée, le jeu entre les structures objectives et les cadres mentaux ; entre les aventures collectives et les destins, de tous les temps au sein du temps ».

Summary

Summary

The Long History of the Jews in the West shows that the social construction of temporality goes through an operating spatial appropriation. This phenomenon turns out when one confronts different kinds of historical material, Jewish and non- Jewish, religious with legal texts. This allows to bring together, within a same history, the admitted facts and their representations. To use the Bible as a source that informs and shapes attitudes in later Jewish societies became inscrutable for its sacred character and disciplinary conventions. This paper considers at first the interlacing of temporal and spatial order shaping the “Jewish time ” in traditional communities; then it attempts to clear up some of the traps disseminated within theological perspectives in Biblical studies.

Type
L'usage des Catégories
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1997

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References

* « Le réalisme possible des catégories spatiales n'a pas de contrepartie dans l'ordre temporel. lin apparence, la matérialité des lieux offre aux opérations de découpage de l'espace des points d'appui et des lignes de différenciation plus solides que le déroulement linéaire du temps n'en offre aux découpages chronologiques » écrivait Bernard Lepetit. Nous devions « en reparler », ce ne fut qu'une question de temps… Cet article lui est donc dédié. Bernard Lepetit, « De l'échelle en histoire », dans Revel, Jacques, Jeux d'échelles. La microanalyse à l'expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, « Hautes études », 1996, p. 89.Google Scholar

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3. Que mes « pourvoyeurs » réguliers d'articles, d'ouvrages et références, Nurit et Zeev Harvey et Michael Silber, soient ici remerciés pour leur bienveillante célérité.

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16. Il commença sans doute à fonctionner avant, mais la date officielle indique 1650 ; il fut aboli en 1748. Les règlements retrouvés ont été rassemblés, comme ceux de Pologne par Halperin, I., Constitutiones Congressus Generalis Judaeorum Moraviensum 1650-1748, Jérusalem, Mossad ha-rav Kook, 1952.Google Scholar

17. En pays germaniques, la situation des juifs est fort différente. Il n'y eut jamais d'organe centralisateur du judaïsme. Voir Ben Sasson, H. H. éd., A History of the Jewish People, Cambridge, Harvard UP, 1976.Google Scholar

18. Sur le titre et l'attribution du statut de «maître de maison», voir Kestenberg-Giladstein, R., « ha-bayyit ke-yesod ma'amadei feodali chel ha-hevra ha-yehoudit ché-lifne hacmantsipatsia » (La maison, base du statut féodal de la société juive avant l'Emancipation), Tarbiz, 29, 1960, pp. 176294.Google Scholar

19. I. Halperin, Constitutiones Congressus, op. cit., p. 91, § 279.

20. La hezqat yichouv, montant du droit de séjour et d'habitation dans les communautés, est l'un des droits les plus importants détenus par les juifs, il s'exerce chez les achkénazes comme chez les séfarades.

21. En Bohême, la scolarité des garçons était obligatoire jusqu'à l'âge de 13 ans, les orphelins devaient avoir leur enseignement pris en charge par la communauté ; cf. I. Halperin, Constitutiones Congressus, op. cit., p. 6, § 14.

22. Nata Hannover, Nathan, Yeven Metzoula, Venise, 1653, p. 12a.Google Scholar J'ai repris partiellement la traduction faite par Osier, J. P., traduit sous le titre : Le fond de l'abîme. Les juifs dans la tourmente des guerres cosaco-polonaises, 1648-1650, Paris, Le Cerf, 1989, p. 126.Google Scholar

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28. I. Halperin, Pinqas, op. cit., p. 33, § 373.

29. On peut fonder un parallèle en comparant cette période avec celle de l'émergence du système halakhique, voir Oppenheimer, A., « L'élaboration de la halakha après la destruction du Second Temple », dans Annales HSS, 1996, n° 5, pp. 10271055.CrossRefGoogle Scholar

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32. Les registres moraves consacrent toute une série de régulations à l'arrangement des mariages et à l'aide que l'on doit réserver aux parents démunis pour doter leurs filles, I. Halperin, Constitutiones Congressus, op. cit., voir notamment, pp. 54-56, § 170-175.

33. I. Halperin, Pinqas, op. cit., pp. 79-80, § 211. Décision prise en 1650, à la suite des massacres qui accompagnèrent la révolte cosaque des années 1648-1649 et décimèrent les communautés de la région.

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43. Tse'ena Ou-Re'ena (Sortez et regardez) est l'ouvrage que l'on trouve dans les bibliothèques familiales jusqu'au 20e siècle. Dans les récits oraux, il est mentionné comme étant lu le chabbat, souvent par la figure féminine pieuse de la maison. Il circule encore de nos jours dans certains milieux de stricte observance en rééditions contemporaines. En traduction française, Ben Isaac Achkenazi, Jacob de Janow, Le commentaire sur la Torah. Tseena Ureena, trad., annoté et présenté par J. Baumgarten, Lagrasse, Verdier, 1987 Google Scholar, voir notamment son introduction.

44. Salomon Yitshaqi Rachi (1040-1105). Ses commentaires sur la Bible et le Talmud accompagnent depuis le 15e siècle toutes les éditions imprimées. Auteur de responsa, de poèmes liturgiques, il était également une autorité en matière législative. Son oeuvre d'explicitation et d'éclairage du Talmud fut poursuivie par ses disciples, les tossafistes, qui représentent la grande école d'exégèse franco-allemande médiévale.

45. Yoma, 75a.

46. Jacob Ben Isaac Achkénazi de Janow, op. cit., pp. 37-38.

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49. La « terre d'impureté » s'entend par opposition à la « terre sainte », elle qualifie tous les lieux de l'exil et peut être traduite par « terre étrangère ». Horowitz, Isaïe, « Massekhet Soukka, Amoud ha-chalom », Chnei Louhot ha-berit, Amsterdam, 1649 Google Scholar ; f. 349 a ; rééd. Jérusalem, 2, 1970, p. 78 ; voir également l'interdit sur la construction de maisons en pierres dans le testament de Juda hé-hassid, Séfer hassidim, Margulies éd., Jérusalem, 1957, 16, p. 15.

50. Yehouda Loew ben Betsalel, R., Netsah Israël, Prague, 1599 Google Scholar, § 15, f. 26a.

51. Le Ma'assei ha-Chem d'Eliezer Eliya Achkenazi, publié à Venise, 1583, est un recueil d'homélies ; le Sefer ha-Hayyim (Livre de la Vie) de Hayyim ben Betsalel, publié à Cracovie en 1593, est un ouvrage d'éthique. Sur l'implication des juifs dans l'environnement bohème, voir Bensasson, H. H., « Ha-yehoudim moul ha-reformatsia », Divrei Ha-akademia ha-leoumit le maddayim, 4, 1969-1970, pp. 6669 Google Scholar ; « Jews and Christian Sectarians : Existential Similarity .md Dialectical Tensions in 16th Century Moravia and Poland Lithuania », Viator, 4, Berkeley, 1973, pp. 369-385 ; également S. W. Baron, op. cit., 16, p. 64 ; ainsi que S. A. Goldberg, Les deux rives, op. cit.

52. Lors de la fête des Tentes, Soukkot, les juifs doivent s'installer dans une soukka pendant les huit jours de la fête, afin de se remémorer, dans une habitation éphémère recouverte de branches, leur errance dans le désert.

53. Arguments que l'on retrouve maintes fois dans les décisions des cours et les réponses des rabbins.

54. Cité note 37.

55. Cité note 28.

56. R. Moïse IsserlÈS (1525-1572), Responsa, Cracovie, 1640, n° 73 ; également le n° 95 : « Af ki amarti che-tichaer ba-eretz Achkenaz lihyot lahem la-rav oule-moreh be-ahad hameqomot. Ve-oulay ‘adif tafei pat chariva ve-chalva bah be-medinot elou, oukhe-amram Za‘‘l : ou-bitouloukha ou-bitoula davar ‘azou (Gitin 17a) acher be-medinot elou acher ein sinatan gavrah ‘aleinou kemo be-medinot Achkenaz, mi yiten ve-hayah ‘ad biat mechihenou, ve-day mizeh ».

57. « Sevourim hem deyabachta hava ve-leka galouta », expression récurrente dans les homélies rabbiniques polonaises durant le 17e siècle , G. D. Hundert, « The Jewish Expérience in Poland », dans Polonsky, A. éd., Studies from Polin, From Shtetl to Socialism, Oxford, Littman Library, 1993, p. 21.Google Scholar

58. Rabbi hassidique (1726-1791) ; opposé au courant dominant du Maggid de Mezeritch, il prônait la valeur de la prière enthousiaste et son pouvoir sur les autres mondes. Dans son système d'interprétation, la substance du monde découle de la force vive divine et il relativise singulièrement le caractère matériel de ce monde-ci, expliquant, par exemple, que le chabbat élevant les hommes hors du terrestre, ils devraient n'avoir besoin ni de manger ni de boire, ce qui rend tous les préparatifs superflus car « il [le chabbat] vient des Cieux et personne ne sait comment ni ce qui y est donné » ; Buber, M., Les récits hassidiques, Paris, Pion, 1963 Google Scholar ; S. Dubnow, Hassidout, 1960 ; Heschel, A. J., The Circle ofthe Baal Shem Tov, Chicago, 1985 Google Scholar.

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66. Cette discussion n'entre pas dans le cadre de cet article, indiquons cependant qu'ici, la démarcation se place sur la notion de connaissance (da'at) qui, selon R. Bultmann, se joue pour les Grecs à partir de l'oeil et, pour les Hébreux, à partir de l'oreille ; « Das Problem der Hermeneutik», dans Glauben und Verstehen, 2, Tubingen, 1952; trad frse, Bultmann et l'interprétation du Nouveau Testament, Paris, 1955.

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* Il s'agit ici des Israélites de la période antique.

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73. C'est sans doute ce qui incita le traducteur de J. H. Heschel à réunir sous le titre Les bâtisseurs du temps, deux articles indépendants, l'un portant sur les juifs achkénazes et l'autre Nur le chabbat, Paris, Éditions de Minuit, 1957. Heschel y affirme : «Le Sabbat célèbre le lemps et non l'espace », p. 109.

74. La méthode de la critique biblique — qui réfute l'authenticité mosaïque du Penta- (euque —, apparaît en monde occidental à partir des critiques de B. Spinoza et Richard Simon dès le 17e siècle. En monde juif, elle naît des exégèses critiques d'Ibn Ezra (1092-1167), Ibn Yahya (1515-1548), et de Samuel Luzzato (1800-1865). Elle se développe ensuite, dans le sillage des Lumières, autour des approches de R. Lowth, J. Astruc, F. Houbigont, J. G. Herder, J. G. Eichhorn, jusqu'à s'imposer hors des synagogues et des églises — avec .1. Wellhausen qui applique aux études bibliques les principes initiés par Burckhard et Mommsen. Il établit ses sources en séquences culturelles, comprises comme les étapes d'un moment d'évolution religieuse donnée, ce qui donne naissance à ce que l'on a appelé l'hypothèse documentaire, que l'on évoquera plus loin. Un nouveau tournant a été pris avec l'introduction des découvertes archéologiques dans le cadre des analyses bibliques avec H. Gunkel, Die Sagen der Genesis, 1901 et son Einladung in die Psalmen de 1933. Pour un historique des études critiques de l'Ancien Testament, voir Lods, A., Histoire de la littérature hébraïque et juive des origines à la ruine de l'Etat juif, Paris, 1950 Google Scholar et Halpern, B., The First Historians. The Hebrew Bible and History, San Francisco-Cambridge, Harper & Row, 1988.Google Scholar

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83. Je préfère utiliser ici ma propre traduction, La Bible de la Pléiade utilisant le terme de « date » et celle du Rabbinat celui de « jour ». Ex 9, 5.

84. Sanctuaire mobile construit par Moïse dans le désert, il fut plus tard remplacé par le Temple. Les occurrences sont très nombreuses, pour exemple, Ex 27, 21 ; 28, 43 ; 30, 15.

85. Gn 1, 14, voir son usage dans le récit de la création, infra.

86. Lv 23, 44.

87. Dn 7, 25. Je remplace ici, pour la démonstration, les termes nuancés de « solennité » et « fête », employés dans les traductions usuelles par le mot « temps ».

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107. T. Boman, op. cit.

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110. Depuis l'utilisation de l'araméen en langue vernaculaire, J. Barr, Sémantique du langage biblique, op. cit., p. 18.

111. G. Von Rad, op. cit., 1, p. 126.

112. Ainsi doit-on comprendre l'utilisation de Ps 62, 12 : « Une fois Dieu l'a énoncé, deux lois je l'ai entendu ». C'est en raison de leur refus de reconnaître la validité de l'exégèse ta! mudique que les Caraïtes se scindèrent du judaïsme. Voir Fishbane, M., Biblical Interprétation in Ancient Israël, Oxford, Clarendon, 1985.Google Scholar

113. La parabole de Moïse écoutant une leçon de r. Aqiba, n'y comprenant rien et s'entendant dire qu'il s'agit cependant de l'enseignement qu'il a, lui-même, divulgué. Men. 29b ; Également M. Hag. 1,5; Sifra, Behoukotaï, 8, 12 ; Qo R, 1, 29.

114. Rituel du Temple accompagnant le début du nouveau cycle annuel liturgique, commençant lors de la fête des Tentes. Il est mentionné en Isaïe, 12, 3. Il serait, selon R. Pataï, un rite de réitération de l'acte de la création. Voir Les mythes hébreux, Paris, Fayard, 1987 ; Gottlieb, également H., dans Otzen, B., Gottlieb, H., Jeppesen, K., Myths in the Old Testament, Londres, 1480, p. 66.Google Scholar

115. Dt 5, 2-3.

116. Dt 29, 9-14.

117. L'hypothèse documentaire de Wellhausen repose sur la délimitation de corpus bibliques distincts, fondés par l'analyse philologique et, en particulier, sur le repère de l'utilisation des théonymes jahviste ou élohiste. Sont ainsi différenciés les divers documents de l'Ancien Testament selon les étapes de leur production. La source identifiée comme la plus ancienne est J, dans laquelle le narrateur ou Jahviste doit son nom au fait qu'il utilise le Tétragramme (Yahvé) pour désigner Dieu. Cette première source du Pentateuque aurait été rédigée aux environs du 9e siècle avant notre ère. Vient ensuite, dans l'ordre ainsi constitué la source E, ainsi nommée car le narrateur élohiste emploie le théonyme Elohim, qui aurait été rédigée environ un siècle plus tard. Puis, la source D, signalant le Livre du Deutéronome, écrit peu de temps avant la chute du royaume de Juda (- 621). Quant à la source P, constituant le code sacerdotal, elle aurait été rédigée pendant ou après l'Exil afin de proposer une constitution pour l'empire perse. L'ensemble de la Tora aurait finalement été édité par un membre de la source P (prêtrise) après l'Exil de Babylone, à l'époque d'Esdras (- 444). Voir J. Wellhausen ﹛Geschichte lsraels, Erster Band, 1878 ; Prolegomena zur Geschichte Israels, 1883), Prolegomena to the History of Ancient Israël, New York, Meridian Library, 1957. Ses principaux détracteurs : Jacob, B., Das Erste Buch der Tora Genesis, ubersetzt und erklârt, Berlin, Shocken, 1934 Google Scholar, réfute complètement l'hypothèse documentaire; ou l'acceptent partiellement, tels Kauffmann, Yehezkiel, dans Greenberg, M.(trad.), The Religion of Israël : from the Beginnings to the Babylonian Exile, Chicago, UP, 1960, New York, Shocken Books, 1972 Google Scholar ; Cassuto, U., The Documentary Hypothesis and the Composition of the Pentateuch, trad. par 1. Abrahams, Jérusalem, Magnes Press, 1961 Google Scholar (1983). Séries Publications of the Perry Foundation for Biblical Research in the Hebrew University of Jérusalem. Voir également la critique de Albright, W. F., fondée sur la recherche archéologique, From the Stone Age to Christianity. Monotheism and The historical Process, Baltimore, Johns Hopkins, 1940 Google Scholar, 1957, 1967.

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