Hostname: page-component-848d4c4894-4hhp2 Total loading time: 0 Render date: 2024-05-21T00:01:25.067Z Has data issue: false hasContentIssue false

Inquisition et société : rivalités de pouvoirs à Tepeaca ( 1656-1660)

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Extract

Les registres inquisitoriaux montrent avec netteté qu'une situation particulière règne dans la région de Puebla. En 1626 , 64 personnes et en 1650 , 73 se présentent devant le commissaire du Saint-Office de Tepeaca pour dénoncer des délits variés. Si le phénomène apparaît très marqué pour la localité qui nous intéresse, il se manifeste, quoique atténué, à Cholula, Huejotzingo, San Martin et San Salvador, ce qui traduit une origine liée à des causes profondes et communes à toute la zone, invalidant l'hypothèse d'une causalité accidentelle.

Summary

Summary

In 1656 the alguazil mayor of Tepeaca, a small rural town near Puebla, was accused of practising Judaism, at a time when the last echoes of the Great auto-de-fé, which had been fatal to so many observant Jews, were just fading away. The long proceedings brought by the Holy Office against the alguazil afford a deep insight into the life of the community. The clash of two forceful personalities can thus be set against a background of economic, political, bureaucratic, ethnic and even amorous rivalries, involving antagonistic social and interest groups. This confrontation shows up a colonial society already on the road to stability. Far from embroiling itself in this conflict of interests, the Holy Office comes across as a sober and prudent institution, anxious to preserve its autonomy and avoid being manipulated for external purposes.

Type
Au Mexique : Pouvoir et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1981

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

Notes

1. La courbe de délits dans la région de Puebla en fournit un indice.

2. A.G.N., Ramo Inquisiciôn, vol. 356, f. 74 ss et f. 116 ss.

3. A.G.N., Ramo Inquisiciôn, vol. 435, f. 1 I 1 ss.

4. Qui sont, on le sait, le plus souvent des turquoises.

5. Girard, René, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Éditions Grasset, 1978.Google Scholar

6. A.G.N., Ramo Mercedes, vol. XLIV, f. 40-42 ss et f. 57 et 69.

7. A.G.N., Ramo Tierras. De très nombreux documents illustrent les conflits qui opposent les caciques, les macehuales et les laboureurs espagnols qui se disputent leurs terres ; citons, outre le volume 63 mentionné par Chevalier, François (La formation des grands domaines au Mexique. Terre et société au Mexique aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, Institut d'Ethnologie, 1952, p. 281 Google Scholar) les volumes 66-77-85-87-96-121-127, etc.. le 2730 où nous voyons les démarches réalisées en 1702 par « le gouverneur et le commun de la ville de Tepeaca pour qu'on leur accorde les quatre lieues de terres et de communaux qui leur reviennent en tant que ville. Copie des cédules royales de 1559 et d'autres provisions postérieures qui concèdent à Tepeaca le titre de cité et lui assurent ses privilèges. Les laboureurs et propriétaires d'haciendas des alentours présentent une contradiction et présentent la compositon de terres et d'eaux de 1643, dans laquelle elles furent comprises ». Mentions de plusieurs haciendas, etc. Et le volume 2770, dont plusieurs expédients sont consacrés aux mêmes problèmes.

8. A.G.N.. Ramo Mercedes, t. XLIV, f. 45 ss.

9. Voir en particulier : A.G.N.. Ramo Indios. Surtout le volume 10 (très riche), les volumes 1 1 - 13-15-16-17, 18-19 (très riches), 20, 21-23 (très riches), 24, etc. A.G.N., Ramo General de Parte, vol. III : expédient 366 f. 260 v ; vol. VIII : expédient 201, f. 140 ; expédient 226, f. 156, etc. Aussi, les renseignements précieux contenus dans Zavala, Silvio et Castelo, Maria, Fuentes para la historia del trabajo en Nueva Espana, Mexico, Fondo de Cultura Econômica, 1939-1946, 8 volsGoogle Scholar, et naturellement dans Escobar, Alonso De La Mota Y, Memorialcs del Obispo de Tlaxcala, t. I, Mexico, Anales del Instituto Nacional de Antropologia e Historia (sobretiro). 1945.Google Scholar

10. A.G.N., Ramo General de Parte, t. VIII. expédient 43, f. 27 ; expédient 61, f. 42 ; expédient 235. f. 161.

11. Aristides Rubio, Médina, Elementos para una economia agricola de Puebla, 1540-1795, Mexico, El Colegio de Mexico, 1974, pp. 344345.Google Scholar

12. A.G.N., Ramo Inquisiciôn, vol. 460 qui est entièrement consacré au procès «contre Domingo Marquez, Alguacil Mayor de Tepeaca. pour judaïsme et autres graves délits contre la foi catholique ». Les nombreuses citations qui illustrent notre interprétation proviennent toutes, sauf indication contraire, de ce volume. Le vol. 598, expédient 2, contient les procès contre Louis Cancino de Rioja et contre Jacinto Muhoz Siliceo. Le vol. 580, expédient 3, celui qui intéresse le notaire inquisitorial Juan Bautista Vasquez. Le vol. 591, ceux qui furent intentés contre Pedro de Siena et contre Juan Ibahez Durân. Le procès contre le mulâtre Luis Francisco, esclave de Juan Ibafiez Durân se trouve dans le vol. 605, expédient 6. Enfin, le vol. 512. expédient 3, renferme le gros procès intenté à Juan Marquez de Andino. principal faux témoin, induit par Luis Cancino de Rioja. Il est probable que d'autres procès contre de faux témoins restent à découvrir, notamment dans des documents non encore classifiés.

13. Aux alentours des années 1660, le bruit courait précisément qu'il existait « à San Salvador, deux ou trois villages entiers peuplés de Portugais judaïsants. dont on supposait qu'ils étaient de ceux qui avaient été condamnés à Lima, à Mexico et ailleurs… » ce qui justifiait l'insistance de l'inquisiteur Médina Rico auprès du Conseil Suprême à Madrid pour obtenir l'autorisation de visiter le district de Puebla une deuxième fois malgré la désapprobation de cette institution. José Médina, Toribio, Hisloria del Tribunal del Santo Oficio de la Inquisition en Mexico, Mexico, Ediciones Fuentes Guttural, 1952, 269 p.Google Scholar

14. Il s'agit certainement ici d'imitations locales et grossières du drap bleu de Cuenca, et non pas d'étoffes importées de la métropole, trop chères pour la clientèle habituelle de Domingo Marquez à cette époque.

15. Pourtant, comme le fait remarquer l'Alguazil Mayor, il ne poursuivait les coupables que sur l'ordre de l'Alcalde Mayor, ce qui n'empêchait pas les ressentiments de se fixer sur lui, simple exécutant.

16. A-t-il un lien de parenté avec le lignage des Santiago, caciques de longue date de Tecali ? Nous l'ignorons. Cf. Olivera, Mercedes, Pillisy macehuales. Las formaciones sociales y los modos de production de Tecali del siglo XII al XVI, Mexico, Ediciones de la Casa chata, 1978. pp. 184 Google Scholar, 192 ss.

17. Zerônzapata, Miguel, La Puebla de los Angeles en el siglo XVII. Crônica de la Puebla, Mexico, Editorial Patria. 1945, pp. 40 Google Scholar, 68.

18. Pièce de monnaie mexicaine d'argent, valant cinquante centimes.

19. La Real Sala del Crimen dépendait en fait de l'Audience Royale, ce qui revient à avoir traduit l'Alguazil devant les mêmes instances, quoique à des niveaux différents.

20. Miguel Zerôn Zapata, op. cil., pp. 65-66-67-71-72.

21. A.G.N., Ramo Inquisition, vol. 593, expédient 2. Procès contre Luis Cancino de Rioja.

22. A.G.N., Ramo Inquisicion, vol. 593, expédient 2. C'est encore don Alvaro del Castrillo Villafana qui précise ici « et certaines des personnes qui sont emprisonnées pour délits de vol et autres sont aidées par le dit Luis Cancino ; il les sort de la prison, les emmène dans ses haciendas où les délinquants ont coutume de se réfugier car ils sont préservés de la justice, et le servent… ». C'est ainsi que l'écrivain public se vantait « de vivre dans l'assurance qu'à lui, on ne lui volerait rien… ». Les deux bandits de grand chemin que Luis Cancino prit sous son aile, Juan Martin del Valle et Francisco Montalbo Camacho, finirent par être pendus à Mexico, A.G.N., Ramo Inquisicion, vol. 593, exp. cité.

23. « Ahijado de velaciôn », selon la terminologie de ces relations nombreuses et puissantes qui constituent les différents systèmes de « compadrazgo », ou parrainage, cf. Nutini, Hugo, Carrasco, Pedro, Taggant, James M., Essays on Mexican kinskip, University of Pittsburg Press, 1976.Google Scholar

24. Sur le rôle ambigu, fondamental et encore mal connu des caciques, voir les trois études de Carrasco, Pedro : « Las tierras de dos indios nobles de Tepeaca en el siglo XVI », Tlalocan, IV, 2, Mexico. 1963, pp. 97119 Google Scholar ; « Mâs documentos sobre Tepeaca», Tlalocan, VI, 1, Mexico, 1969, pp. 1-37 ; « Los documentos sobre las tierras de los indios nobles de Tepeaca en el siglo XIV », Communicaciones, n° 7, Mexico, Fundaciôn Alemana para la Investigaciôn Cientifica, 1973, pp. 89- 92. Pedro Carrasco montre bien comment la Couronne soutient dans un premier temps (jusqu'en 1571) les privilèges des caciques contre les macehuales qui refusaient de reconnaître leur autorité, qu'ils jugeaient périmée du fait de la Conquête ; mais les dernières décennies du xvie siècle entraînant l'hécatombe des indigènes, la Couronne se vit privée de tributaires et imposa aux caciques le paiement du tribut. C'est également le drame démographique qui, en privant les caciques des services et redevances qu'ils percevaient de leurs sujets, les entraîna à louer et à vendre leurs terres aux Espagnols, à les aliéner par des mariages mixtes, scellant ainsi le déclin définitif de la noblesse indigène. Par ailleurs, Mercedes Olivera (op. cit., pp. 210-211-213) reconnaît le rôle joué par les caciques comme courroie de transmission entre la domination coloniale et les masses indigènes. Toutefois, nous pensons que si la Couronne et l'Église se sont délibérément appuyées sur eux comme elle le signale, ce sont surtout les notables espagnols locaux, mus par des intérêts particuliers et immédiats, qui ont recherché et obtenu leur collaboration ; les caciques la leur accordaient dans la mesure où ils espéraient, par le biais des fonctions de la municipalité indigène élues chaque année et manipulées par les notables espagnols, nous l'avons vu, conserver un certain contrôle et pouvoir sur les macehuales.

25. A.G.N., Ramo Mercedes, vol. XLIV, f. 40 ss.

26. Miguel Zerôn Zapata, op. cit., 65-67-69 et surtout p. 73. et aussi le document cité de Mercedes, vol. XLIV, et A.G.N., Tierras vol. 2730, exp. 1, où un document de 1701 nous donne des renseignements précis sur toute la famille.

27. Don Gaspar de Rivadeneyra, membre d'une puissante famille et familier du Saint-Office depuis 1642, cf. François Chevalier, op. cit., p. 192 ; Miguel Zerônzapata, op. cit., p. 72.Guillermo Recas, S. Fernandez De, Mayorazgos de la Nueva Espana, Mexico, Instituto Bibliogrâfico Mexicano, 1965, 184 p.Google Scholar ; du même, Aspirantes américanos a cargos del Santo Oficio, Mexico, Manuel Porrùa, 1956, pp. 117-118.

28. Guillermo S. Fernandez De Recas, op. cit., p. 181.

29. A.G.N., Ramo Mercedes, vol. XLIV, p. 40 ss et François Chevalier, op. cit., p. 355. Si la Nouvelle-Galice dut payer 40 000 pesos, la seule Tepeaca versa 30 000 pesos.

30. Miguel Zerôn Zapata, op. cit., p. 70. Guillermo S. Fernandez De Recas, op. cit., p. 132. Nous savons qu'il fut corregidor de Oaxaca, corregidor de Puebla, justicia mayor de Puebla, familier du Saint-Office, mayor de la ville de Celaya, corregidor de Mexico, cf. Israël, Jonathan, Race, class and politics in Colonial Mexico, 1610-1670, Oxford Univ. Press, 1975, p. 235 Google Scholar et passim. Viiiasenor, Pedro Lopez De, Cartilla vieja de la nobilisima ciudad de Puebla (1781), Mexico, Imprenta Universitaria, 1961, p. 381.Google Scholar Guijo, Gregorio M. De, Diario, 1648-1664, vol. I, Mexico, Editorial Porrùa, 1953, p. 262.Google Scholar

31. Il paraît inutile d'insister ici sur la famille Gomez de Cervantes, une des plus anciennes et des plus nobles de la Nouvelle-Espagne, on le sait.

32. Cf. Pedro Lopez De Villasenor, op. cit., passim, et Miguel Zerôn Zapata. op. cit., passim.

33. A.G.N.. Inquisiciôn, vol. 512, expédient 3. La condamnation originelle qui frappa Marquez de Andino est significative, par sa gravité exceptionnelle, de la volonté du Saint-Office de stigmatiser le faux témoignage et, par conséquent, la tentative de manipulation de l'institution inquisitoriale. En effet, le 29 août 1664, celui-ci fut condamné à paraître au cours d'un autodafé, avec les insignes de faux témoin puis, après avoir assisté à l'office divin, il devait être exposé à la dérision publique trois ou quatre heures, attaché, le buste nu, enduit de miel et couvert de plumes, recevoir deux cents coups de fouet, monté sur un âne, et promené dans les rues de la ville ; enfin, il était envoyé aux galères de Terrenate, aux Philippines, pour dix ans. c'est-à-dire pour le restant de ses jours, le traitement infligé aux galériens rendant peu probable une survie au-delà de quelques années. En invoquant son âge, la soixantaine (ce qui contredit ses déclarations de 1656 où il prétendait être âgé de quarante ans, mais Andino explique que c'est Cristobal de la Carrera, le commissaire du Saint-Office en personne qui jugea préférable de le rajeunir alors, estimant sans doute plus crédible le témoignage d'un quadragénaire !) Marquez de Andino obtint que la condamnation aux galères fût commuée en un bannissement de Mexico, Tepeaca et Puebla, dans un rayon de vingt lieues et pour une période de dix ans.

34. Nous ignorons le sort de don Juan de Santiago, Alcade Mayor de Tecali, qui, bien qu'agent actif de la conjuration, s'abstint lui aussi de témoigner contre Domingo Marquez.