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Le système du ius ducale en Pologne et le concept de féodalisme

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Karol Modzelewski*
Affiliation:
Académie polonaise des Sciences, Wrocław

Extract

Au début des années cinquante, il devint courant dans les travaux polonais sur le Moyen Age de décrire l'État des Piasts, aux xe-xme siècles, comme une monarchie féodale de type ancien. C'était une innovation considérable. L'historiographie traditionnelle avait refusé tout caractère féodal à la société polonaise du Haut Moyen Age parce qu'il lui manquait l'institution des fiefs et de la dépendance vassalique. Le changement dans la terminologie était lié à une réorientation philosophique, dont l'un des résultats était d'élargir le concept de féodalisme jusqu'à y compendre les systèmes sociaux fondés sur la dépendance de la personne et de la terre paysannes envers de grands propriétaires.

Summary

Summary

The peasants in medieval Poland originally enjoyed full hereditary property of their land, a condition which went back to pristine tribal freedom. Their obligation to the duke was of a Personal nature. He appropriated their surplus through levies and services for the benefit of himself and the state hierarchy around him. Poland's case at that time was therefore that of a “state serfdom”, with a political foundation. It was replaced by classical manorial servitude, involving the land, in the course of the XIIIth century, when both the progress of settlement and breaking new land, and Western influences, made the old law inappropriate. The ius ducale thus appears like an intermediate, but highly significant form in a comparative study of feudalism, as yet to be undertaken, and where classical Western feudality would show as just another variant.

Type
Les Domaines de la Recherche
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1982

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References

Notes

* Ce texte a été publié en anglais dans la revue Quaestiones Medii Aevi, Varsovie, t. 1, 1977. pp. 71-99. Karol Modzelewski y présente les conclusions de son livre sur L'organisation économique de l'État des Piasls, Xe-Xiiie siècles (Organizacja gospodarcza paristwa piastowskiego, X-Xiii wiek, Wroctaw. 1975), et il les approfondit. Nous avons allégé l'appareil des références à des travaux en polonais. Le lecteur peut en revanche se reporter à quelques états de question : H. towiuiAnski, « Economie problems of the early feudal Polish state », Acta Poloniae Historica, 3. i960, pp. 7-32 (représentatif des points de vue évoqués par Modzelewski pour les années 1950) ; A. Gieysztor. « Recherches sur les fondements de la Pologne médiévale : état actuel des problèmes ». Acta Poloniae Historica, 4, 1961, pp. 7-33 ; A. Gieysztor, « Polish villagers and their contact with local markets in the middle âges », Studi in memoria di F. Melis, I, Florence. 1978. pp. 191-211, notamment sur les conditions paysannes. Modzelewski lui-même esquissait ses idées dans « La division autarcique du travail à l'échelle d*un État : l'organisation ministérialeen Pologne médiévale », Annales E.S.C., n° 6. 1964. pp. 1125-1138. (Note de la traductrice.)

1. S. Arnold, « Moznow-radztwo polskie w xi i xn wieku i jego podstawy gospodarcze i spoteczne ». dans Z dziejow iredniowiecza, Varsovie, 1968, pp. 149-195 ; A. Gieysztor. « Periodyzacja dziejow Polski do xni wieku na podstawie badari historycznych i archeologicznych », dans Pierwska konjerencja…, vol. I, p. 239 ; K. Buczek, Ksiq'zeca ludnoscë sht'zebna w Polsce wczesnofeudalnej. Wrodaw. 1958, p. 89 : J. Bardach. Historia paristwa i prawa Polski, 3e édition, Varsovie. 1965, vol. I.p. 101 : W. Korta, Rozwôj wielkiej wfasnoscifeudalnejna Slqsku do potowvxm wieku, Wrodaw. 1964 ; H. Lowmianski, Poczqiki Polski, 5 vols, Varsovie. 1963-1973, vol. Iii, p. 490 et vol. Iv. p. 130. Pour la Bohême, cf. D. Trestik. « K sociâlni strukture premyslowskych Cech. Kosmas o knizecim vlastnictvi pudy a lidi », Ceskoslovensky Casopis Historicky, 19, 1971, n. 4, pp. 556-561.

2. A. Gieysztor, « En Pologne médiévale : problèmes du régime politique et de l'organisation administrative du xe au xiiie siècle », Annali Fondaz. liai. Sioria Amministr., I. 1964, p. 135 ss. Cette thèse, particulièrement dans la version présentée par H. Lowmianski comprend toute l'Europe de l'Est et du Centre-Est ; elle peut s'appliquer spécifiquement aux premières monarchies des Prémyslides. des Piasts. et des Ârpâds. toutes fondées sur des structures très semblables.

3. K. Buczek, « Z badan nad organizacja gospodarki w Polsce wczesnofeudalnej », Kwartalnik Historii Kuliury Materialnej. 17.1969. pp. 202-205 ; cf. aussi, « W sprawie interpretacji dokumentu trzebnickiego z 1204 r. », Przeglçd Historyczny, 48, 1957. n. I, pp. 64-66 : « Glos w dyskusji nad poezatkami paristwa polskiego ». Kwartalnik Historyczny, 67, i960, n. 4, p. 1099 ss.

4. Die Chronik der Bôhmen des Cosmos von Prag, éd. H. Bretholz, Monumenla Cermaniae Historica, Scriptores, Nova Séries, 2, Berlin. 1923 (cité ci-après comme : Cosmas). I. 42. p. 79 : « His urbes et populum ad regendum committas, per hos enim Boemie regnum stat et stetil atque stabit in sempiternum. »

5. Ceci apparaît avec une clarté particulière dans la formulation d'une immunité qu'Henri le Barbu accorda aux Cisterciens de Trzebnica en 1203, pour les habitants de leur domaine de Kotowice : « … ipsos ab omni exactione publica et ab omni operum meorum anguria immunes esse decrevi. »Cf. Kodeks dyplomatyczny Slaska, éd. K. Maleczyriski, Wrodaw. 1956, vol. 1, n. 103. Il est évident que les définitions du ius ducale comme « public »etcomme« mien » y sont employées de façon interchangeable.

6. Kodeks dyplomatyczny Wielkopolski (ci-après Kwp). vol. I, Poznan. 1877, n. 7 (la bonne édition est celle de W. Taszycki, Najdawniejsze zabylkijezyka polskiego, Wrodaw. 1951, pp. 64-82), a. i 136 ;Atw/p. vol. I, n. 368, a. 1258 ; Kwp, vol. I, n. 3. elibidem, vol. Iv. p. I.a. 1065 (?) ; Kodeks dyplomatyczny klasztoru tynieckiego, éd. W. Ketrzynski et S. Smolka, Lwôw, 1875 (ci-après Ktyn), n. I.a. 1105(7).

7. Kodeks dyplomatyczny Katedry Krakowskiej sw. Wactawa.éd.F. Piekosinski, Cracovie. 1874 (ci-après Kkk). vol. I, n. 60.

8. Pour le consentement des dignitaires: Kkk, vol. I, n. 69 et 81 ; Kodeks dyplomatyczny Maiopolski, éd. F. Piekosinski, Cracovie, 1876-1886 (ci-après Kmp), vol. Ii, n. 449 ; Kodeks dyplomatyczny Polski, éd. J. Bartoszewicz, Varsovie. 1858 (ci-après Kpol), vol. Iii. n. 32. Pour la réclamation du retourde levées aliénées, cf. Kkk, vol. I. n. 60 ; Kpol, vol. Iii, n. 24 bis ; Ktyn, n. 20.

9. Zbiôr ogôlny przywilejôw ispominkôw mazowieckich, éd. J. Korwin-Kochanowski, Varsovie, 1919, n. 301. a. 1203 (?) ; Ktyn, n. 17.a. 1234. Pour laHongrie, cf. Codexdiplomaticusetepistolaris Slovaciae, éd. R. Marsina, Bratislava. 1971. vol. 1, n. 322, 402 et 403, a. 1226 et 1233.

10. H. Lowmianski, Poczqtki, cit. t. 3, pp. 390-392. n'acceptait pas que l'on considère les regalia relatifs à la terre en termes de propriété, et distinguait plutôt « dans la relation entre le duc et la terre un aspect légal et privé (domaines, villages ducaux, différents en quantité mais non en qualité de propriétés privées analogues), et d'autre part les regalia relatifs à la terre qui étaient la prérogative de la seigneurie publique, résultant de la reprise de droits tribaux comparables ».

11. J. Matuszewski, « Causae haereditariae klauzul immunitetowych ». Czasopismo Prawno- Historyczne. 8. 1956, p. 80 ss.

12. W. Taszycki, Najdawniejsze zabytki…, cit., pp. 66-71, 74, 78 ss. La question de la tenure est traitée de façon analogue dans la plus ancienne liste des biens du collegium de Litomerice. compilée peu après sa fondation, c'est-à-dire vers 1057 (Codex diplomaticus et epistolaris Regni Bohemiae, vol. I. éd. G. Friedrich, Prague, 1907, n. 55). Ce document traite de la terre colonisée par des « hôtes » (hospiies) qui n'avaient pas de droit sur elle, et de la terre travaillée par des esclaves aux frais de l'État comme propriété des chanoines. Dans le cas des paysans communs, qui avaient hérité de leur propre terre, on mentionne seulement une concession ducale de seigneurie sur des gens qui s'étaient trouvés dans l'organisation castrale de Litomerice et de Beliny. Rien n'est dit de la terre. Celle-ci reste ignorée sans aucun doute parce qu'elle appartenait légalement aux paysans eux-mêmes, et non au duc.

13. Kwp, vol. I, n. 534.

14. Kmp. vol. I, n. 88 ; cf. ibid. vol. Il, n. 413. et Kpol, vol. Iii, n. 28, ainsi que Kkk. vol. I, n. 21.

15. Cf. A. Gurevic, Kategorii srednevekovoj kultury. Moscou, 1972, pp. 158 et 164.

16. D. Trestîk, cit. ci-dessus n. 1, p. 538 ss.

17. Cosmas. I, 5, p. 14. Touchant le point de savoir si Cosmas entendait cela comme une apologie de l'autorité ducale, ou bien une critique perverse de celle-ci, il vaut la peine de noter qu'au Moyen Age comme aujourd'hui les opinions ne devaient pas nécessairement se placer dans un système d'idées homogène, et par conséquent une apologie du système pouvait comprendre aussi des éléments de critique sociale, intégrés par une interprétation adéquate.

18. H. Lowmianski. Poczatki…, cit. vol. Iii. p. 386 ss. explique le terme « omnia vesira » comme « tout ce que vous possédez », et y voit une référence aux regalia fonciers du souverain, exagérée dans la mesure où ceux-ci ne comprenaient pas en réalité les terres qui n'étaient pas propriété individuelle, « et ne portaient pas atteinte aux droits gagnés physiquement à l'intérieur des limites tribales ». Une interprétation similaire de « omnia vesira » est donnée par D. TrestÎK, cit.. p. 543. avec la seule réserve que la possession de la terre se comprenait au Moyen Age en termes de relation de servitude.

19. Cosmas, I. 5, p. 15, avec le commentaire que le nom de Premysl signifie « intelligent, ou pensant plus que les autres ».

20. Voir E. Muller-Mertens. « Die Genesis der Feudalgesellschaft im Lichte schriftlicher Quellen », Zeitschr. f. Geschicluswissenschaft, 12, 1964, pp. 1384-1402 ; du même auteur, « Zur Feudalentwicklung im Okzident und zur Définition des Feudalverhàltnisses ». ibid., 14, 1966, p. 62 ss.

21. S. Russocki, « Spory o istote i genezç feudalizmu europejskiego ». Kwari. Historyczny, 78. 1971, n. 2. p. 410.

22. H. Lowmianski, Poczatki… cit.. vol. Iii. p. 496 ; de même D. Trestîk. cit., p. 563.

23. J. Suret-Canale, « Les sociétés traditionnelles en Afrique tropicale et le concept de mode de production asiatique», dans Sur le mode de production asiatique, Paris, 1969. pp. 101-135 ; cf. D. Trestik. cit., n. 130, p. 563.

24. Pour la Bohême et la Hongrie cf. B. Krzemienska et D. TrestÎK. « Zur Problematik der Dienstleute im frùhmittelalterlichen Bôhmen », Siedlung und Verfassung Bôhmens in der Frùhzeit, Wiesbaden, 1967, pp. 70-98 ; M. Kucera, « Anmerkungen zur Dienstorganisation in frùhmittelalterlichen Ungarn », Zborm'k Filozofickej Fakulty Univerzity Komenskëho. Historica, 21, Bratislava, 1970 (publ. 1971), pp. 113-127.

25. Galli Anonymi Cronicae et gesla ducum sive principum Polonorum, éd. K. Maleczynski, Monumenta Poloniae Historica, Nova séries, vol. Ii, Cracovie, 1952, 11, 4 , p. 68 ; cf. Cosmas. 1. 42. p. 79.

26. Cosmas, Ii, 19. On peut supposer que telle était la réaction du cornes d'un château, quand on l'informait que le duc le démettait de sa charge.

27. Au xiiie siècle, dans ce contexte général, l'organisation ministériale succombe progressivement, cf. K. Modzei.Ewski, « La division autarchique du travail à l'échelle d'un État : l'organisation ministériale en Pologne médiévale », op. cit., p. 1134 ss.