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Les vagues de grèves en France, 1890- 1968*

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Charles Tilly
Affiliation:
Université de Michigan
Edward Shorter
Affiliation:
Université de Toronto

Extract

L'article de Ch. Tilly et E. L. Shorter que nous présentons ici s'insère dans une enquête plus large sur les grèves en France depuis le milieu du XIXe siècle.

L'ambition des auteurs qui ont voulu embrasser d'un coup toute l'histoire et... toute la géographie des vagues de grèves françaises, indique déjà l'intérêt et la nouveauté de leur recherche. Certains dénonceront quelques lacunes qui n'auraient jamais échappé au coup d'oeil d'un historien français. D'autres seront choqués par cette méthodologie exotique qui se met à labourer allègrement un terrain où nous aimerions voir fleurir nos idées reçues.

En un mot nous souhaitons que cet article provoque dans le bon sens du terme, c'est-à-dire qu'il provoque un débat. Pour ne point laisser le lecteur en repos, nous amorçons nous-même le débat avec les points de vue de deux spécialistes, Michelle Perrot, historienne, qui a récemment soutenu une thèse de Doctorat d'État en Sorbonne sur « Les ouvriers en grève (France 1871-1890) », à paraître prochainement aux Éditions Mouton, et Claude Durand, sociologue, qui a publié déjà plusieurs ouvrages et articles sur les grèves en France.

Les ouvriers américains ont pris l'habitude d'exprimer leurs opinions politiques en votant pour les Démocrates, les ouvriers français en participant à des mouvements de grève. Les grèves de 1906 furent la première démonstration de force massive depuis la Commune ; celles de 1919-1920 marquèrent la naissance du Parti Communiste ; celles de 1936, mouvement révolutionnaire d'occupations d'usines, consacrèrent le Front Populaire.

Type
Temps Présent et Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1973

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Footnotes

*

Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance au Canada Councilpour l'aide financière qu'il a apportée à cette recherche. Cindy Aron, Joan Baker, Kathy Orkin et Glen Jones ont contribué à la préparation des données présentées ici. David Snyder a donné des conseils techniques, et Joan Scott s'est penchée sur une première version de cet article.

References

1. Nous pensons que R. Dufraisse se trompe en affirmant que l'organisation ouvrière était dans un état de prostration complète avant la Dépression ; il appelle les leaders de la C.G.T. des « chefs sans troupes ». Selon nous les troupes étaient plutôt composées de guérilleros que de soldats de garnison, peut-être moins remarquables que les adhérents de l'A.F.L.-C.I.O., mais néanmoins très actives pour organiser des conflits. Voir « Le mouvement ouvrier français ‘ rouge ‘ devant la grande dépression économique de 1929 à 1933 », pp. 164-167, et « Rapports entre organisations ouvrières et organisations patronales de la métallurgie française durant la dépression économique » ; ces deux articles dans Denise Fauvel-Rouif, éd., Mouvements ouvriers et dépression économique(Assen, Pays-Bas, Van Gorcum, 1966), pp. 163-219.

2. Georges Lefranc voit le trait distinctif des syndicats français non pas dans la faiblesse mais dans l'autonomie des organisations locales par rapport à la direction centrale : Le mouvement syndical sous la Troisième République(Paris, Payot, 1967), particulièrement p. 362. Robert Goetz-Girey, dans son important travail, montre que les syndicats ont su fermement établir leur contrôle sur l'activité de grève, ce qui est, semble-t-il, le signe de la puissance de la direction et des réseaux locaux : Le mouvement des grèves en France (Paris, Sirey, 1965), pp. 20-25. Jean-Daniel Reynaud note l'instabilité de l'organisation syndicale formelle, pense que les groupes militants locaux agissent comme détonateurs pour amorcer l'action collective : Les syndicats en France, 2e éd. (Paris, Colin, 1966), p. 130.

3. La thèse du cycle des affaires continue à dominer les interprétations nord-américaines du déclenchement des grèves. Voir Albert Rees, « Industrial Conflict and Business Fluctuations », dans Kornhauser, Arthur et al., Industrial conflict (New York, McGraw- Hill, 1954 Google Scholar), pp. 213-220, et Andrew R. Weintraub, « Prosperity versus Strikes : An Empirical Approach », Industrial and Labor Relations Review, 19 (1965-1966), pp. 231-238. Cette école représenta aussi la vision conventionnelle des grèves françaises : Rist, Charles, « Relation entre les variations annuelles du chômage, des grèves et des prix », Revue d'Économie politique, 26 (1912), pp. 748758 Google Scholar ; March, Lucien, « Mouvements du commerce et du crédit, mouvement ouvrier, en relation avec le mouvement des prix », Bulletin'de la Statistique Générale, I (1912), pp. 188222 Google Scholar. Plus récemment, Robert Goetz-Girey a repris ce thème, et conclu que l'activité de grève s'accroît en fonction de l'accélération de la croissance économique : Le mouvement des grèves en France, içiç-iç62(Paris, Sirey, 1965), p. 137. Dans une thèse importante Edgard AndréAni a établi une forte corrélation entre l'activité économique et le mouvement des grèves, Les grèves et les fluctuations de l'activité économique de i8ço à 1914 en France(thèse, Faculté de Droit de Paris, 1965, 2 vol.). Pour un exposé de la question adoptant 1’ « économisme », voir Jean Bouvier, « Mouvement ouvrier et conjonctures économiques », Le Mouvement Social, n° 48 (juil.- sept. 1964), pp. 3-28. En France, certains travaux récents ont cependant atténué l'importance attribuée au cycle des affaires dans le déclenchement des conflits industriels et dans le développement des vagues de grèves : Lefranc, Georges, Grèves d'hier et d'aujourd'hui (Paris, Aubier-Montaigne, 1970), p. 206 Google Scholar et Perrot, Michelle, Les ouvriers en grève (thèse, Université de Paris, 1971, 2 vol.).Google Scholar

4. Cette thèse a été reprise de manière plus sophistiquée par Stearns, Peter N., Revolutionary Syndicalism and French Labor : A Cause without Rebels (New Brunswick, N.J., Rutgers University Press, 1971 Google Scholar) : « beaucoup de grèves se déclenchent parce que les ouvriers ressentent tant de frustration et d'hostilité qu'il y faut une issue. Quelquefois, les revendications de la grève qui suit ne correspondent pas aux émotions mises en jeu, trop profondes pour trouver une expression précise » (p. 28). Stearns considère la violence dans les grèves comme une rage refoulée et libérée par l'excitation du moment ; ses auteurs étaient selon une probabilité plus ou moins grande, le Lumpenproletariatmarginal (p. 69). Pour une mise en question de cette variante particulière de l'hypothèse de la spontanéité, se rapporter à Shorter-Tilly, « Le déclin de la grève violente en France de 1890 à 1935 », Le Mouvement Social, 79 (juil.-sept. 1971), pp. 95-118.

5. Voir Strikes in France, I830-IÇ68, à paraître à la Cambridge University Press en 1974.

6. Particulièrement dans notre article « The Shape of Strikes in France, 1830-1960 », Comparative Studies in Society and History, 13 (1971), 60-86.

7. Sources des tableaux 2 et 3 : (1) sous-emploi, 1920-1967, nombre de chômeurs secourus : dans Annuaire statistique rétrospectif, 1966, p. 117, Annuaire statistique, 1968, p. 77 ; pas de données pour 1890-1919 ; (2) salaire nominal, 1890-1954, France entière : dans Singer-Kerel, Jeanne, Le coût de la vie à Paris de 1840 à 1954 (Paris, A. Colin, 1961 Google Scholar), PP- 536-537 ; (3) rapport des prix de gros aux prix de détail, 1890-1938 : prix de gros (France entière)/coût de la vie à Paris (213 articles) : dans Singer-KéRel, pp. 452-453 et Annuaire statistique rétrospectif, 1966, p. 373, Annuaire statistique, 1968, p. 653 ; 1946- 1967 : prix de gros (France entière)/prix de détail à Paris, dans Annuaire statistique, 1968, P- 653 ; (4) indice de production industrielle, 1890-1897 : François Crouzet, « Essai de construction d'un indice de la production industrielle au dix-neuvième siècle», Annales; Économies, Sociétés, Civilisations, 25 (janv.-févr. 1970), pp. 56-99 ; 1890-1967 : Annuaire statistique, 1968, p. 653 ; (5) nombre de membres des syndicats 1890-1914 : Annuaire statistique, 1938, p. 58 ; Kriegel, Annie, La croissance de la C.G.T. (Paris, Mouton, 1966), p. 22 CrossRefGoogle Scholar ; 1926-1938 : Prost, Antoine, La C. G.T. à l'époque du Front Populaire (Paris, A. Colin, 1964 Google Scholar), pp. 177-194, 196 ; pas de données pour 1915-1919, 1922-1925, 1939-1967 ; (6) nombre de changements de cabinet par an : compilation de divers travaux historiques ; (7) nombre de troubels politiques ; pas de données pour 1961-1967. Les valeurs pour les grèves et les grévistes sont exprimées en logarithmes. Malheureusement, la combinaison de courtes séries d'années et d'un grand nombre de variables rend le résultat des analyses de régression statistiquement instable. On peut le vérifier en comparant les coefficients du tableau 2 et les mêmes variables dans les colonnes voisines qui représentent des séries légèrement différentes d'années et de variables. On notera par exemple la variation dramatique du coefficient du rapport prix de gros/prix de détail (de +.99 à —.31) quand nous passons de 1920-1938 à 1920-21, 1926-38 (les années pour lesquelles nous avons les données sur la syndicalisation) et quand nous incluons les calculs sur l'affiliation aux syndicats. De même, les valeurs extraordinairement hautes de certains des coefficients sont instables. Nous avons réduit cette instabilité dans des analyses plus poussées de ces données en étendant les intervalles de temps et en réduisant le nombre des variables examinées pour chaque période. Il faudrait beaucoup trop de place pour présenter ici les résultats complets de ces analyses.

8. Nous avons constitué notre liste en dépouillant deux quotidiens nationaux essentiellement de 1930 à i960, et pour un trimestre par an pris au hasard entre 1890 et 1929 ; nous avons, bien sûr, multiplié par quatre les totaux de la période 1890-1929. Selon les plus généreuses estimations, moins d'un dixième des troubles au cours de cette période provient directement des grèves ; nous n'avons pas simplement évalué la même chose deux fois. Pour des comptes rendus plus poussés de cet aspect de notre recherche, voir James Rule et Charles Tilly, « 1830 and the Unnatural History of Révolution », Journal of Social Issues, à paraître ; Charles Tilly, « Methods for the Study of Collective Violence », dans MoUy Apple Levin et Conant, Ralph W., éd., Problems in the Study of Community Violence (New York, Praeger, 1969 Google Scholar) ; Tilly, Richard, « Popular Disturbances in the Nineteenth Century Germany : A Preliminary Survey », Journal of Social History, 4 (1970)CrossRefGoogle Scholar, pp. 1-40 ; Louise A. Tilly, « La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France», Annales : Économies, Sociétés, Civilisations, 1972, n° 3 (mai-juin), pp. 731-757.

9. Georges Lefranc résume l'arrière-plan politique et organisationnel du mouvement de grèves de 1906 dans Le mouvement syndical sous la Troisième République(Paris, Payot, 1967), pp. 125-146.

10. Sur les conflits de cette période troublée, voir l'oeuvre magistrale Kriegel, d'Annie, Aux origines du Communisme français, içi4-iç20 : Contribution à l'histoire du mouvement ouvrier français, 2 vol. (Paris, Mouton, 1964 Google Scholar), et particulièrement I, pp. 235-547. Pour une étude de la flambée de petits conflits en 1917, qui anticipaient sur l'éruption ultérieure, voir R. Huard, « Aspects du mouvement ouvrier gardois pendant la guerre de 1914-1918 : les grèves de 1917 », Annales du Midi, 80 (1968), pp. 305-318. Huard dit que les grèves du Gard étaient conditionnées par une renaissance de l'organisation syndicale.

11. Les grèves avec occupations de 1936 attendent encore une étude définitive. Sur les changements qui s'étaient produits dans les structures industrielles et syndicales, voir cependant Prost, Antoine, La C. G.T. à l'époque du Front Populaire (Paris, A. Colin, 1964 Google Scholar). Brower, Daniel R., The new Jacobins : the French Communist Party and the Popular Front (Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 1968 Google Scholar) contient un résumé alerte du mouvement de 1936-1938.

12. Nous nous fondons sur l'Annuaire statistique de la France, iç66: Résumé rétrospectif, de l'I.N.S.E.E., pp. 120-121, pour les données globales sur les grèves d'après-guerre, sauf pour les données concernant le nombre de grévistes entre 1946 et 1951, et pour les sousclassifications par industries, qui proviennent de la Revue Française du Travail.

13. De nombreux articles ont traité du modèle des revendications et de leurs satisfactions dans les usines, ainsi dans Sociologie du Travail, 12 (1970) : Sami Dassa, « Le mouvement de Mai et le système des relations professionnelles », pp. 244-260 ; Claude Durand et Sonia Cazes, « La signification politique du mouvement de Mai : analyse de tracts syndicaux et gauchistes », pp. 293-308 ; Roger Cornu et Marc Maurice, « Revendications, orientations syndicales et participation des cadres à la grève », pp. 238-337 ; Pierre Dubois, « Nouvelles pratiques de mobilisation dans la classe ouvrière », pp. 338-344. Sur la question de l'organisation se rapporter à Sabine Erbès-Seguin, « Le déclenchement des grèves de Mai : spontanéité des masses et rôle des syndicats », ibid., pp. 177-189. Au sujet de l'interprétation citée, voir La Révolution introuvable : Réflexions sur la révolution de Maide Raymond Aron (Paris, Fayard, 1968).

14. On mesure l'importance de ces vagues annuelles de grèves par rapport à la totalité des activités grévistes en France quand on constate que c'est au cours de 6 des 46 années entre 1890 et 1935 (1893, 1899, 1900, 1906, 1919, 1920) que se produisent 21 % de toutes les grèves avec 32 % de tous les grévistes au cours de cette période. Une autre manière de montrer la nature caractéristique des vagues de grèves consiste à voir combien de grèves se déploient en vagues dans les périodes normales. Dans ce sens nous pouvons définir une vague comme la concentration de 10 grèves ou plus le même mois dans la même industrie et dans le même département. 31 % de toutes les grèves en France, 1915-1935, font partie de mouvements selon cette définition. On peut aussi considérer un ensemble d'entreprises particulières et définir une vague de grèves comme le débrayage simultané de dix entreprises ou plus au cours du même mois, dans la même industrie et le même département. Selon cette définition, on arrive à cette conclusion étonnante que 89 % de tous les conflits industriels en France, entre 1915 et 1935, sont des vagues de grèves (136 135 établissements sur un total de 153 067 se mettent en grève au cours de ces années).

15. La plupart de ces mêmes villes ont aussi les plus grands nombres de grévistes. Entre 1915 et 1935, les 15 villes suivantes ont compté une bonne moitié de tous les grévistes en France : Paris, Boulogne-Billancourt, Marseille, Lyon et Saint-Étienne ; dans les Flandres Lille, Roubaix, Tourcoing, Dunkerque et Béthune ; Rouen et Le Havre le long des côtes de la Manche ; Nantes, Troyes et Bordeaux. Paris seul fournit presque un cinquième de tous les grévistes dans cette période « normale ».

16. Michel Collinet donne un diagramme du développement de la main-d'oeuvre semi-qualifiée dans le secteur industriel dans « The Structure of the Employée classes in France during the last Fifty years », International Labour Review, 67 (1953), pp. 211-235. Il y a grand besoin d'études monographiques concernant des industries et des secteurs particuliers pour la fin du dix-neuvième et le vingtième siècle. On peut mentionner L'Évolution du travail ouvrier aux usines Renaultd'Alain Touraine (Paris, C.N.R.S., 1955) et Sales, Hubert, Les relations industrielles dans l'Imprimerie française (Paris, Cujas, 1967 Google Scholar). Parmi d'autres ouvrages on trouve Etienne Verley et Touraine, Alain, « Enquête française de sociologie industrielle », Cahiers Internationaux de Sociologie, 7 (1949), pp. 109121 Google Scholar ; et Belleville, Pierre, Une nouvelle classe ouvrière (Paris, Julliard, 1963)Google Scholar. Il existe une abondante littérature sur la concentration industrielle, parmi laquelle on peut mentionner « La concentration des établissements en France de 1896 à 1936 », Études et Conjonctures, 9 (sept. 1954), PP- 840-881. — John C. Leggett, dans une étude discutable sur le militantisme ouvrier en Amérique, a récemment défini la marginalité comme étant l'essence de la situation prolétarienne, le résultat d'une migration récente depuis la campagne, l'occupation d'une position précaire ou l'appartenance à une minorité marginale. Leggett dit que la désaffection à l'égard du reste de la société qui résulte de cette position marginale crée une conscience de classe et pousse au militantisme. Notre analyse diverge de cette approche essentiellement en ce que nous donnons plus d'importance aux structures et aux traditions organisationnelles, comme le fait Marx, qu'aux actions spontanées de déracinés à la manière de Trotsky (comme le fait Leggett). Voir Class, Race, and Labor : Working Class Consciousness in Détroit(New York : Oxford UP, 1968).

17. Le mouvement de Mai ou le communisme utopique(Paris, Le Seuil, 1968), particulièrement les ch. 1 et v.

18. Un mot sur certains problèmes techniques du calcul de ces diverses indices. Étant donné que la présence de quelques grandes usines, chacune employant des centaines ou des milliers d'ouvriers, augmente la valeur du dénominateur de manière trompeuse, nous avons préféré le pourcentage médian au pourcentage moyen dans les établissements engagés. Nous avons utilisé le nombre moyen d'établissements par grève, et non pas le nombre médian, parce que celui-ci est presque invariablement un établissement par grève : plus de 50 % des grèves dans chaque industrie, département ou municipalité sont habituellement confinées dans un seul atelier. Dans les grèves qui concernaient plus d'un établissement on ne sait pas toujours quelle était la taille des divers ateliers, et ceci parce que la Statistique des grèvesrend seulement compte du nombre total d'ouvriers employés. Dans ces cas, pour déterminer la taille de l'établissement, nous avons divisé le nombre total d'ouvriers par le nombre d'établissements engagés.

19. Contrairement aux années d'avant-guerre, après 1914 la S.G. ne fait pas d'effort spécial pour déterminer si les ouvriers étaient organisés dans un syndicat. A l'occasion cependant, la S.G. devait mentionner dans les « remarques » la présence d'un syndicat si ses représentants avaient mené les ouvriers à une convention collective ou, parfois, si le syndicat avait soutenu financièrement les grévistes. On peut aussi être sûr de la présence d'un syndicat si la S.G. établit qu'une convention collective a été signée. Ces références fortuites fournissent le seul chaînon quantitatif entre l'activité de grève et l'organisation syndicale, au moins dans le cadre de la S.G.

20. En France, une étroite relation a toujours existé entre les augmentations du nombre des adhérents aux syndicats et le développement de grandes vagues de grèves. 1906-1909, 1918-1921, 1936-1938, et 1946-1949 sont des périodes où l'amplification des conflits s'accompagnait d'une énorme augmentation de l'affiliation aux syndicats — encore qu'il soit impossible de dire quelle était la cause et quelle était la conséquence.

21. « L'industrie moderne a fait du petit atelier du maître artisan patriarcal la grande fabrique du capitaliste industriel. » Ou : « Le progrès de l'industrie, dont la bourgeoisie est l'involontaire promoteur, substitue à l'isolement des ouvriers, résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire, par l'association. » Manifeste communiste (Chicago, Regnery Gateway Edition, 1954), PP- 28-38.

22. La sensibilité des ouvriers des grandes usines aux vagues de grèves ne résultait apparemment pas de l'existence de syndicats plus actifs que ceux des petites entreprises. Alors qu'en 1915-1935, 9 % de toutes les grèves étaient dirigées par un syndicat, ce chiffre tombe à 5 % pour les grandes usines (plus de 500 ouvriers) ; en outre, les syndicats dirigeaient les grèves dans 16 % des ateliers employant seulement 1 à 10 ouvriers.