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Mon ami le saint roi Joinville et Saint Louis (réponse)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Jacques Le Goff*
Affiliation:
EHESS

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Dans mon Saint Louis publié en 1996, j’ai tenté d’offrir ce qu’on pourrait appeler une image « vraie » de Saint Louis, qui soit aussi une image du « vrai » Saint Louis. Et j’ai voulu, à travers ce cas, étudier les conditions pour un historien d’écrire une biographie, ce qui la permettait, ce qui la légitimait comme entreprise historique. Mes longues réflexions préliminaires, nourries en particulier par les remarques de Jean-Claude Passeron sur « l’excès de sens et de cohérence inhérent à toute approche biographique », de Pierre Bourdieu sur « l’illusion biographique » qui tend à faire de toute biographie le récit d’un destin, d’une nécessité à l’œvre au début de la vie du héros, me firent prendre en considération les mises en garde de Giovanni Levi sur la biographie comme « lieu idéal pour vérifier le caractère interstitiel —et néanmoins important —de la liberté dont disposent les agents, comme pour observer la façon dont fonctionnent concrètement des systèmes normatifs qui ne sont jamais exempts de contradictions, ainsi que l’avertissement de Jean-Claude Chamboredon demandant au biographe d’être attentif à l’articulation du temps spécifique de la biographie avec les différents temps de l’histoire.

Type
La Royauté Française. Mises en Scène du Discours Politique
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2001

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References

1. Levi, Giovanni, « Les usages de la biographie », Annales ESC, 44-6, 1989, pp. 1325-1336 Google Scholar.

2. On trouvera dans mon Saint Louis, aux pages 499-508, une discussion sur les termes d’« individu », « moi », « personne » au Moyen Aˆ ge, accompagnée d’une bibliographie.

3. Je conserve le titre habituellement donné à l’ouvrage, et notamment par son dernier excellent éditeur Jacques Monfrin, alors que je préfère celui d’Histoire — Christopher Lucken rappelant pertinemment que Joinville ne s’est pas prononcé entre les deux.

4. J’ai relevé le mot histoire pour souligner le caractère plus « rationnel » de ce livre par rapport à une vie hagiographique et son objectif de parvenir à une vérité objective — mais il s’agit d’une conception de l’histoire bien différente de ce qu’elle deviendra à partir du XVIIIe siècle, à l’époque des Lumières — selon la définition de l’histoire de Marc Bloch à laquelle j’adhère; comme « entreprise raisonnée d’analyse », il n’y a pas d’histoire au Moyen Àge.

5. Saint Louis l’a notamment déclaré à propos de son frère Robert d’Artois, mort à la bataille de la Mansourah et envoyé ipso facto au paradis (§ 244) et à propos des croisés morts dans une bataille contre les musulmans devant Sidon ( De Saint-Pathus, Guillaume, Vie de Saint Louis, Delaborde, Henri-François (éd.), Paris, Picard, 1899, p. 101 Google Scholar). Au cours de sa déposition à l’enquête de 1282 ( Carolus-Barre, Louis, Le procès de canonisation de Saint Louis, Rome, École française de Rome, 1994 Google Scholar), Charles d’Anjou avait vigoureusement reven diqué pour son frère le statut de martyr conféré par sa mort à la croisade.

6. Sa position est toute différente de celle de l’avocat Pierre Dubois qui, à la même époque, soutient (c’est le passage d’une monarchie chevaleresque à une monarchie étatique) que le roi et son fils aîné ne doivent pas s’exposer à la guerre.

7. Perret, Michèle, « A la fin de sa vie ne fuz je mie », Revue des sciences humaines, 183, 1981-1983, pp. 17-37 Google Scholar (cité par Jacques Goff, Le, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996, p. 479 Google Scholar).

8. Sur les stigmates de saint François et les problèmes d’authenticité et de témoignage qu’ils ont soulevés, voir Vauchez, André, « Les stigmates de saint François et leurs détracteurs dans les derniers siècles du Moyen Age », Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’École française de Rome, 80, 1968, pp. 595-625 CrossRefGoogle Scholar, et Frugoni, Chiara, Francesco e l’invenzione delle stimmate. Una storia per immagini e parole fino a Giotto e Bonaventura, Turin, Einaudi, 1993 Google Scholar.

9. Manselli, Raoul, Nos qui cum eo fuimus. Contributo alla questione franciscana, Rome, Istituto storico dei Cappuccini, 1980 Google Scholar. Seul l’apôtre Jean (19, 35 et 21, 24) se donne comme témoin d’épisodes de la vie de Jésus. Matthieu affirme qu’il s’est informé auprès de témoins directs. Luc et Marc ne disent rien.

10. Zink, Michel, La subjectivité littéraire. Autour du siècle de Saint Louis, Paris, PUF, 1985, p. 219 Google Scholar, et « Joinville ne pleure pas, mais il rêve », Poétique, 33, 1978, pp. 28-45 Google Scholar.

11. Guillaume De Saint-Pathus (Vie de Saint Louis, op. cit. , p. 17) raconte la colère du roi contre le serviteur qui laisse tomber de la cire brûlante sur sa jambe malade.

12. Piroschka Nagy vient de rappeler que le Jésus des Évangiles avait déjà pleuré en deux occasions, manifestant sa nature humaine: à la mort de son ami Lazare avant de le ressusciter (Jean 11, 35) et à l’entrée à Jérusalem où il pleure sur le malheur futur de la ville (Luc 19, 41); cf. Nagy, Piroschka, Le don des larmes au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 2000, pp. 46-47 Google Scholar. Mais le Christ au mont des Oliviers est la grande référence.