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Stratégies héraldiques et changements d'armoiries chez les magnats florentins du XIVe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michel Pastoureau*
Affiliation:
EPHE - IVe Section

Extract

L'héraldique entretient des rapports étroits avec l'histoire sociale et avec l'anthropologie : nombreux sont les travaux qui l'ont déjà pleinement souligné. En cette matière, le terrain le plus fructueux pour l'historien réside probablement dans l'étude — statistique, sociale et culturelle — des couleurs et des figures qui entrent dans la composition des armoiries d'une région, d'une époque, d'un groupe social ou familial. Mais de telles enquêtes sont toujours difficiles et d'une difficulté qui varie avec le temps et l'espace.

Bien souvent, en effet, chercher à connaître les raisons qui ont conduit un individu ou un groupe d'individus à choisir telles couleurs et telles figures pour composer ses armoiries est un exercice malaisé, sinon infructueux.

Summary

Summary

For medieval aristocratic society, changing coats of arms was a very serious symbolic act. By the same token, examples of such changes are rare; still rarer are the documents which attest to them. This explains the exceptional importance of the set of 110 cases of coats-of-arms changes, involving Florence's aristocratic lineages, which took place between the middle of the 14th century and the beginning of the 15th. This changes were linked to kinship denouncements imposed upon magnates who became candidates for the popularitas. The study of the cases’ heraldic aspect demonstrates the importance of visual signs of identity in Florentine public life during the 1300's, as well as the extent to which individuals and groups were attached to their emblems and, above all, to their heraldic colors. Moreso than the figures appearing in coats-of arms, these colors—far from being simple social markings—seemed to be the firmly rooted in the very heart in kinship.

Type
Parenté et Identité
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1988

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References

Notes

1. Sur ces problèmes, on me permettra de renvoyer aux différentes études que j'ai réunies dans deux recueils d'articles, L'hermine et le sinople. Etudes d'héraldique médiévale, Paris, 1982 et Figures et couleurs. Études sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Paris, Le Léopard d'Or, 1986.

2. Il n'existe aucun ouvrage de synthèse sur l'héraldique médiévale italienne, et la part consacrée au Moyen Age dans les manuels ou les traités généraux est souvent rudimentaire. Faute de mieux, on consultera Bascapé, G. C. et Piazzo, M. Del, Insegne e simboli. Araldicapubblica eprivata, médiévale e moderna, Rome, Ministero per i béni culturali e ambientali, 1983, 1 064 p.Google Scholar passim. On trouvera également quelques pistes pour conduire les recherches à venir dans Hannelore Tucci, Zug, « Un linguaggio feudale : l'araldica », Storia d'Italia, Annali I, Turin, 1978, pp. 835901.Google Scholar

3. Ce qui ne va pas sans poser de multiples problèmes d'identification, non seulement en Italie même mais aussi dans les musées étrangers où sont conservés d'innombrables objets et documents italiens porteurs d'armoiries. L'Italie est actuellement le pays d'Europe pour lequel les identifications d'armoiries sont les plus difficiles ; mais ces difficultés devraient bientôt disparaître avec la publication de l'immense répertoire de Michel Popoff — que nous remercions pour l'aide qu'il nous a apportée dans l'étude de la partie héraldique du présent dossier — consacré aux armoiries italiennes des origines au xvme siècle, répertoire classé par meubles et figures afin de faciliter les identifications d'armoiries anonymes.

4. Édition du traité de Bartole dans Evans Jones, John, Médiéval Heraldry. Fourteenth CenturyHeraldic Works, Cardiff, 1943, pp. 221252 Google Scholar ; ici p. 228.

5. Ce sont ces armoiries d'artisans à qui Bartole semble refuser le terme à'arma et réserver celui A'insignia. Ordinairement, en latin médiéval, signa renvoie à l'idée générique d'emblème, arma à celle d'armoiries et insignia à celle de figures (héraldiques ou para-héraldiques).

6. Op. cit., pp. 232-236.

7. Sur les brisures, Lesdain, Louis Bouly De, « Les brisures d'après les sceaux », Archives héraldiques suisses, 10, 1896, pp. 7378 Google Scholar, 88-100, 104-116, 121-128 ; Gayre, Robert of Gayre, Heraldic Cadency, Londres, 1962 Google Scholar ; Pastoureau, Michel, Traité d'héraldique, Paris, Picard, 1979, pp. 177187.Google Scholar

8. Le cas Tornaquinci est probablement celui qui illustre le mieux cette volonté d'utiliser toutes les ressources de l'héraldique et de l'anthroponymie pour maintenir, derrière l'éclatement apparent du lignage, des liens très forts, appuyés sur des signes qui se ressemblent ou se font écho. Nous espérons lui consacrer prochainement une monographie particulière.

9. Florence, Archivio di Stato, manuscrits 472 (copie datée de 1666) et 476 (copie datée de 1688) ; l'original perdu portait la date de 1302. Outre les travaux conduits au xvie siècle par Vincenzo Borghini et les sources narratives habituelles, on trouvera quelques informations sur les armoiries portées à Florence avant le milieu du XIVe siècle dans Wills, Howel, Florentine Heraldry, Londres, 1900.Google Scholar

10. Voir Tucci, Hannelore Zug, « Istituzioni araldiche e pararaldiche nella vita toscana del Duecento », Nobiltà e ceti dirigenti in Toscana nei secoli XI-XIII : strutture e concetti, Florence, 1982, pp. 6579.Google Scholar

11. Voir les travaux cité note 1.

12. Michel Pastoureau, « L'image héraldique », repris dans Figures et couleurs. Études sur la symbolique et la sensibilité médiévales, pp. 115-124.

13. Les premiers efforts rationnels pour construire une expression latine de la langue du blason datent du xvne siècle et sont le fait d'érudits qui écrivent en latin et qui ont besoin de décrire en latin des armoiries médiévales. Tous sont gênés par l'inadéquation de la langue latine au blasonnement.

14. Ces quatre cas concernent les armes des nouveaux Sassi (1349), Nozzi (1361), Bilisardi (1372) et Cavalleschi (1379).

15. Voir l'ouvrage de Trexler, Richard C., The « Libro cerimoniale » of the Florentine Republic, Genève, 1978 Google Scholar, ainsi que l'article de H. Zuo Tucci, n. 10.

16. La bordure de sable laisse néanmoins quelques traces après 1349 : elle est adoptée par les nouveaux Batini di Foro Nuovo en 1361, par les nouveaux Cortigiani en 1372 et par les nouveaux Filippeschi en 1409, dans les trois cas pour des raisons qui nous échappent.

17. Prov. 37, fol. 16 r°. On généralise et décide que les recours contre les décisions de la Commission seront tranchés par les prieurs.

18. Rappelons que les armes de Florence, elles aussi rouges et blanches, sont de gueules à la fleur de lis d'argent jusqu'en 1251, puis d'argent à la fleur de lis de gueules depuis cette date, la fleur de lis étant « épanouie » dans les deux cas, c'est-à-dire figurée dans le stade ultime de sa floraison. Une famille, les Vantusgi en 1361, adopte pour nouvelle figure héraldique la fleur de lis de la ville, qu'elle représente partie d'argent et de gueules.

19. L'étude des documents héraldiques des xve et xvie siècles montre toutefois qu'un certain nombre (peut-être de 10 à 15 %) de ces nouvelles armoiries qui incluent dans l'écu un chef, un besant ou un écusson aux armes du popolo, survivent telles quelles, ce chef, ce besant ou cet écusson ayant été conservé.

20. Sur les hérauts d'armes, Pastoureau, Michel, Traité d'héraldique, Paris, Picard, 1979, pp. 6163 Google Scholar ; Berche, Egon Vomm, Die Herolde und ihre Beziehungen zum Wappenwesen, Berlin, 1939 Google Scholar ; Wagner, Anthony R., Heralds and Heraldry in the Middle Ages, deuxième édition, Londres, 1956 Google Scholar ; Adam-Even, Paul, « Les fonctions militaires des hérauts d'armes et leur influence sur le développement de l'héraldique », Archives héraldiques suisses, 71, 1957, pp. 233 Google Scholar ; R. C. Trexler, The « Libro Cerimoniale », souligne l'absence d'un expert en héraldique auprès du gouvernement florentin.

21. Nombreux sont par exemple en Scandinavie les cas d'armoiries et d'emblèmes para-héraldiques qui ont contribué à créer le nom du lignage. En Pologne et en Hongrie, c'est souvent le cimier qui précède le nom du clan et qui participe à son élaboration.

22. Faut-il voir une figure parlante dans la tête d'ours des nouveaux dalla Piazza en 1381, l'ours étant devenu en cette fin du xive siècle un animal de bateleur, exhibé sur les places publiques ? Ou bien est-ce une surlecture ?

23. Voisin est le cas des nouveaux Jacopi et Marabottini qui adoptent en 1380 pour figure héraldique un besant entouré d'une double bordure, meuble curieux, semblant être parlant avec le nom de leur ancien lignage : Tornaquinci.

24. Faut-il y voir la trace du passage de Louis Ier duc d'Anjou, descendu en Italie recueillir son héritage napolitain, ou bien une allusion à la maison capétienne d'Anjou et au souvenir du prince Charles ?

25. Voir Michel Pastoureau, « Vogue et perception des couleurs dans l'Occident médiéval : le témoignage des armoiries », repris dans L'hermine et le sinople. Études d'héraldique médiévale, pp. 127-148.

26. Les nouvelles familles Jacopi (1380), Marabottini (1380, 1386), Tornabuoni (1393), Cardinali (1372, 1393), Pellegrini (1393) et Popoleschi (1364, 1370).

27. Balie 17, fol. 216 r°. Sur le sinople et la barre de connotation gibeline, Crollalanza, G. Di, Gli emblemi dei Guelfi e Ghibellini. Richerche e studi, Rocca San Casciano, 1878 Google Scholar. Soulignons au passage que l'emblématique des Guelfes et des Gibelins mériterait des travaux renouvelés à la lumière des études et des problématiques récemment proposées par l'héraldique et la symbolique politiques.

28. Rappelons ici que, dans les armoiries florentines du xrve siècle, ni le sable (noir) ni l'argent (blanc) ne renvoient jamais aux partis des Noirs et des Blancs. Sur ce terrain des couleurs, l'héraldique familiale et l'emblématique politique ne se rejoignent pas.

29. D'où viennent, par exemple, les trois étranges léopards assis des nouveaux Foresti (1383), Ghinozzi (1393) et Marabottini (1393) ? D'où viennent (Pérouse ?) le griffon des nouveaux da Callerota (1380), l'agneau des Rainieri (1381), les trois couronnes des Pellegrini (1393), etc.?

30. Impression d'ensemble confirmée par les enquêtes en cours de Michel Popoff (supra n. 3), qui a bien voulu nous communiquer ses résultats statistiques provisoires.