En première ligne, ici, il nous faut placer la modification du rapport légal des deux métaux monnayés — l'or et l'argent.

Comme tous les régimes bimétallistes, le régime monétaire de l'ancienne France supposait1 en effet, depuis la révolution du xnie siècle, un rapport d'échanges fixe entre les pièces d'or et les pièces d'argent. Ce rapport s'établissait non directement, mais par l'intermédiaire de la monnaie de compte, baromètre général des valeurs. Prenons un exemple : en 1660, la pièce d'or type est le louis qui renferme environ 6 g. 81 d'or et circule pour la valeur de 10 livres.

Rien cependant ne faisait encore prévoir, au début du XVIIIe siècle, que la viticulture française s'orienterait, la première, vers les produits de qualité. La crise des exportations avait surtout frappé les vins de Bordeaux. Pour reconquérir leurs anciens marchés les Bordelais devaient offrir à leur clientèle, lorsque la paix fut revenue en 1710, soit des produits vinicoles, vins et eaux-de-vie, à très bon marché, soit des produits de meilleure qualité que ceux de leurs concurrents espagnols et portugais. Ils ne pouvaient lutter avec ces derniers sur le terrain des prix, les droits de douane anglais étant plus élevés pour eux que pour les Ibériques. Ils se tournèrent donc, contraints et forcés, vers les produits de qualité et créèrent en un demi-siècle les « grands vins rouges de Bordeaux ».

Du premier quart à la fin du XVe siècle, les Portugais mènent à bien cette suite d'entreprises qu'on nomme «les grandes découvertes». De nombreuses sources de cette histoire ont déjà été mises à jour : récits de voyages, descriptions de pays, journaux de bord, roteiros, cartes, etc. Les chroniques par contre donnent peu. Et cependant, pour les voyages du temps d'Henri le Navigateur, nous sommes forcés de recourir à l'une d'elles, puisqu'elle est bien le seul témoignage contemporain qui nous soit parvenu —et que d'ailleurs elle traite exclusivement des entreprises maritimes.

A l'époque médiévale, la terre fournissait si parcimonieusement à l'homme sa subsistance que la forêt offrait, à qui y avait accès, des ressources insoupçonnées. Le bois répondait à des utilisations nombreuses et diverses. Outre qu'il constituait le seul combustible connu, il entrait en plus grande proportion qu'actuellement dans la’ construction. Les premières forteresses féodales n'étaient que de simples palissades en bois, entourant un donjon, luimême en planches. Et si, à partir du XIe siècle, la pierre de taille fut employée dans les principaux édifices militaires et religieux, les maisons roturières demeurèrent longtemps en bois.

La question des constantes qui peuvent exister dans la politique extérieure de telle ou telle nation ne doit être posée qu'avec beaucoup de circonspection. La découverte dans le passé de certaines constantes ne doit jamais faire croire que l'on peut se livrer à des prophéties quant à l'avenir. Deux éléments sont à la base de la politique d'une nation : d'une part, ses ambitions en tant que société, qui tiennent elles-mêmes à sa composition sociale et à, ses conceptions idéologiques ; d'autre part, le rapport de forces existant entre elle et les puissances qui sont ses concurrentes sur le plan régional ou sur le plan mondial.

M. Sutherland, dans son important travail, The Romans in Spain, me semble sous-estimer l'importance des mines d'Espagne dans l'économie romaine du 11e siècle av. J.-C. Il se réfère à une évaluation contenue dans la collection de M. Tenney-Franck : le revenu de ces mines représenterait « a trifle more than 5 p. 100 of the estimated entire State income ». Les chiffres sur lesquels repose cette estimation, 35 millions de deniers et 562 millions, appellent, je crois, quelques réserves. Mais ce n'est pas pour le vain plaisir de la critique que je relève ces appréciations : elles sont seulement une occasion de revenir sur le régime des mines d'Espagne à l'époque républicaine.

Il est surprenant de constater combien les problèmes de main-d'oeuvre ont été négligés par les historiens lorsqu'il s'agit d'étudier les grands travaux du XIXe siècle et particulièrement les chemins de fer. L'histoire économique de Sée ignore le problème, tout comme l'ouvrage, pourtant très approfondi en certains domaines, de L.-M. Jouffroy.

Tous les problèmes importants de la construction des chemins de fer ont été abordés : politiques, financiers, techniques, agricoles, industriels, commerciaux, sociaux, etc…. Mais le problème de base, au moment où l'usage de machines pour les travaux est,encore faible, demeure oublié ; la main-d'œuvre ne semble pas compter.

L''Éducation Nationale est un bon journal et bien fait. Instructif et alerte, varié et solide. Il a aussi, parfois, le mot pour rire. C'est ainsi que, dernièrement, on a pu lire dans ses colonnes une prose précieuse consacrée par M. Gustave Cohen à deux morts récents : l'un, Henri Chamard, digne universitaire à, qui l'on doit de fort estimables travaux sur la Pléiade — l'autre, Abel Lefranc, esprit curieux, chercheur souvent heureux, promoteur bienfaisant d'études et d'entreprises qui ont renouvelé, entre autres, la -connaissance de Rabelais, de sa vie et de son oeuvre. Glissons sur son gros effort vain pour substituer un Shakespeare de son choix au Shakespeare traditionnel ; Abel Lefranc s'y est entêté des années durant, et on peut le regretter. Mais il avait encore d'autres curiosités, qui attestaient un besoin d'horizons plus vastes que ceux d'un « seiziémiste » condamné à, Rabelais à, perpétuité.

Qui nous reprocherait de suivre avec un intérêt particulier les mouvements de pensée de nos amis belges? Nous avons republié, dans un numéro récent des Annales, un article de M. Stengers sur le livre de Marc Bloch, Métier d'historien, article qui nous a paru fort juste de ton. Et voici que, dans le même recueil de Mélanges offerts à Georges Smets par ses élèves et amis belges, un autre article, signé Jean De Sturler, ne peut pas ne pas retenir notre attention puisqu'il se réfère à, des opinions souventes fois exprimées par nous, et auxquelles l'historien belge se rallie librement. Cet article est intitulé : A propos d'une prétendue liberté de Vhistorien. On me permettra d'attirer l'attention sur ses conclusions et, sans doute, revenant pareillement sur l'article de M. Stengers, d'apporter quelques précisions sur des questions que les deux auteurs ont traitées en toute liberté.

Le livre que M. Jean Marx a publié sous ce titre est considérable. Il n'apporte pas seulement des éléments nouveaux de discussion sur les origines du cycle breton ; il suggère une réflexion originale sur la place que ce cycle occupe dans le développement du moyen âge. Il rappelle par certaines de ses méthodes et par ses prolongements les travaux de M. G. Dumézil sur les légendes romaines. Il ne plaira pas, sans doute, aux spécialistes de formation étroite. Mais il ne sera plus possible, désormais, d'aborder l'immense domaine des études celtiques et médiévales en l'ignorant.

Historien, je voudrais mettre une note à l'intéressant article qu'un psychologue, mon ancien collègue de Strasbourg Maurice Pradines, a consacré dans le Journal de Psychologie (n° 2, 1952) au « rôle informateur de l'art en matière psychologique ».

J'ai cru d'abord, sur la foi du titre mal interprété, qu'avec sa compétence particulière Maurice Pradines allait m'éclairer directement sur un problème qui se pose devant moi et pour moi depuis bien longtemps. S'agissant de certaines nuances délicates de psychologie collective, l'historien attentif à la chronologie des manifestations. artistiques d'une époque, comparées à d'autres manifestations de la même époque — disons les manifestations de la pensée conjecturant, expérimentant, généralisant, concluant et, pour finir, créant la science du temps, telle qu'elle résultait de ces opérations de l'esprit et de bien d'autres encore — cet historien est souvent amené à constater un fait, à première vue assez singulier.

Chaque nouveau grand livre d'Armando Sapori est un nouveau service éminent rendu à l'Histoire. Cette magnifique édition des livres de commerce des Alberti del Giudice, qui paraît à, Milan, à la date de 1952, en format infolio, sur du papier qui fait envie, ornée d'illustrations et de planches dignes du texte et de l'auteur — constitue la troisième en date des grandes éditions de textes économiques italiens que nous a procurées Péminent connaisseur de ce département d'histoire : faut-il dire italienne ou universelle? — Tour à tour, Armando Sapori nous aura donné en 1934 à, Milan, chez Trêves, les livres des Peruzzi, puis en 1945, à Milan également, ceux de la firme bancaire des Gianfigliazzi (Milan, 1321-1325) ; voici maintenant ceux des Alberti del Giudice. Notons qu'il ne s'agit là que des « grandes » publications de cet infatigable travailleur.

Qui ne connaît le Père Peeters, le savant Bollandiste qui présida l'Académie Royale de Belgique et fut membre associé de l'Institut de France? Ceux qui ne seraient point renseignés sur l'activité et les réussites de ce grand érudit n'auraient qu'à prendre connaissance dans les Analecta Bollandiana, t. LXIX (1951) de la notice que lui a consacrée le P. Paul Devos, S. J. Or, à sa mort, en août 1950, on a trouvé dans ses papiers quelques centaines de réflexions diverses. Sa famille, ses amis en ont tiré la matière d'un petit recueil savoureux qui parait chez Desclée de Brouwer sous le titre de Sentences intemporelles d'un vieil historien.