Hostname: page-component-76fb5796d-25wd4 Total loading time: 0 Render date: 2024-04-27T21:39:11.482Z Has data issue: false hasContentIssue false

Le Recours collectif québécois: Les Réalités collectives à travers le prisme du droit

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Carole Younes
Affiliation:
Laboratoire d'Anthropologie Juridique, Université Panthéon-Sorbonne, Paris/France, Caroleyounes@yahoo.com

Abstract

In spite of the challenge to the principle of the unity and autonomy of law which made possible integrating the social dynamic, law continues to suffer from a lack of flexibility and openness and from a relative incapacity to grasp social reality. We shall see through Quebec's class action how law distorts and instrumentalizes the collective realities that it was supposed to grasp. Therefore, beyond its function as a rational instrument aimed at responding to social needs, we must conclude that law contributes in fact to transmit its own representation of reality in accordance with its inner logic and a certain vision of society. Moreover, and paradoxically, this position of openness on social reality leads the law to integrate certain aspects of it and contributes to a certain visibility of social conflicts.

Résumé

Malgré la remise en question du principe de l'unité et de l'autonomie du droit qui a rendu possible l'intégration de la dynamique sociale dans le droit, l'on constate que le droit continue à souffrir d'un manque de souplesse et d'ouverture et d'une certaine incapacité à saisir la réalité; sociale. Nous verrons à travers l'institution du recours collectif comment le droit déforme et instrumentalise les réalités collectives qu'il était sensé saisir. Ainsi, force est de constater qu'au-delà de sa fonction d'instrument rationnel visant à répondre aux besoins sociaux, le droit contribue en fait à véhiculer sa propre représentation de la réalité conforme à sa logique et à une certaine vision de la société. Par ailleurs et paradoxalement, cette posture d'ouverture du droit sur la réalité sociale le conduit d'en intégrer des aspects et contribue à une certaine visibilité des conflits sociaux.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 2000

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 Québec, Assemblée Nationale, Journal des débats, à la p. 3261Google Scholar, intervention de Fabien Roy, député.

2 L.R.Q. c. R-2.1.

3 Pour que le groupe soit reconnu et qu'il puisse bénéficier des dispositions du recours collectif, les recours individuels des membres doivent soulever des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes, art. 1003 a) Code de procédure civile, L.R.Q. c. C-25 [ci-après C.p.c.].

4 La composition du groupe doit êitre telle qu'elle rend difficile ou peu pratique l'utilisation des autres procédures de regroupement prévues par le Code de procédure civile, à savoir le mandat spécifique ou la jonction des parties, art 1003 c) C.p.c.

5 Art. 1002 C.p.c.

6 Art. 1005 C.p.c.

7 Art. 1028 C.p.c.

8 Federal Rules of Civil Procedure, r. 23, 39 F.R.D. 98 (1966) cité dans Beaumier, M., «Le recours collectif au Québec et aux Etats-Unis» (1987) 18 Revue générale de droit 775.Google Scholar

9 N.Y. Civ. Prac. Law, art 901–909 (N.Y. Sess. Law 1975) cité dans Beaumier, ibid.

10 Loi sur le recours collectif, L.Q. 1978, c. 8. art. 23: «Pour déterminer s'il attribue l'aide, le Fonds évalue si sans cette aide le recours collectif peut-être exercé ou continué.

11 Présenté en ces termes par l'ensemble de la jurisprudence et de la doctrine. Voir notamment Reid, H., «La loi sur le recours collectif: premières interprétations judiciaires» (1970) 39 Revue du Barreau 1018Google Scholar; Beaumier, supra note 8.

12 Voir Québec, Assemblée Nationale, Commission permanente de la justice, «Audition des mémoires sur le projet de loi n° 39 - Loi sur le recours collectif» dans Journal des débats: Commissions parlementaires, aux pp. B-260 s. [ci-après: «Commission permanente de la justice»].

13 Art. 1003 a) C.p.c.

14 Toutefois, s'il ressort clairement des éléments du dossier que la majorité des membres s'opposent à l'exercice d'un recours collectif contre le défendeur, les tribunaux rejettent la demande d'autorisation. Voir Gagnon c. Ratelle (13 décembre 1988), Montréal 500–09–000926–873, J.E. 88–621 (C.A.) [ci-après Gagnon]; Perreault-Bélair c. Phildar (21 mars 1988), Montréal 500–06–00003–877, J.E. 88–621; Morin c. Planchers Beauceville (18 Janvier 1994), Québec 200–09–000016–920, (C.A.Qué.).

15 Voir Masson c. Thompson, Montréal 500–06–000005–914, J.E. 92–337. (C.S.) [ci-après Masson]: «[L]e fait d'agir sans mandat constitue précisément l'un des avantages du recours collectif». L'on peut voir là une analogie avec la gestion d'affaires prévue à l'art. 1482 C.c.Q.; il s'agit du fait pour une personne de s'occuper volontairement et de façon spontanée des affaires d'une autre sans qu'il soit intervenu entre eux de convention à ce sujet ou qu'il y soit obligé par la loi; ainsi, comme la gestion d'affaires, le représentation du recours collectif peut se définir comme une ingérence volontaire dans les affaires des membres du groupe sans leur autorisation, et sans qu'il existe une obligation légale ou contractuelle pour lui d'agir; la différence réside dans le fait que le gérant doive avoir l'intention de gérer l'affaire pour autrui et non pour son compte; le représentant du recours collectif, en revanche, n'agit pour le compte d'autrui que dans la mesure où cette action lui permet d'agir pour son compte. Voir Beaudouin, J.-L., Les obligations, 4e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993 à la p. 28.Google Scholar

16 Comartin c. Bordet (1984) C.S. 584 [ci-après Comartin].

17 Ces derniers se voient en leur qualité de membre, octroyer le bénéfice d'un droit, d'une allocation ou d'une réparation sans qu'ils n'aient eu besoin d'être actifs; ils n'ont pas non plus à désigner un représentant chargé de veiller à leurs intérêts. L'on peut voir là une analogie avec l'action oblique; cette dernière, réglementée aux art. 1627 à 1630 C.c.Q., permet à un créancier d'exercer certains droits ou actions appartenant à son débiteur en son nom et pour son compte lorsque ce dernier est inactif; voir Baudouin, supra note 15 à la p. 357.

18 Voir Cotterrell, R., The Sociology of Law, An Introduction, 2e ed., London, Butterworths, 1992 aux pp. 123 et 24Google Scholar: «[t]he concept of legal person or legal subject defines who or what the law will recognize as a being capable of having rights and duties (as Pashukanis clearly recognised, this concept is the foundation, in a sense, of all legal ideology). It allows legal doctrine to spin intricate webs of interpretation of social relations, since the law defines persons in ways that empower or disable, distinguish and classify individuals for its special purposes. […] In this way, throughout history, law has not merely defined social relations but defined the nature of the beings involved in them».

19 Ces composantes du groupe sont empruntées à la typologie du groupe établie par Gurvitch, G., La vocation actuelle de la sociologie, 1950.Google Scholar

20 Tremaine c. Robins Canada, [1990] R.D.J. 500 (C.A.) [ci-après Tremaine].

21 Berlatie c. Grise Management (10 novembre 1989), Montréal 500–06–000010–872 (C.S.) [ci-après Berlatie].

22 Giguère c. Jobin (4 juin 1982), Québec 200–09–000569–811 (C.A.).

23 Art. 1022 al. 3 C.p.c: «[e]n outre, si les circonstances l'exigent, le tribunal peut, en tout temps, et même d'office, modifier ou scinder le groupe». Voir Comartin supra note 16.

24 Foucher c. Québec (P.G.), [1989] R.J.Q. 703 (C.S.): «[…] le requérant demande au tribunal de décrire le groupe qu'il entend représenter comme étant les contribuables […] mariés et non ceux divorcés ni séparés […]. Or, cette description est celle d'une catégorie prescrite de personnes prévues par la loi, et non d'un groupe de fait. II s'ensuit que la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif au nom d'une catégorie de contribuables plutôt que d'un groupe au sens de la Loi sur le recours collectif est irrecevable.» On ne voit pas très bien ce qui caractérise le groupe de fait auquel ce jugement fait allusion ni ce qui différence la description du groupe faite dans ce jugement d'autres descriptions admises par les tribunaux.

25 Voir Hôpital St-Ferdinand (C.S.N.) c. Québec (Curateur public), [1994] R.J.Q. 2761 (C.A.), confirmant [1990] R.J.Q. 359 (C.S.Que”.) conf. par (3 octobre 1996), 96–000197 (Cour Suprême). L'article 1022 C.p.c. a été invoqué dans cet arrêt par les défendeurs notamment pour tenter de remettre en question le jugement d'autorisation. Toutefois, la Cour d'Appel a fait échec è cette tentative et a jugé que la révision de cet article devait se faire sur la base de faits nouveaux intervenus pendant le déroulement du recours.

26 «Commission permanente de la justice», supra note 12 (ler juin 1978) à la p. B-3898: intervention de la ministre Marois qui, à propos de la condition prévue à l'article 1003 b) C.p.c, qualifiait le recours collectif de recours extraordinaire. La jurisprudence, quant à elle, est divisée sur le caractère exceptionnel du recours. Il semble toutefois que la tendance dominante refuse d'y voir une mesure exceptionnelle. Voir Tremaine, supra note 20: «[l]e recours collectif n'est pas un «recours exceptionnel». Il est un véhicule procédural comme il y en a beaucoup dans le Code de procédure civile et il est disponible lorsque les conditions d'exercice se rencontrent». Voir aussi Masson, supra note 15; Desmeules c. Hydro-Québec, [1987] R.J.Q. 428 (C.S.).

27 La condition de l'apparence de droit, posée à l'art. 1003 b) C.p.c, continue à provoquer des débats sur le bien-fondé de l'action; toutefois, la jurisprudence semble admettre aujourd'hui que le tribunal n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués. Voir Comité régional des usagers des transports en commun du Québec c. Commission des transports de la communauté urbaine de Québec, [1981] 1 R.C.S 424. Voir aussi Gelmini c. Québec (P.G.), (1982) C.A. 560 [ci-après Gelmini]; Lasalle c. Kaplan, [1988] R.D.J. 112 (C.A.) [ci-après Lasalle]; Fradet c. Société Asbestos, [1990] R.D.J. 180, (C.A.) Juge Cliche, dissident; A.C.E.F. du Nord de Montréal c. Ste-Marie, [1993] R.D.J. 27 [ci-apràs ACEF]; Nadon c. Ville d'Anjou (4 Août 1994), Montréal 500–09–000479–931, (C.A.) [ci-apràs Nadon]; Rouleau c. Canada (P.G.)et Québec (P.G.) (27 novembre 1997), Montréal 500–09–003029–964 (C.S.).

28 Ràgles de pratique de la Cour supérieure du Québec en matières civiles, L.R.Q. c. C-25, r.8, section XII: Recours collectif, art. 56.

29 Théroux c. Greffier de l'Hôtel de ville de Montréal, (1980) R.P. 274 (C.S.); Union des employés d'hôtel, restaurants et commis de bars, local 31 c. Québec (P.G) (4 septembre 1985), Montréal 500–06–0000036844 (C.S.).

30 «A taxpayer cannot be authorized to represent all of the other taxpayers in the municipality merely because they will be affected by the judgment in the action in nullity he proposes to institute; that does not create a «group» and it does not make all of the taxpayers «members» of the group.» Comité de citoyens et d'action municipale de St-Césaire c. Ville de St-Césaire, [1986] R.J.Q. 1061 (C.A.) [ci-après Comité des citoyens de St-Césaire].

31 Hôpital St-Ferdinand (C.S.N.), supra note 25.

32 Canadian Consumer c. Nault [1980] R.P. 293 (C.A.) à la p. 299: «[…] le juge ne pourra imposer au requérant la représentation d'un groupe autre que celui qu'il voulait représenter, même s'il s'agit d'un sous-groupe».

33 Verge, P., «L'action d'intérêt collectif» (1984) 25 Cahiers de droit 553 à la p. 558Google Scholar: «[l]'action d'intérêt collectif ne saurait se réduire à une action individuelle exercée collectivement […]».

34 Voir Cappelletti, M. et Garth, B., «Finding an Appropriate Compromise: A Comparative Study of Individualistic Models and Group Rights in Civil Procedure» (1983) 2 Civil Justice Q. 127.Google Scholar

35 Garth, B.G., «Introduction: Toward a Sociology of Class Action» (1982) 57 Indiana Law J. 371.Google Scholar

36 Ferland, D., Emery, B. et Tremblay, J., Précis de procédure civile du Québec (art. 1 - 482 C.p.c), 2e éd., Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1992 à la p. 66.Google Scholar

37 Cette préoccupation est constante, y compris dans la jurisprudence récente. Elle contribue à conférer aux tribunaux la légitimité qui leur est nécessaire. Elle repose toutefois sur l'hypothàse peu probable que sans le recours collectif, les recours individuels auraient été effectivement exercés par les membres du groupe.

38 Lalumière c. Moquin (31 août 1993), Montréal 500–06–000012–928, J.E. 93–1616 (C.S.); M. le juge Herbert Marx: «[…] le recours collectif n'est pas justifié en l'espèce même en tenant compte de l'interprétation donnée à l'article 1003 a) C.p.c. par la Cour d'appel. Le seul point qui lie toutes les sociétés en commandite et tous les commanditaires est le fait que le recours collectif sera porté contre les intimés».

39 La formule employée pour illustrer le critère de l'intérêt commun est révélatrice de l'approche instrumentale du recours collectif par rapport au groupe; Delaunais c. Québec (P.G.), [1992] R.J.Q. 1578 [ci-après Delaunais]. A propos de la procédure de jonction des causes prévue à l'art. 67 C.p.c., les tribunaux ont jugé que le fait de la jonction de plusieurs demandeurs dans une même action ne confère pas au groupe ainsi formé un intérêt nouveau qui lui soit propre. Il a en effet été jugé qu'il ne s'agit que du regroupement d'actions individuelles et que le sort de l'instance dépendra de la suffisance de l'intérêt qui est propre à chacun des demandeurs. Voir Reid, H. et Reid, J., Code de procédure civile du Québec: complément jurisprudence et doctrine, 9e éd., Montréal, Wilson et Lafleur 1993.Google Scholar

40 Il découle de l'abondante jurisprudence une confusion entre l'exigence de l'article 1003 a) pour l'existence d'un intérêt identique, similaire ou connexe entre les membres et celle de l'article 1003 d) C.p.c, qui commande au représentant qu'il assure une représentation adéquate des membres du groupe. Voir Gosselin c. Municipalité de St Henri de Levis, Québec, 200–06–000001–902, J.E. 91–1783 (C.S); Pelletier c. Sun Life (1981) C.S. 673; Lescelleur c. Maisons Préfab. Francis (1980) R.P. 349; Plouffe c. Câblevision nationale (1982) C.S. 257.

41 Art. 1003 c) C.p.c: «la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67».

42 Gagnon, supra note 14; Malton c. Hôtel Delta, Terrebonne (St-Jérôme) 700–06–000001–919, J.E. 91–1784, (C.S.). Même si elle compte encore de nombreux adeptes, cette interprétation restrictive cède de plus en plus la place à une approche plus libérale quant aux conditions d'exercice du recours collectif. Voir notamment Lasalle, supra note 27 et Berlatie, supra note 21.

44 Weber, M. dans Max Weber, Selections in Translation, Runciman, W.G., ed., Cambridge, Cambridge University Press, 1978CrossRefGoogle Scholar; Plant, R., Community and Ideology, An Essay on Applied Social Philosophy, London, Routledge & Kegan, 1974Google Scholar; Unger, R. M., Knowledge and Politics, New York, Free Press, 1975.Google Scholar

45 Référence est faite ici à la notion de «litigative unit» développée par Yeazell, S. C., «From Group Litigation to Class Action: Interest, Class and Representation» (1980) 27 U.C.L.A.L. Rev. 516.Google Scholar

46 Selznick, P. et Nonet, P., Law and Society in Transition: Toward Responsive Law, New York, Harper & Row, 1978.Google Scholar

47. Ramsay, I., «Seeking Justice in a Corporate Society» dans Hutchinson, A.C., dir., Access to civil justice, Toronto, Carswell, 1990 à la p. 119.Google Scholar

48 Par un processus décrit par les anthropologistes par lequel reconnaître, classer, nommer sont le produit de postures culturelles et idéologiques.

49 Cappelletti et Garth, supra note 34 à la p. 144.

50 Ibid. à la p. 131.

51 L'on constate d'ailleurs que les tribunaux, s'ils paraissent accepter de se faire les porte-parole des politiques publiques en se faisant défenseurs des intérêts collectifs, ils le font davantage par nécessité logique que par responsabilité directe. Voir Selznick et Nonet, supra note 46 à la p. 104.

52 Boismenu, G., «L'État et l'ordre juridique» dans Boismenu, G. et Gleizal, J.J., dir., Les mécanismes de régulation sociale: la justice, l'administration, la police, Montréal, Boréal, 1988 à la p. 47.Google Scholar

53 Au cours de l'exercice 1990–1991, dans 75,1% des cas, l'intervention de l'Office a permis d'indemniser les consommateurs ayant soumis un problème; chiffre tiré du Rapport annuel 1990–1991 de l'Office de protection des consommateurs cité dans Noreau, P., Droit préventif: le droit au-delà de la loi, Montréal, Thémis, 1993 à la p. 133.Google Scholar

54 Ramsay, I., «Seeking Justice in a Corporate Society» dans Hutchinson, A.C., dir., Access to Civil Justice, Toronto, Carswell, 1990, à la p. 129 et s.Google Scholar

55 Hutchinson, A. C., «Begging the Question: Les Misérables Redux», dans Watson, B. et al. , Civil Litigation, 4e éd., Toronto, E. Montgomery, 1991 à la p. 264Google Scholar: «[t]he only available strategy is to develop legal tactics that politicise and disrupt the courts in the process of using them for litigation.».

56 Luban, D., «The Quality of Justice» (1989) 66 Denver University L. Rev. 381.Google Scholar

57 Gelmini, supra note 27 à la p. 564: M. le juge Montgomery: «I do not regard this as a particularly appropriate case for a class action. If the courts had discretion in the matter, I would be disposed to exercice it to dismiss the appeal. I find, however, that art. 1003 (C.p.c.) leaves the court little discretion». Par ailleurs, et lorsque les tribunaux ne sont pas contraints de procéder à la collectivisation afin de permettre à un individu de demander la sanction d'un acte dommageable, comme en matière d'injonction, ils se sont refusés à autoriser le demandeur à agir dans le cadre d'un recours collectif. Voir Comité de citoyens de St- Césaire, supra note 30; Gravel c. Corporation municipale de la paroisse de la Plaine, (1988) R.D.J. 60 (C.A.); Archambault c. Construction Bérou, [1992] R.J.Q. 2516 (C.S.). La jurisprudence québécoise se montre ici plus restrictive que la jurisprudence américaine qui a, quant à elle, admis le recours collectif pour injonction. Cette attitude restrictive ne prend pas en compte le fait que la discrétion du juge s'exercera plus vraisemblablement en faveur de l'octroi de l'injonction si le juge sait que la sanction de la conduite illégale du défendeur est recherchée par un groupe d'individus. De même, une action individuelle peut plus facilement être remise en question notamment si l'individu demandeur arrive à un compromis. Voir Garth, B. G., «Conflict and Dissent in Class Actions: A Suggested Perspective» (1982) 77 Northwestern L. Rev. 492 à la p. 535.Google Scholar

58 La condition posée à l'alinéa a) de l'art. 1003 C.p.c. est souvent déterminante au stade de l'autorisation et, comme nous l'avons mentionné, elle est susceptible d'influencer la condition prévue à l'alinéa d) et même, dans certaines circonstances, celle de l'alinéa c).

59 le Juge Rothman, M. dans Comité d'environnement de la Baie c. Alcan, [1990] R.J.Q. 655 (C.A.) à la p. 659Google Scholar ci-après [Alcan]. Voir dans le même sens Tremaine, supra note 20; A.C.E.F., supra note 27. Cette interprétation libérale résulte, semble t-il, de la volonté de voir la Loi sur le recours collectif ne pas rester lettre morte. Il est cependant intéressant de noter que cette interprétation s'est davantage appuyée sur l'économie générale et la logique intrinsèque du texte, comme ensemble normatif autonome se suffisant à lui-même, que sur sa finalité. Voir supra note 40.

60 Alcan, ibid. Voir aussi Trémaine, supra note 20; Nadon, supra note 27.

61 Ibid. Voir aussi Nager c. Montréal (Ville de), [1991] R.D.J. 604 (C.A.).

62 Guibert c. Vacances Sans Frontières (27 mai 1991), Montréal 500–09–000733–899, J.E. 89–536 (C.A.).

63 Voir Cappelletti et Garth, supra note 34 à la p. 134: «[t]he Class Action for damages may permit novel damage awards that focus more on the harm caused by a defendant's conduct than simply the damages provable by the injured individuals»; voir aussi l'arrêt de principe rendu par la Cour suprême de l'État de Californie, Sindell c. Abbott Laboratories, 26 Cal. 3d. à la p. 612; la Cour a jugé dans cette décision que «if plaintiffs (women whose mothers had during pregnancy take a drug designed to prevent miscarriages which was proven to increase for female children of mothers who had taken the drug, the risk of a form of cervical cancer) had sued defendants responsible for a «substantial» portion of manufactures, they could be held liable for product defects in proportion to their market shares»; voir Yeazell, S.C., «Collective Litigation as Collective Action» (1989) University of Illinois L. Rev. 43 à la p. 66.Google Scholar Au Québec, cet assouplissement n'a pas été retenu par la jurisprudence. Toutefois, dans l'arrêt Hôpital St-Ferdinand (C.S.N.), supra note 25, M. le juge Nichols de la Cour d'appel, dans une opinion minoritaire infirmée par la Cour Suprême, a jugé que le recours collectif était venu créé un nouveau moyen de preuve par traitement collectif qui dispensait de faire la preuve d'un préjudice individuel subi par chacun des membres du groupe. Dans le même sens, quoique cette fois de façon critique, voir Glenn, P.H., «Class Actions in Ontario and Quebec» (1984) 62 Revue du Barreau Canadien 247 à la p. 271 et s.Google Scholar: «It may also be doubted whether the class action procedure is without effect on existing substantive law. In matters of tort or delict, for example, proof of damage caused by the defendant to each claimant has been a prerequisite to any judgment, but a class action judgment may be rendered absent of such a proof».

64 Voir Vincent, J. et Guinchard, S., Procédure Civile, 22e éd., 1991, Dalloz à la p. 47.Google Scholar A propos de la qualité d'agir des syndicats en France: «[i]l n'est pas nécessaire que tous les membres de la profession aient été personnellement atteints. L'intérêt collectif s'analyse en un trouble susceptible d'être ressenti par chacun des membres du syndicat et de nuire à la profession toute entière», ibid., à la p. B 277.

65 Voir «Commission permanente de la justice» supra note 12, intervention de la Ministre Marois.

66 Les représentants des intérêts des défendeurs ne s'y sont pas trompés lorsqu'ils se sont opposés avec vigueur à l'application de la procédure du recours collectif dans les conflits opposant le défendeur à des larges groupes de petits intéiêts: «Commission permanente de la justice», supra note 12.

67 Voir notamment Friedman, M. W., «Constrained Individualism in Group Litigation: Requiring Class Members to Make a Good Cause Showing Before Opting Out of a Federal Class Action«(1990) 100:3Yale L. J. 745.CrossRefGoogle Scholar

68 Cette distinction a été à la base d'une proposition de réforme présentée aux États-Unis. Il s'agissait de scinder le recours collectif pour dommages (Class Action for damages) en deux catégories d'actions: la première, lorsque l'intérêt de chacun des membres n'excède pas 300$, l'action est assimilée à une action publique assortie de l'intervention du ministère public; la seconde, lorsque l'intérêt de chacun des membres est supérieur à 300$, l'action sera considérée comme une action compensatoire. Voir Cappelletti et Garth, supra note 34 à la p. 137.

69 A propos de l'action en défense des intérêts collectifs des salariés par les syndicats français, et malgré une disposition légale expresse autorisant une telle action (art. L. 411–11, Code du travail), les tribunaux français traînent quelque peu de la patte: «Tantôt on reprochera au syndicat de s'intéresser à un problème qui ne regarde que l'un de ses membres, […] tantôt on lui reprochera d'empiéter sur le domaine réservé aux représentants de la société, au parquet, notamment lorsque le fait reproché aura un caractère pénal». Cité dans Vincent et Guinchard, supra note 64.

70 De nombreux auteurs ont d'ailleurs fortement critiqué l'interdiction faite aux associations de consommateurs, notamment en France et en Allemagne, d'intenter des actions en dommages-intérêts, leur barrant ainsi l'accès au contentieux indemnitaire. Voir Cappelletti et Garth, supra note 34.

71 Voir Verge, supra note 33.

72 Lafond, P.-C., Le recours collectif comme voie d'accès à la justice pour les consommateurs, Montréal, Thémis, 1996.Google Scholar

74 Les tribunaux américains ont en effet admis, dans le cadre de la doctrine de «fluid recovery», le principe selon lequel l'intérêt collectif du groupe demandeur s'inscrivait dans celui d'un groupe plus large dont la compensation était autorisée dans le cadre d'un recours collectif. Ils ont, entre autres mesures, ordonné la réduction du prix qui consiste en un mécanisme d'application générale et indirecte qui bénéficie à tous les acheteurs futurs du produit visé et qui n'exige pas une identification personnalisée des membres du groupe lésé. Voir Daar c. Yellow Cab, 67 Cal. 2d 695, 433 P. 2d 732, 63 Cal. Rptr. 724 (1967), cité dans Lafond, supra note 72.

75 Hôpital St-Ferdinand (C.S.N.), supra note 25; Delaunais, supra note 39.

76 Delaunais, supra note 39.

77 Hôpital St-Ferdinand (C.S.N.), supra note 25. Dans cet arrêt, la Cour d'appel confirmée par la Cour suprême, a ordonné que les dommages-intérêts exemplaires soient utilisés au bénéfice de tous les bénéficiaires actuels et futurs de l'Hôpital St-Julien de St-Ferdinand d'Halifax, dans le cadre de la distribution du reliquat prévue à l'art. 1034 C.p.c; voir aussi Lafond, supra note 72.

78 Feinberg c. L'Une et l'Autre (1983) C.S. 1169; Plouffe c. Câblevision nationale (22 mai 1986), Québec 200–06–000003–791, J.E 86–686 (C.S.); Dinelle c. Université de Montréal (22 septembre 1989), Montréal 500–06–000012–845, J.E. 90–76 (C.S.).

79 Pour une critique de ces décisions, voir Lafond, supra note 72.

80 Plant, supra note 44 à la p. 50: «[t]o change people's description of their social experience from that of subject to that of member […]».

81 Propos de Daniel Jacoby, protecteur du citoyen, dans lequel ce dernier souligne qu'au Québec, le principal impact de l'adoption de la loi sur la protection du consommateur de 1971 a été psychologique. Cité dans «L'évolution du droit de la consommation à la lumière de l'expérience québécoise: la nécessité d'une transformation en profondeur du droit des contrats» dans Masse, C., éd., Rapport de la conférence canadienne Droit et consommation, Groupe de recherche en jurimétrie, Faculté de droit, Université de Montréal, 1976 aux pp. 395–97.Google Scholar

82 Plant, supra note 44 à la p. 50: «[t]o talk in terms of membership is to talk about the relationship between the individual and the community […]».

83 Commentant sur les modes alternatifs de résolution de conflits (A.D.R.) R. Krabill, directeur du Mennonite Conciliation Service, déclarait: «I view conflict resolution […] as a basic way of thinking about the world, how we relate to other people, and how we solve problems. So our calling is to carry this into the way of how our society functions» cité dans Luban, D., «The Quality of Justice» (1989) 66 Denver University L. Rev. 381.Google Scholar

84 Geertz, C., Local Knowledge, New York, Basic Books, 1983, 172 et s.Google Scholar

86 Merry, S. E., Getting Justice and Getting Eve: Legal Consciousness Among Working-Class Americans, Chicago, University of Chicago Press, 1990 à la p. 8Google Scholar: «Law works in the world not just by the imposition of rules and punishments but also by its capacity to construct authoritative images of social relationships and actions, images which are symbolically powerful. Law provides a set of categories and frameworks through which the world is interpreted. Legal words and practices are cultural constructs which carry powerful meanings not just to those trained in law or to those who routinely use it to manage their business transactions but to ordinary person as well. Law in this ideological sense can be described as a discourse, a way of talking about relationships and actions».

87 Moore, S. F., Law as Process: an Anthropological Approach, London, Routledge & Paul, 1978, chap.2.Google Scholar

88 Robitaille c. Construction Desourdy (5 décembre 1988), Bedford 460–06000001–886, J.E. 89–332 (C.S.); Alcan, supra note 59.

89 Coopérative d'habitation de Cloverdale (Pierrefonds) c. Turenne (3 septembre 1993), Montréal 500–06–000001–939, J.E. 93–902 (C.S.).

90 Bellavance c. Klein (17 décembre 1996), Montréal 500–09–000418–939 (C.A.). La Cour d'Appel, infirmant le jugement de la Cour Supérieure, a autorisé le recours collectif intenté pour le compte d'ex-employés d'une société ayant fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour paiement de vacances impayées au motif que la représentante était en mesure d'assurer une représentation adéquate compte tenu de son ancienneté et en sa qualité de coordonnatrice et du fait qu'elle avait discuté avec quarante de ses collègues de la possibilité d'intenter un recours et avait maintenu ses contacts avec ce groupe.

91 Lasalle, supra note 27.

92 Dans l'arrêt Alcan, supra note 59, la Cour d'appel est venue permettre cette coïncidence entre groupe demandeur et communauté puisqu'elle a accepté d'inclure dans le groupe les résidents d'un secteur de la ville de La Baie malgré la différence de statut juridique entre eux, certains étant propriétaires, d'autres locataires et d'autres enfin ni propriétaires ni locataires. Dans Lasalle, supra note 27, la Cour d'Appel a autorisé le recours collectif d'un détenu pour le compte des détenus de l'établissement pénitentiaire contre l'un des deux intimés visés par le recours, infirmant le jugement de la Cour Supérieure. Elle a considéré notamment que les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes, excluant ainsi la scission du groupe des détenus en diverses classes en fonction de la diversité des situations particulières. Voir aussi Hôpital St- Ferdinand (C.S.N.), supra note 25.

93 Masson, supra note 15: «Le fait que la demanderesse puisse possiblement obtenir des mandats individuels de ses ex-collègues n'est pas pertinent aux fins de l'autorisation du recours collectif. Tout ce qu'exige l'article 1003 c) c'est que la composition du groupe rende difficile ou peu pratique un recours traditionnel et non qu'il soit impossible d'appliquer les règles relatives aux recours traditionnels. Le fait d'agir sans mandat constitue précisément l'un des avantages du recours collectif»; Joyau c. Élite Tours (3 mai 1988), Montréal 500–06–000003–885, JE 88–837 (CAS.). M. le juge Brossard: «Qu'il y ait eu possibilité de procéder par mandat ne fait aucun doute. Mais, ainsi qu'il a été décidé par nos tribunaux, la possibilité de procéder par les dispositions des art. 59 ou 67 du Code de Procédure civile n'exclut pas le droit d'exercer un recours collectif. Il suffit qu'il soit difficile ou plus pratique de procéder selon l'art. 59 ou qu'il soit plus souhaitable ou plus efficace de procéder par recours collectif pour que cette troisièeme condition soit remplie»(les caractères gras sont de nous).

94 Cholette-Slobodian c. Carignan (Ville de) (9 août 1991), Longueuil 505–06–000001–912, J.E. 91.1475 (C.S.).

95 Archambault c. Construction, [1992] R.J.Q. 2516 (C.S.).

96 Allali c. Université Concordat (15 décembre 1988), Montréal 500–09–000804–872, J.E. 89–249 (C.A.).

97 Cotteron, supra note 18 à la p. 123.

99 Cappelletti et Garth, supra note 34 à la p. 125: «[b]usiness corporations […] took masterful advantage of the doctrines that proclaimed them «persons» able to sue on behalf of the interests of their stockholders».

100 Trubek, D. M., «La justice des tribunaux au service d'une société de justice: une manière nouvelle de considérer la défense des intérêts d'ordre général aux Etats-Unis» dans Cappelletti, M., dir., Accès à la justice et État-Providence, Économica, Paris, 1984 à la p. 125Google Scholar: «The theme of the legal construction of every day life draws on several bodies of social theories, including critical anthropology, neo-marxist structuralism, critical legal studies and post-structuralist literary theory. All of these social theories see law as one of the several discourses of power or ideological structures that reinforce relations of power and conditions of hierarchy».

101 Thomasset, C. et Laperrière, R., «La régulation juridique au quotidien: travail, logement et informatique» dans Boismenu, G. et Gleizal, J.J., dir., Les mécanismes de régulation sociale: la justice, l'administration, la police, Montréal, Boréal, 1988, 57 à la p. 71.Google Scholar