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Réflexions sur le vocabulaire de la psychanalyse

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

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Le procès du vocabulaire de la psychanalyse reste ouvert: par son hermétisme, son manque de rigueur et de cohérence, sa platitude dogmatique, tout ce qu'il charrie d'un savoir périmé et le peu qu'il transpose d'une expérience immense, variée, éminemment problématique, il serait pour beaucoup dans le malentendu permanent qui règne entre la psychanalyse et d'autres disciplines, entre les psychanalystes eux-mêmes et sans doute dans le secret conseil de chacun d'eux. Les analystes, en un certain sens, font leurs de telles critiques: conscients de ce que tant de leurs termes offrent de foncièrement inadéquat ou d'accidentellement abâtardi, ils ne les utilisent plus qu'entre guillemets dans un comme si redoublé (car déjà Freud n'a cessé d'en souligner le caractère métaphorique). Mais, d'un autre côté ils tiennent à ce langage qu'ils ont reçu en partage: ils savent qu'en y renonçant ils perdraient beaucoup plus que des mots hors d'usage. Aussi paraissentils dans l'hésitation: tantôt l'armature terminologique fait à leurs yeux seulement fonction d'écran, de garde-fou, de rempart obsessionnel pour ceux qu'affolerait en effet une rencontre d'autant plus vertigineuse qu'elle résonne en chacun dans son propre vide; tantôt ils y voient le trésor de leur langue, où ils ne sauraient trop puiser non seulement pour se guider dans une expérience autrement fluide ou chaotique mais pour la constituer dans son champ, son ordre et son déroulement.

Type
Trois études sur la science
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1963

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References

(1) Cf. Belaval, Y., Les philosophes et leur langage (Paris, Gallimard, 1952).Google Scholar

(2) Laplanche, J.Leclaire, et S., « L'inconscient », in Les Temps modernes, juillet 1961.Google Scholar

(3) Merleau-Ponty, M., « Le langage indirect et les voix du silence », in Signes, pp. 5354.Google Scholar

(4) Cf. par exemple l'article Bouvet, de M. sur « la cure-type » dans l'Encyclopédie de psychiatrieGoogle Scholar dirigée par Henri Ey.

(5) Cf. Lagache, D., «Les artifices de la psychanalyse», in Études philosophiques, XI (1956), 585593.Google Scholar

(6) Nous nous permettons de reprendre ici des remarques présentées dans Les Temps modernes, janvier 1962.Google Scholar

(7) Notamment dans l'altemance des exposés historiques et des exposés systématiques qui témoigne que Freud ne peut trouver dans la cohérence même de la doctrine la vérité de sa découverte. De même les remaniements successifs, ceux de la théorie des pulsions par exemple, paraissent surtout destinés à retrouver l'équilibre d'un système qu'un apport, imposé par la pratique, est venu modifier.

(8) Cf. Zur Einführung des Narzißmus, fin de I.

(9) Cf. notamment Nachwort zur « Frage der Laienanalyse ».

(10) Premières lignes de Triebe und Triebschicksale.Google Scholar

(11) Cf. G. W. XVII, p. 142.Google Scholar

(12) Préface à L'œuvre de Freud Hesnard, de A. (Paris, Payot, 1960).Google Scholar Cette recommandation ad'autant plus de prix que Merleau-Ponty a toujours refusé d'enfermer l'histoire de la philosophie dans l'alternative suivante: ou bien la reproduction « objective » qui tient pour seul acceptable l'exposé de la doctrine d'un auteur dans le langage conceptuel et l'horizon culturel qui étaient les siens ou bien désinvolture subjectiviste qui demande aux textes classiques de fournir des réponses aux questions contemporaines.

(13) D'ailleurs si elle culmine en psychanalyse, elle n'est pas étrangère à d'autres disciplines anthropologiques: analyse des mythes ou des œuvres littéraires par exemple.

* Cette section s'appuie sur un travail de définition et de commentaire des termes psychanalytiques que nous menons en collaboration avec J. Laplanche sous la direction de D. Lagache.

(1) Nous avouons ne pas voir le critère qui préside au choix de cette liste (note personnelle).

(2) Pasche, F., «Régression, perversion, névrose (Examen critique de la notion de regression)», Revue française de psychanalyse, XXVI (1962), p. 161.Google Scholar

(3) « Aucun autre terme institué par la psychanalyse pour ses propres besoins n'a acquis une popularité aussi large et n'a été plus mal appliqué au détriment de la construction de concepts plus clairs » (G. W. X, p. 69).Google Scholar Ailleurs Freud dénonce la mythologie jungienne des complexes et insiste sur l'idée que le complexe n'est pas une notion théorique satisfaisante. Elle risque en effet à la fois de dissimuler la singularité des cas et de donner pour explication ce qui fait problème; elle tend aussi à se confondre avec l'idée d'un noyau pathogène qu'il conviendrait d'éliminer et fait alors perdre de vue la fonction normative, en certains temps de la constitution du sujet, des seules structures pour lesquelles Freud ait toujours maintenu le terme de complexe: Œdipe et castration. Ce serait donc en définitive le refus de s'engager dans la voie d'une typologie qui justifierait la mise en garde de Freud face au succès de la notion et lui interdirait, sauf dans le cas de l'Œdipe où le recours au mythe indique la valeur fondatrice, la dénomination mythologique de telle ou telle configuration psychologique.

(4) Blum, Gerald S., Les théories psychanalytiques de la personnalité, trad, franç, , (Paris, P.U.F., 1955), p. VIII.Google Scholar « Un tel cadre est naturel, parce que les auteurs psychanalytiques se sont toujours occués de processus de développement; de plus il se justifie par le fait que, en fin de compte, une théorie adéquate doit aider à comprendre, à prédire et à contrôler l'apparition d'un comportement » (ibid.).

(5) Le fait que Freud n'intègre pas la perspective génétique dans sa définition de la métapsychologie est d'autant plus remarquable que ce sont des processus, à savoir quelque chose qui implique un déroulement temporal, qui sont envisagés par lui.

(6) Le terme, on le sait, fut introduit par J. C. Smuts en 1926, hors de toute réféence à la psychanalyse: « La personnologie étudiera la personnalité non comme une abstraction ou un paquet d'abstractions psychologiques mais plutôt comme un organisme vital, comme l'ensemble psychique organique qu'il est par excellence, et une telle étude conduira à la formulation des lois de la croissance de cet ensemble […]» (Holism and Evolution, p. 293).Google Scholar

(7) Les points de passage ne sont jamais marqués entre le manifeste et le latent, entre le discours restitué dans sa continuité par les associations de l'analysé et celui que reconstruit l'analyste, entre la cemclinique et le sauvagement spéculatif, l'nterprétation proprement analytique et l'emprunt à telle ou telle science humaine; quelques citations de Freud sont là pour lier le tout…

(8) Lettre à Fliess du, W.; 6 12 1896.Google Scholar

(9) G. W. X, p. 294.Google Scholar

(10) « II est l'élément le plus variable de la pulsion, il n'est pas lié à elle originairement mais il ne vient s'y ordonner qu'en fonction de son aptitude à permettre la satisfaction » (G. W. X, p. 215).Google Scholar

(11) G. W. V, p. 67.Google Scholar

(12) Ce concept n'a pu être jusqu'ici, à notre connaissance, dégagé par les commentateurs et ceci, pour une très large part, en fonction de motifs purement terminologiques. En effet Anlehnung se rencontre notamment, sous forme génitive, dans l'expression Anlehnungstypus der Objektwahl (habituellement traduit par type anaclitique de choix d'objet). Mais ce qui semble avoir échappé aux traducteurs et échappe nécessairement au lecteur qui lit les œuvres de Freud en français, c'est que Freud se réfère au concept d'Anlehnung en bien d'autres occasions que celles où il traite du choix d'objet anaclitique; on rencontre à plusieurs reprises soit la forme substantive, soit des formes verbales. Or elles sont traduites en anglais et en français de façon variable de sorte que l'usage freudien du concept qui joue un rôle très important dans la théorie de la sexualité n'est pas perceptible.

(13) Car il n'élude en aucune façon l'objection toute simple: « Pourquoi vous entêter à dénommer déjà sexualité ces manifestations de l'enfance que vous considérez vous-même comme indéterminables et à partir desquelles du sexuel va plus tard se constituer? » (G. W. XI, p. 335).Google Scholar

(14) C'est bien pourquoi Freud est forcé d'admettre qu'il n'existe pas « un signe universellement reconnu et permettant d'affirmer avec certitude la nature sexuelle d'un processus » (G. W. XI, p. 331).Google Scholar C'est pourquoi aussi le concept de libido doit être entendu dans un sens purement énergétique et sans qu'il soit légitime de confondre l'énergie invoquée avec un substrat matériel quelconque. Simplement l'analyste constate les avatars du désir sexuel quant à l'objet, au but et à la source et s'autorise de ce fait pour considérer comme équivalentes des manifestations qualitativement différentes. La psychanalyse ne fournit pas de critère de la sexualité mais postule une énergie sexuelle dont la clinique ne nous donne pas de définition mais montre l'évolution et les transformations.

(15) Même remarque que précédemment: les traducteurs, en n'optant pas pour une traduction unique, ne permettent pas d'en repérer l'usage, pourtant répété et constant chez Freud.

(16) Pour tout ceci, cf. Entwurf einer Psychologie (1895), II, 4, 5, 6.Google Scholar

(17) « Le rêve confère a l'observation du coït une efficacité après-coup. »

(18) Nous disons: le plus souvent, car Freud n'a cessé, jusqu'à la fin de sa vie, de soutenir l'existence, la fréquence et le rôle pathogène des scènes de séduction effectivement vécues par l'enfant.

(19) Passivité ne signifiant pas seulement que le sujet a un comportement passif dans la scène mais qu'il la subit sans qu'elle puisse évoquer chez lui de réponse. La séduction produit un« effroi » (Sexualschreck).

(20) Draft K. du 1er Janvier 1896.

(21) Nous avons déjà eu l'occasion d'accentuer la valeur quelque peu émoussée par l'usage de l'expression réalité psychique. Elle est à prendre dans son sens plein et non pas seulement pour connoter le fait que le champ du psychique aurait son ordre de réalité propre, susceptible d'investigation scientifique. Si l'on se fie à certains textes freudiens, on peut même penser que réalité psychique désigne ce qui pour le sujet est le plus irréductible: le désir inconscient et les fantasmes connexes.

(22) Terme avancé par J. Lacan.

(23) G. W. XI, p. 242.Google Scholar

(24) G. W. XI, p. 386.Google Scholar

(25) Pour simplifier la discussion, nous restons dans le cadre de la première théorie des pulsions.

(26) Dans les premiers écrits (1895) la sexualité est classée parmi les « grands besoins », il y a analogie, quant à l'action spécifique, entre la satisfaction de la faim et l'acte sexuel. Mais très vite Freud reconnaît, pour rendre compte de la névrose d'angoisse, l'existence de « conditions psychiques » d'origine historique (élaboration de la libido) nécessaires à l'accomplissement de l'action spécifique sexuelle. Puis ce sera la découverte de la sexualité infantile; « spécifique » change alors de sens: ce sont des facteurs historiques qui « spécifient » le choix d'objet et la satisfaction.

(27) Comme le montrera la notion de ça prétexte à bien des interprétations biologisantes de la théorie freudienne, dans la mesure où 1° les deux types de pulsions (sexuelles et du moi) sont inclus dans une même instance, définie comme pôle pulsionnel de la personnalité; 2° cette nouvelle instance se différencie mal de son substrat biologique et où s'efface par conséquent la distinction entre la poussée de la pulsion et son inscription dans l'inconscient; 3° la genèse des différentes instances est conçue comme une différenciation progressive.

(1) Nous nous réservons d'examiner dans un autre travail le problème d'ensemble des modèles théoriques freudiens.

(2) Sens et usage du terme « structure » dans les sciences humaines et sociales. Édité par les soins Bastide, de R. (Paris, Mouton, 1962).Google Scholar Date du colloque: janvier 1959.

(3) Cf. in colloque cité, E. Wolff, qu assimile la notion de structure à celle d'organisation. « La structure est une notion simple, elle correspond à quelque chose de donné et non pas seulement à quelque chose d'intelligible. »

(4) Lagache, D., «La psychanalyse et la structure de la personnalité», in La psychanalyse, VI (1961), p. 6.Google Scholar

(5) J. Boutonnier le notait dans sonivre sur l'angoisse.

(6) C. Lévi-Strauss, , «La notion de structure en ethnologie», in Anthropologie structurale (Paris, Plon, 1960).Google Scholar Les schémas et le graphe de Lacan comme l'ensemble de sa tentative pour formaliser les lois de l'inconscient et la structuration du champ analytique témoignent de la fécondité d'une telle recherche, qui comporte le double risque — mais qui saurait mieux le dénoncer que Lacan? — de susciter, dans la mesure où elle aboutit à des représentations figurées, le glissement du symbolique vers l'imaginaire, et de conduire certains, d'une façon pourtant absolument contraire au sens même de la tentative, à mettre, sous tel symbole « algébrique » utilisé, tel objet concret de l'expérience.

(7) Il est remarquable à cet égard de voir préeisément un structuraliste aussi hardi que Lévi-Strauss exiger « la servilité de l'observation intégrate » et rappeler qu' « […] au niveau de l'observation, la règle principale — on pourrait même dire la seule — est que tous les faits doivent être exactement observés et décrits sans permettre aux préjugés théoriques d'altérer leur nature et leur importance » (op. cit. p. 307). Nous pouvons songer, nons, à Freud recommandant de considérer inlassablement à nouveau les mêmes phénomènes et mettant en garde contre le danger de s'enivrer de ses propres assertions.

(8) Récemment, A. Green a fait une tentative dans ce sens. Il est bien clair en effet que, lorsque nous parlons de structure obsessionnelle, ou hystérique, nous le faisons trop souvent sans nous montrer très soucieux de répondre aux exigences de la notion de structure et d'une façon qui ferait sourire ceux des linguistes ou des anthropologues qui ont su lui donner un sens précis et surtout fécond. Beaucoup de définitions dites structurales en psychanalyse se bornent à juxtaposer des données empruntées à des registres divers. On se rappellera ce mot de Kroeber, déionçant l'extrême généralisation du vocable: « N'importe quoi — à la condition de n'être pas complètement amorphe — possède une structure. »

(9) Même si la linguistique structurale ne s'en est pas d'emblée avisée et a porté ce qu'il y avait de radicalement neuf dans son apport au crédit de la Gestalttheorie régnante. Cf. par ex. V. Brondäl cité par E. Benveniste, in colloque cité.

(10) Op. cit. p. 13.

(11) Car une parure de style biologique ne confère pas la dignité scientifique et, inversement, il n'y a rien de péjoratif à tenir pour métaphoriques par exemple les concepts kleiniens de bon et de mauvais objet.

* Laboratoire de psychologie sociale, Faculté des Lettres de l'Université de Paris.

(12) C'est bien là ce qui fait la difficulté du compte rendu analytique d'une cure. Freud l'a noté dans L'homme aux loups: comment faire tenir une formation à plusieurs dimensions sur le seul plan de la description? (G. W. XII, p. 103).Google Scholar