Au cours de certaines années après la libération, les Ministres des finances belges ont trouvé un appoint substantiel dans les plus-values des recettes fiscales provoquées par la reprise spectaculaire de l'activité industrielle du pays et par une fiscalité déjà fondamentalement aggravée pendant la guerre quant au taux et encore accrue en charge, par après, par le jeu de l'accroissement des prix et des salaires.

Pendant ces mêmes années, le Trésor a été avantagé par les remboursements d'avances faites antérieurement. Aussi bien pendant le dernier trimestre de l'année 1944 que pendant l'année 1945 de très importantes sommes ont dû être avancées par le Trésor, et cela pour diverses raisons. La récupération d'une grande partie de ces avances s'est échelonnée sur les années suivantes et a constitué, elle aussi, une aide non négligeable pour ceux qui présidaient à la direction de nos finances publiques.

Les événements internationaux de fin juin 1950 ont marqué toute la vie économique de notre pays, en donnant à partir du mois de juillet, une orientation nouvelle aux tendances qui se manifes-taient jusque là tant dans les domaines monétaire et financier que commercial et industriel.

Au début de l'année, les perspectives économiques s'avéraient incertaines, les exportations rencontraient des difficultés nombreuses en raison des prix élevés du charbon et des hauts salaires; la crainte de l'augmentation d'un chômage conjoncturel était vive. Le climat fut tout différent au cours du second semestre, par suite de l'amélioration de la conjoncture dont l'origine se situe dans le réarmement américain et ses répercussions internationales.

L'année, qui a été marquée surtout par l'effervescence politique tant à l'intérieur que sur le plan international, et qui a vu se déclencher un mouvement de hausse des prix et des rémunérations, s'est achevée néanmoins dans un effort de discipline des organisations patronales et syndicales en vue d'enrayer cette hausse et de stabiliser à nouveau léurs relations mutuelles. Les négociations engagées pour atteindre cet objectif furent multiples et laborieuses; leur importance pour l'avenir de la vie nationale est considérable; aussi nous attacherons-nous, dans le présent exposé, à les résumer avec le plus de précision possible.

Quant aux autres problèmes qui sont habituellement traités dans cette chronique et, en particulier, celui de la réforme du régime provisoire des assurances sociales, mis à l'ordre du jour depuis plus de deux ans, ils n'ont guère fait l'objet de mesures spectaculaires. Mais c'est pour la première fois, croyons-nous, qu'ils ont été examinés, dans des interventions de caractère officiel, sous l'aspect, assurément capital, de leur liaison avec l'évolution démographique de la popu-lation belge. Cette manière d'envisager les choses mérite d'être sou-lignée, car elle indique une tendance nouvelle : ce que l'on a coutume d'appeler le problème social n'apparaît plus seulement comme une affaire de répartition des biens en réponse aux revendications d'une classe sociale déterminée; il se pose au contraire comme un problème d'ensemble, intéressant le bien-être de toutes les couches de la population.

1. — L'année 1950 a présenté en Belgique des particularités curieuses dans le domaine des prix.

Au cours du premier semestre, les prix de gros sont demeurés remarquablement stables, et les prix de détail ont fléchi légèrement, par suite surtout de la baisse cyclique du porc. Le démenti infligé à tous ceux qui annonçaient que la dévaluation monétaire de 12 ½ %, en septembre 1949, devait fatalement déterminer une hausse des prix, a été confirmé et amplifié. Les prix de gros, qui se trouvaient à 363 au mois d'août 1949, étaient encore à 365 en juin 1950. Quant aux prix de détail, ils étaient revenus d'une date à l'autre, de 378 à 368, par suite de la baisse des produits alimentaires.

La crise cyclique déclenchée en 1948 avait subi, nous l'avons vu, une accalmie pendant les quatre derniers mois de 1949, et la consommation mensuelle de houille de l'Union Economique Belgo-Luxembourgeoise, qui était tombée à 1.907.000 tonnes en juillet 1949, s'était relevée à 2.751.000 tonnes en décembre de la même année. Ce relèvement, joint à un freinage judicieux de nos importations de charbons étrangers, avait permis à nos mines de réduire de près de douze cent mil1e tonnes leurs stocks de houille, qui avaient dépassé trois millions de tonnes à fin août 1949, et de reporter leur production mensuelle à 2.574.000 tonnes en décembre.

L'accalmie s'est prolongée pendant le premier trimestre de 1950, pour faire place ensuite, comme nous le prévoyions dans notre étude de l'an dernier, à une accentuation de la crise. Cette accentuation a duré jusqu'à la fin du mois de juin : elle s'est marquée, pour notre industrie charbonnière, par un nouveau gonflement des stocks à près de deux millions sept cent mille tonnes, et par une nouvelle diminution forcée de la production.

A s'en tenir aux chiffres globaux, il n'y a guère d'écart entre l'activité de la sidérurgie belge en 1950 et au cours de l'année précé-dente. En ce qui concerne la fonte, la différence est de 2 % et impu-table entièrement aux fontes spéciales. Pour l'acier lingot, la réduc-tion n'atteint pas 2 % et porte uniquement sur les qualités les moins courantes : acier Martin et acier électrique. Toutefois, là s'arrête la ressemblance, car si en 1949 la situation au cours du second semestre était moins bonne que pendant le premier, c'est exactement l'inverse que l'on peut constater pour l'année dernière. Il est à peine besoin d'épiloguer sur les causes de ce renversement de la tendance; le déclenchement des hostilités en Corée a été le signal du réveil de la demande. Contrairement à ce que croient les non-initiés, l'armement n'intervient que pour une très faible part dans les livraisons de la sidérurgie belge ou luxembourgeoise à cette date, et même les commandes pour l'armement ne sont guère importantes.

La consommation d'énergie électrique continue à augmenter; le rythme d'accroissement qui avait décru en 1949 a repris un nouvel essor. L'augmentation de l'énergie produite est principalement imputable aux centrales des producteurs-distributeurs, alors que l'activité des auto-producteurs est restée stationnaire ; pour ces derniers, les résultats défavorables de l'activité industrielle au cours du premier semestre ont compensé la reprise de fin d'année.

Au point de vue production d'énergie, une augmentation est enregistrée dans les charbonnages, les industries des métaux non ferreux, du papier, des fabrications métalliques, les industries chimiques et alimentaires. Les carrières et les cimenteries maintiennent leur production alors qu'une diminution se manifeste dans la sidérurgie, les cokeries, les glaceries et les verreries.

Les analyses de la situation économique du Congo belge publiées depuis 1945 indiquent que l'économie congolaise est en expansion depuis 1940.

L'année 1950 marque une nouvelle étape de cette expansion.

L'économie congolaise a été influencée dans le cours de cette année par deux ordres principaux de facteurs:

—d'une part, les mouvements de prix des matières premières où la tendance à la baisse qui se manifestait en 1949 a fait place à une hausse caractérisée en 1950;

—d'autre part, la mise en œuvre d'un plan d'investissements publics dans les secteurs de base. Il s'agit du Plan décennal pour le développement économique et social du Congo belge.

I. — I/ÉVOLUTION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE

La fin de l'année 1949, avec les rajustements monétaires qui l'avaient accompagnée, avait marqué une étape décisive de l'évolution économique d'après-guerre. Elle avait vu la plupart des pays abandonner les politiques d'inflation plus ou moins contrôlée, de réglementation et de déficit chroniques de la balance commerciale, qui avaient été suivies presque partout immédiatement après la guerre.

Cette évolution a tout d'abord continué pendant une partie de l'année 1950. Les effets favorables de la nouvelle orientation sur l'équilibre interne des économies respectives, se firent sentir de plus en plus nettement et l'expérience de la Belgique, qui avait été un des premiers pays à adopter pareille ligne de conduite, il y a plusieurs années déjà, s'en trouva ainsi une nouvelle fois confirmée. L'amélioration des diverses balances de paiement permit, d'autre part, d'entamer une large action de réduction des obstacles aux échanges internationaux.

Contrairement aux quatre années précédentes qui furent des années de sécheresse, 1950 connut un taux d'humidité relativement élevé. Durant les mois d'avril et de mai, nous eûmes une quantité appréciable de pluie. Les fortes averses de mai et les grandes chaleurs de juin ont causé certains dégâts aux cultures en voie de maturité et ces circonstances exercèrent une influence néfaste sur le rendement et la qualité des céréales. Par suite du temps très variable pendant le troisième trimestre, et en particulier à cause des fortes chutes de pluies du mois de septembre, il fut difficile de régler les travaux de récolte.

Pour terminer l'année, nous eûmes alors un hiver très précoce et très dur accompagné d'abondantes chutes de neige, ce qui entrava les emblavements tardifs. Somme toute, malgré les influences cli-matiques exercées sur le rendement de l'agriculture, 1950 peut être considéré comme une année plutôt favorable.

Dans le cadre de la lutte contre le chômage, les pouvoirs publics s'étaient tout d'abord montrés impuissants d'appliquer, au moment opportun, une politique anti-cyclique appropriée. Toutefois, un revi-rement énergique intervint vers la fin de 1949. La saison étant déjà fort avancée, on a dû se borner à engager des dépenses, sous réserve de procéder à l'exécution proprement dite à l'approche du printemps 1950.

Les bonnes dispositions, tardives, de nos autorités les amenèrent à envisager de telles dépenses, notamment par le truchement du budget extraordinaire, alors que tout laissait prévoir que 1950 deviendrait, dans le secteur de la construction, une année de pleine activité, une année de « boom » véritable.