Dans le domaine de la morphosyntaxe anglo-normande on peut constater, en ancien français, trois points qui caractérisent nettement, dès le XIIe siècle, cette variété de la langue française et la distinguent des dialectes en usage sur le continent. Il s'agit, d'une part, de ce qu'on appelle communément la disparition de la déclinaison, d'autre part de l'apparition précoce de la forme lequel, pronom relatif, dans les textes religieux ainsi que de l'usage croissant du relatif que sujet avec pour antécédent un nom de personne. Je ne m'attarderai pas sur le premier point, car il est trop connu ; je m'attacherai, par contre, aux deux autres, auxquels on a prêté jusqu'à récemment moins d'attention, au moins pour ce qui est de l'usage généralisé du relatif composé dans un secteur particulier de la production littéraire.
Dans l'introduction de sa seconde édition de la Vie de saint Alexis, Christopher Storey écrivait en 1968 : ‘Grâce à l'influence anglaise, la désintégration de la vieille déclinaison française commença de bonne heure en anglo-normand.’ C'est effectivement le cas des deux plus anciens textes continentaux copiés en Angleterre : dans le texte d'Alexis que présente le manuscrit de Hildesheim (copie c.1120 d'une œuvre de la fin du XIe siècle), ‘la confusion est considérable’ ; dans celui de la Chanson de Roland conservé dans le manuscrit d'Oxford (copie du deuxième quart du XIIe siècle, l'œuvre originale ayant été composée vers 1100), ‘26% des substantifs déclinables n'observent pas la déclinaison théoriquement attendue’, comme le constate C. Buridant dans sa Grammaire nouvelle de l'ancien français.