Hostname: page-component-848d4c4894-4hhp2 Total loading time: 0 Render date: 2024-05-19T15:06:23.046Z Has data issue: false hasContentIssue false

Archives et histoire : dépasser les tournants

Published online by Cambridge University Press:  12 October 2020

Olivier Poncet*
Affiliation:
École nationale des chartes-PSL Centre Jean-Mabillon, EA 3624 olivier.poncet@chartes.psl.eu

Résumés

Les publications et les programmes de recherche qui portent sur l’histoire des archives, de leurs acteurs, de leurs méthodes et de leur signification sociale, politique et culturelle se sont beaucoup multipliés ces dernières années. Ces préoccupations posent à nouveau la question de la pertinence du couple formé par les archives et l’histoire depuis au moins l’époque moderne. Deux mouvements, qualifiés de « tournants » semblent en réalité se développer sans toujours se rencontrer : le « tournant archivistique », qui serait plutôt le fait du monde des archivistes (et des anthropologues), et le « tournant documentaire » des chercheurs historiens qui ne considèrent plus seulement les pièces et les fonds d’archives comme des matériaux, mais comme des objets historiques à part entière, producteurs de sens social, politique ou culturel. L’archivistique, entendue au sens très large, revendique parfois une rupture avec la science historique pour gagner une véritable reconnaissance académique dans le paysage contemporain des sciences sociales, tandis que le « tournant documentaire », essentiellement européen, porte plus volontiers sur les époques médiévales et modernes. L’analyse de la production récente développée dans ces deux directions conduit à souhaiter leur mutuelle hybridation et, plus spécialement pour les historiens, à approfondir une contextualisation et une historicisation des fondements archivistiques sur lesquels repose une partie de nos connaissances historiques.

Abstracts

Abstracts

Publications and research programs on the history of archives, their actors, their methods, and their social, political, and cultural significance have multiplied in recent years. These concerns question in new ways the relevance of the dyad formed by archives and history since at least the early modern era. Two movements, described as “turns,” seem to be developing without always converging: the “archival turn,” which appears to have emerged from the world of archivists (and anthropologists), and the “documentary turn” of historians who no longer consider documents and archives simply as materials but as historical objects in their own right, producing social, political, and cultural meaning. Archival science, understood in a very broad sense, sometimes claims a break with historical science as a way of gaining academic recognition in the contemporary social science landscape, while the essentially European “documentary turn” more readily focuses on the medieval and early modern periods. The analysis of recent research developments in these two directions nevertheless suggests that their mutual hybridization is to be desired, particularly in terms of historians deepening their contextualization and historicization of the archival foundations on which part of our historical knowledge is based.

Type
Historiographie
Copyright
© Éditions de l’EHESS

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

Je tiens à remercier Étienne Anheim et Maria de Lurdes Rosa pour leur aide, leurs conseils et leurs suggestions bibliographiques.

References

1 Marc Bloch, « Un dépôt d’archives », Annales d’histoire économique et sociale, 14-4, 1932, p. 189, à propos de l’ouvrage de Pierre Piétresson de Saint-Aubin, Les archives de l’Aube, 1790-1927, Troyes, A. Albert, 1930.

2 Leopold vonRanke, Geschichten der romanischen und germanischen Völker von 1494 bis 1535, t. 1, Leipzig, Reimer, 1824, p. v-vi.

3 Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898, p. 253 : « L’histoire dispose d’un stock de documents limité ; les progrès de la science historique sont limités par là même. Quand tous les documents seront connus et auront subi les opérations qui les rendent utilisables, l’œuvre de l’érudition sera terminée. »

4 Eric Ketelaar, « The Difference Best Postponed ? Cultures and Comparative Archival Science », Archivaria, 44, 1997, p. 142-148, ici p. 143 : « Il y a bien plus de termes dans la terminologie professionnelle des archives, lesquels ne sont compréhensibles dans une autre langue que si l’on en connaît et que l’on en comprend pleinement le contexte professionnel, culturel, légal, historique et parfois politique. ‘Evidential value’, ‘inventory’, ‘estray’ – voici des termes pour lesquels une simple traduction dans un dictionnaire ne suffit pas. Ils ne peuvent être compris que si leur cadre conceptuel est expliqué – dans une encyclopédie mieux que dans un dictionnaire, comme le présumait Jenkinson – et rendu intelligible » (traduction de l’auteur). Voir aussi Michel Duchein, « Les archives dans la Tour de Babel. Problèmes de terminologie archivistique internationale », La gazette des archives, 129, 1985, p. 103-113.

5 Cette œuvre de Jacques Derrida, qui est d’abord une conférence au colloque « Memory: The Question of Archives » (Londres, musée Freud, juin 1994), a été publiée originellement en français : Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995. Elle est cependant infiniment plus connue, lue et utilisée dans sa version anglaise donnée par la traduction d’Eric Prenowitz : Jacques Derrida, « Archive Fever », Diacritics, 25-2, 1995, p. 9-63. Voir aussi Jacques Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale sul ‘discorso’ dell’archivio », no spécial « Società post-coloniali : ritorno alle fonti », Quaderni storici, 43-3, 2008, p. 675-690, ici p. 677-679.

6 À titre d’exemple, voir Carolyn Steedman, « The Space of Memory: In an Archive », History of the Human Sciences, 11-4, 1998, p. 95-83. Cet article a fait l’objet d’une nouvelle publication : Id., « ‘Something She Called a Fever’: Michelet, Derrida, and Dust (or, in the Archives with Michelet and Derrida) », in F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2007, p. 4-19 ; voir aussi Éric Méchoulan (dir.), no spécial « Archiver/Archiving », Intermédialités, 18, 2011, p. 9-182. Le mouvement n’est cependant pas uniforme et cette influence a suscité des réactions plus nuancées chez certains archivistes : Brien Brothman, « The Limits of Limits: Derridean Deconstruction and the Archival Institution », Archivaria, 36, 1993, p. 205-220 ; Terry Cook, « Archival Science and Postmodernism: New Formulations for Old Concepts », Archival Science, 1, 2001, p. 3-24 ; Id., « Fashionable Nonsense or Professional Rebirth: Postmodernism and the Practice of Archives », Archivaria, 51, 2001, p. 14-35 ; Tom Nesmith, « Reopening Archives: Bringing New Contextualities into Archival Theory and Practice », Archivaria, 60, 2005, p. 259-274.

7 On citera par exemple Martin Diskins, « The Peasant Family Archive: Sources for an Ethnohistory of the Present », Ethnohistory, 26-3, 1979, p. 209-229. Voir aussi Nicholas B. Dirks, « Annals of the Archive: Ethnographic Notes on the Sources of History », in B. K. Axel (dir.), From the Margins: Historical Anthropology and its Futures, Durham, Duke University Press, 2002, p. 47-65 ; Ann Laura Stoler, « Colonial Archives and the Arts of Governance », Archival Science, 2, 2002, p. 87-109, ici p. 92.

8 Eric Ketelaar, « Archival Turns and Returns: Studies of the Archive », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, Clayton, Monash University Publishing, 2017, p. 228-268 ; F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Documentation and Institutions of Social Memory…, op. cit., témoigne des répercussions de l’archival turn.

9 On ne reviendra pas ici sur la question des tournants en histoire évoqués dans cette revue il y a quelques années : David Armitage et Jo Guldi, « Le retour de la longue durée. Une perspective anglo-américaine », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 289-318, ici p. 289-292. Un numéro y fut également consacré dans la revue américaine Ahr Forum : no spécial « Historiographic ‘Turns’ in Critical Perspective », The American Historical Review, 117-3, 2012, p. 698-813.

10 Pour une synthèse, voir par exemple Rafael Condey Delgadode Molina, Reyes y archivos en la Corona de Aragón. Siete siglos de reglamentación y praxis archivística (siglos xii-xix), Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2008. Parmi une multitude d’hommages, on citera à titre indicatif Philippe Béchu, « Un feudiste et ses clients à la veille de la Révolution », in Plaisir d’archives. Recueil de travaux offerts à Danièle Neirinck, Mayenne, Éd. régionales de l’Ouest, 1997, p. 191-234. Pour ce qui est des colloques, voir le cas de Lucio Lume (dir.), Archivi e archivistica a Roma dopo l’Unità. Genesi storica, ordinamenti, interrelazion (Atti del convegno 12-14 marzio 1990), Rome, Ufficio centrale per i beni archivistici, 1994. Quant aux célébrations, voir, à l’occasion du quatrième centenaire du règlement de Philippe II pour les Archives de Simancas, José Luis Rodríguezde Diego, Instrucción para el gobierno del Archivo de Simancas (año 1588). Estudio, Madrid, Dirección général de bellas artes y archivos, 1988. Sur la célébration d’un bicentenaire immobilier, voir Claire Béchu, Les Archives nationales : des lieux pour l’histoire de France. Bicentenaire d’une installation, 1808-2008, Paris, Somogy/Archives nationales, 2008. Pour une bibliographie française désormais un peu ancienne, voir Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire du Moyen Âge au xixe siècle. Une bibliographie », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 183-195.

11 On citera ici un classique publié dans une revue professionnelle internationale, émanation du Conseil international des archives : Robert-Henri Bautier, « La phase cruciale de l’histoire des archives. La constitution des dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique, xvie-début xixe siècle », Archivum, 18, 1968, p. 139-150.

12 Wilfried Reininghaus, « Archivgeschichte : Umrisse einer untergründigen Subdisziplin », Der Archivar, 61, 2008, p. 352-360. Dans un autre état d’esprit et pour un autre contexte historique et national, Yves Pérotin, « Les archivistes et le mépris », La gazette des archives, 68-1, 1970, p. 7-23.

13 Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868, ici p. 855 sq.

14 Ces deux derniers champs historiographiques viennent aussi à s’unir : J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 681 sq.

15 Depuis une dizaine d’années, on relève ainsi Joanna Sassoon et Toby Burrows (dir.), no spécial « Minority Reports: Indigenous and Community Voices in Archives. Papers from the 4th International Conference on the History of Records and Archives (Perth, Western Australia, August 2008) », Archival Science, 9-1/2, 2009 ; Patricia Whatley et Caroline Brown (dir.), no spécial « The Philosophy of the Archive », Archival Science, 9-3/4, 2009 ; Randolph C. Head (dir.), no spécial « Archival Knowledge Cultures in Europe 1400-1900 », Archival Science, 10-3, 2010 ; David A. Wallace (dir.), no spécial « Archives and the Ethics of Memory Construction », Archival Science, 11-1/2, 2011 ; Andrew Flinn et Elizabeth Shepherd (dir.), no spécial « Archives, Records, Identities: Question of Trust », Archival Science, 11-2/4, 2011 ; Sue McKemmishet al. (dir.), no spécial « Keeping Cultures Alive: Archives and Indigenous Human Rights », Archival Science, 12-2, 2012 ; Gillian Oliver et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Genre Studies in Archives », Archival Science, 12-4, 2012 ; Caroline Brownet al. (dir.), no spécial « Memory, Identity and the Archival Paradigm », Archival Science, 13-2/3, 2013 ; Michelle Caswell (dir.), no spécial « Archives and Human Rights », Archival Science, 14-3/4, 2014 ; Milena Dobreva et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Digital Curation », Archival Science, 15-2, 2015 ; Andrew Flinn et Ben Alexander (dir.), no spécial « Archiving Activism and Activist Archiving », Archival Science, 15-4, 2015 ; Anne J. Gilliland et Marika Clifor (dir.), no spécial « Affect and the Archive, Archives and their Affects », Archival Science, 16-1, 2016.

16 Jason Lustig, « Epistemologies of the Archives: Toward a Critique of Archival Reason », Archival Science, 20-1, 2020, p. 65-89.

17 M. Diskin, « The Peasant Family Archive… », art. cit. ; Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Oxford, Princeton University Press, 2009.

18 A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit. ; Frank Upward, « Structuring the Records Continuum – Part One: Post Custodial Principles and Properties », Archives and Manuscripts, 24-2, 1996, p. 268-285 ; Viviane Frings-Hessami, « La perspective du Continuum des archives illustré par l’exemple d’un document personnel », Revue électronique suisse de science de l’information, 19, 2018, http://www.ressi.ch/num19/article_149.

19 Hilary Jenkinson, A Manual of Archive Administration Including the Problems of War Archives and Archive Making, Oxford, Clarendon Press, [1922] 1965. Paru une première fois en 1922, révisé en 1937 et 1965, cet ouvrage a exercé une forte influence dans le monde anglo-saxon des archives.

20 Institut d’histoire du temps présent, Problèmes de méthode en histoire orale. Table ronde du 20 juin 1980, Paris, Ihtp, 1981 ; Danièle Voldman (dir.), La bouche de la vérité ? La recherche historique et les sources orales, Paris, Cnrs, 1992 ; Florence Descamps, L’historien, l’archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001 ; voir aussi le numéro spécial « Les archives orales : bilan, enjeux et perspectives », La gazette des archives, 211-3, 2008.

21 Terry Cook, « The Concept of the Archival Fonds in the Post-Custodial Era: Theory, Problems and Solutions », Archivaria, 35, 1992, p. 34-37 ; Id., « Electronic Records, Paper Minds: The Revolution in Information Management and Archives in the Post-Custodial and Post-Modernist Era », Archives and Social Studies, 1, 2007, p. 399-443.

22 Anne J. Gilliland, « Archival and Recordkeeping Traditions in the Multiverse and their Importance for Researching Situations and Situating Research », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit., p. 31-73, ici p. 68.

23 Ibid., ici p. 48, fig. 1-1 ; Michelle Caswell, « Teaching to Dismantle White Supremacy in Archives », The Library Quarterly, 87-3, 2017, p. 222-235.

24 Natalie ZemonDavis, Fiction in the Archives: Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth-Century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 ; Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Éd. du Seuil, 1989.

25 Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998.

26 Voir à cet égard le discours tenu par Pierre Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ix esiècle à la fin du xii esiècle, Rome, École française de Rome, 1973, pour ne citer qu’un exposé exemplaire en la matière.

27 Carlo Borghero, « Historischer Pyrrhonismus, Erudition und Kritik », Das Achtzehnte Jahrhundert, 31-2, 2007, p. 164-178 ; Markus Völkel, « Wie beglaubt man den eigenen Glauben ? Fallgeschichten aus dem Bereich der social epistemology », in C. Spoerhase, D. Werle et M. Wild (dir.), Unsicheres Wissen. Skeptizismus und Wahrscheinlichkeit, 1550-1850, Berlin, De Gruyter, 2009, p. 217-244.

28 Mark Mersiowsky, « ‘Ausweitung der Diskurszone’ um 1700. Der Angriff des Barthélémy Germon auf die Diplomatik Jean Mabillons », in T. Wallniget al. (dir.), Europäische Geschichtskulturen um 1700 zwischen Gelehrsamkeit, Politik und Konfession, Berlin, De Gruyter, 2012, p. 447-484.

29 Chantal Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, Puf, 1993.

30 Maria Pia Donato, L’archivio del mondo. Quando Napoleone confiscò la storia, Bari, Laterza, 2019, p. 109-111.

31 François Simiand, « Méthode historique et science sociale » [1903], Annales ESC, 15-1, 1960, p. 83-119.

32 François Simiand n’évoque pas les archives et n’emploie qu’une fois le mot « source » (ibid., ici p. 92) ; il préfère user du terme « matériau » ou « matière ».

33 Étienne Anheim, « Les lumières des étoiles lointaines. Réflexivité et sciences de l’homme au début du xxie siècle », in Actes du premier congrès du réseau national des Msh, Caen, décembre 2012, Caen, Réseau national des Msh, 2015, p. 75-82.

34 Voir le compte rendu précieux d’une rencontre symptomatique des prétentions et des attentes à cet égard rédigé par Christian Hottin, « ‘L’archivistique est-elle une science ?’ Réactions aux journées d’études organisées par l’École des chartes et l’Association des archivistes français à la Sorbonne (salle Louis-Liard) les 30 et 31 janvier 2003 », Labyrinthe, 16, 2003, p. 99-105.

35 Yann Potin et Julien Théry, « L’histoire médiévale et la ‘nouvelle érudition’. L’exemple de la diplomatique », Labyrinthe, 4, 1999, p. 35-39.

36 Andrea Cavazzini, « L’archive, la trace, le symptôme. Remarques sur la lecture des archives », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, p. 1-14, ici p. 5.

37 Joseph Morsel (dir.), no spécial « L’historien et ses sources », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-362 ; Étienne Anheim et Olivier Poncet (dir.), no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-195.

38 Le volume fondateur pourrait être, sur ce plan, l’édition des actes d’un colloque de 1989 : Hagen Keller, Klaus Grubmüller et Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, Fink, 1992.

39 Ludolf Kuchenbuch, « Sources ou documents ? Contribution à l’histoire d’une évidence méthodologique », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 287-315.

40 Joseph Morsel, « Les sources sont-elles ‘le pain de l’historien’ ? », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-286.

41 Ernest Renan, L’avenir de la science. Pensées de 1848, Paris, Calmann Lévy, 1890, p. xiv : « Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes […] car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. »

42 Françoise Bercé, « La circulaire sur les fouilles du 13 mars 1838 (ministère de l’Intérieur) », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques. Moyen Âge, Renaissance, temps modernes, 31-32, 2005, p. 189-193 ; Anne Lehoërff, « Pratiques archéologiques et administration du patrimoine archéologique en Italie, 1875-1895. L’exemple des anciens territoires villanoviens », Mélanges de l’École française de Rome. Italie-Méditerranée, 111, 1999, p. 73-147, ici p. 116-124.

43 Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England, 1066-1307, Oxford, Blackwell, [1979] 2013 ; Paolo Cammarosano, Italia medievale. Struttura e geografia delle fonti scritte, Rome, La nuova Italia scientifica, 1991.

44 Voir par exemple Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires. Actes de la table ronde à Paris les 5-7 décembre 1991, Paris, École des chartes, 1993 ; Adam J. Kosto et Anders Winroth (dir.), Charters, Cartularies and Archives: The Preservation and Transmission of Documents in the Medieval West: Proceedings of a Colloquium of the Commission internationale de diplomatique (Princeton and New York, 16-18 septembre 1999), Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2002 ; Patrice Beck, Archéologie d’un document d’archives. Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543), Paris, École des chartes, 2006 ; Elena Cantarell Barella et Mireia Comas Via (dir.), La escritura della memoria : los registros, Barcelone, Promociones y publicaciones universitarias, 2011 ; Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier, xii e-xiv esiècle. Essai d’histoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013 ; Marie Dejoux, Les enquêtes de Saint Louis. Gouverner et sauver son âme, Paris, Puf, 2014.

45 Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire, entre royaume de France et empire (1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.

46 Philippe Contamine et Laurent Vissière (dir.), Les chartriers seigneuriaux. Défendre ses droits, construire sa mémoire, xiii e-xxi esiècle, Paris, Société de l’histoire de France, 2010 ; Valérie Theis, « Le monde de la Chambre apostolique (xie-xive siècle). Ordonner les archives, penser l’espace, construire l’institution », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Versailles Saint-Quentin, 2016. Pour une mise en perspective récente, voir Harmony Dewez (dir.), no spécial « Du nouveau en archives. Pratiques documentaires et innovations administratives (xiiie-xve siècle) », Médiévales, 76, 2019.

47 Harmony Dewez, « Réflexions sur les écritures pragmatiques », in L’écriture pragmatique. Un concept d’histoire médiévale à l’échelle européenne, Paris, Lamop, 2012, p. 20-35, https://lamop.univ-paris1.fr/fileadmin/lamop/publications/Cahiers_Histoire_Textuelle/CEHTL_5__2012_/Harmony_Dewez.pdf.re.

48 R.-H. Bautier, « La phase cruciale… », art. cit. ; Charles Braibant, Le « grenier de l’histoire » et l’arsenal de l’administration. Introduction aux cours des stages d’archives de l’Hôtel de Rohan, Paris, Imprimerie nationale, 1957. C’est aussi tout l’intérêt de la récente synthèse de Randolph Head que de rapporter et de comparer, dans un espace de temps unique, la mise en ordre des archives dans différents pouvoirs publics européens du xve au xviie siècle : Randolph C. Head, Making Archives in Early Modern Europe : Proof, Information, and Political Record-keeping (1400-1700), Cambridge, Cambridge University Press, 2019.

49 Bruno Delmas et Christine Nougaret (dir.), Archives et nations dans l’Europe du xix esiècle. Actes du colloque organisé par l’École nationale des chartes (Paris, 27-28 avril 2001), Paris, École des chartes, 2004 ; Irene Cotta et Rosalia Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo. Alle radici dell’identità culturale europea. Atti del convegno internazionale di studi nei 150 anni dall’istituzione dell’Archivio Centrale, poi Archivio di Stato, (Firenze, 4-7 dicembre 2002), Rome, Direzione generale per gli archivi, 2 vol., 2006. Pour une échelle locale, voir Attilio Bartoli Langeli, Andrea Giorgi et Stefano Moscadelli (dir.), Archivi e comunità tra medioevo ed età moderna, Rome, Direzione generale per gli archivi, 2009.

50 Ségolène Demougin (dir.), La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome antique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994.

51 Marie Lezowski, « Sur le papier comme dans la rue. Les sbires de l’archevêque de Milan et l’efficacité de la compilation après Trente », in A. Fossier, J. Petitjean et C. Revest (dir.), Écritures grises. Les instruments de travail des administrations (xii e-xvii esiècle), Paris/Rome, École des chartes/École française de Rome, 2019, p. 597-613 ; Id., « Le droit des archevêques Borromée et l’expérience notoire. Comment fonder l’usage sur un acte de foi ? », ThéoRèmes, 12, 2018 ; Marie Lezowski et Benedetta Borello, « Conflitti di precedenza, uso degli archivi e storiografia locale alla fine del Cinquecento (Pavia, 1592) », no spécial « Scritture di storia », Quaderni storici, 45-1, 2010, p. 7-39.

52 V. Theis, « Le monde de la Chambre apostolique… », op. cit.

53 Alain Tallon, L’Europe au xvie siècle. États et relations internationales, Paris, Puf, 2010, p. 175-178.

54 Arndt Brendecke, Imperium und Empirie. Funktionen des Wissens in der spanischen Kolonialherrschaft, Cologne, Böhlau, 2009. Il existe une édition anglaise revue et raccourcie : Id., The Empirical Empire: Spanish Colonial Rule and the Politics of Knowledge, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2018 ; Maria Pia Donato (dir.), no spécial « Early Modern Archives », Journal of Early Modern History, 22-5, 2018 ; Diego NavarroBonilla, La memoria escrita de la monarquía hispánica. Felipe II y Simancas, Valladolid, Ediciones universidad de Valladolid, 2018. Notons que les historiens contemporanéistes ont abordé la question de manière plus précoce : Thomas Richards, The Imperial Archive: Knowledge and the Fantasy of Empire, Londres, Verso, 1993 ; Bernard S. Cohn, Colonialism and its Forms of Knowledge: The British in India, Princeton, Princeton University Press, 1996. De manière générale, voir Tony Ballantyne, « Rereading the Nation-State: Colonial Knowledge in South Asia (and Beyond) », in A. Burton (dir.), After the Imperial Turn : Thinking with and through the Nation, Durham, Duke University Press, 2003, p. 102-121.

55 Isabella Lazzarini, « La nomination des officiers dans les États italiens du bas Moyen Âge (Milan, Florence, Venise). Pour une histoire documentaire des institutions », Bibliothèque de l’École des chartes, 159-2, 2002, p. 389-412 ; Olivier Poncet, « Les traces documentaires des nominations d’officiers pontificaux (fin xiiie-xviie siècle) », in A. Jamme et O. Poncet (dir.), Offices et papauté (xiv e-xvii esiècle). Charges, hommes, destins, Rome, École française de Rome, 2005, p. 93-123 ; Isabelle Lazzarini, « Records, Politics and Diplomacy: Secretaries and Chanceries in Renaissance Italy (1350-c. 1520) », in P. M. Dover (dir.), Secretaries and Statecraft in the Early Modern World, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2016, p. 16-36 ; Filippo DeVivo, « Archives of Speech: Recording Diplomatic Negotiation in Late Medieval and Early Modern Italy », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 519-544 ; Id., « Archival Intelligence: Diplomatic Correspondence, Information Overload, and Information Management in Italy, 1450-1650 », in L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 53-85.

56 Olivier Poncet, « Entre patrimoine privé, érudition et État. Les vicissitudes des papiers des ministres de la monarchie française (xive-xviie siècle) », in M. L.Rosa (dir.), Recovered Voices, Newfounds Questions: Family Archives and Historical Research, Coimbra, Universidade de Coimbra, 2019, p. 35-51.

57 Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), Paris, La Découverte, 2008.

58 Stéphane Péquignot et Yann Potin (dir.), Les conflits d’archives. France, Espagne, Méditerranée, Rennes, Pur, à paraître.

59 Sonia Combe, Archives interdites. Les peurs françaises face à l’histoire contemporaine, Paris, Albin Michel, 1994. L’ouvrage a bénéficié d’une nouvelle édition : Id., Archives interdites. L’histoire confisquée, Paris, La Découverte, 2001.

60 Voir les réflexions sur le tournant documentaire des anthropologues et ses liens potentiels avec les attentes des historiens dans Étienne Anheim, « L’historien au pays des merveilles ? Histoire et anthropologie au début du xxie siècle », L’Homme, 203-204, 2012, p. 399-427.

61 Filippo DeVivo, Maria Pia Donato et Philipp Müller (dir.), no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, divisé en deux sections : « Scholarly Practices in the Archives, 1500-1800 », p. 15-84 et « Archives and History: Making Historical Knowledge in Europe During the Nineteenth Century », p. 85-184.

62 Olivier Poncet, « Au-delà de la preuve. La dramatisation des archives comme discours politique, social et savant (France, xvie-xviie siècle) », in S. Péquignot et Y. Potin (dir.), Les conflits d’archives…, op. cit.

63 Olivier Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes des rois de France (xiiie-début xive siècle) », Archiv für Diplomatik, 42, 1996, p. 295-373 ; Randolph C. Head, « Knowing Like a State: The Transformation of Political Knowledge in Swiss Archives, 1450-1770 », The Journal of Modern History, 75-4, 2003, p. 745-782 ; Filippo DeVivo, Information and Communication in Venice: Rethinking Early Modern Politics, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Id., Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milan, Feltrinelli, 2012 ; Id., « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 697-728 ; L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World…, op. cit.

64 Jacob Soll, The Information Master: Jean-Baptiste Colbert’s Secret State Intelligence System, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2009 ; Emmanuelle Chapron, « The ‘Supplement to all Archives’: The Bibliothèque Royale of Paris in the Eighteenth-Century », no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, p. 53-68.

65 John C. Rule et Ben S. Trotter, A World of Paper: Louis XIV, Colbert de Torcy and the Rise of the Information State, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014.

66 Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime. Jacob-Nicolas Moreau (1717-1803), Paris, A.-G. Nizet, 1979 ; Blandine Hervouët, Jacob-Nicolas Moreau, le dernier des légistes. Une défense de la constitution monarchique au siècle des Lumières, Paris, Lgdj-Lextenso, 2009 ; Hermann H. Schwedt, « Das Archiv der römischen Inquisition und des Index », Römische Quartalschrift, 93, 1998, p. 267-280.

67 Sur le monde savant de la première époque moderne, voir Anthony Grafton et Lisa Jardine, From Humanism to the Humanities: Education and the Liberal Arts in Fifteenth and Sixteenth Century Europe, Londres, Duckworth, 1986 ; Anthony Grafton, Forgers and Critics: Creativity and Duplicity in Western Scholarship, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Id., Worlds Made by Words: Scholarship and Community in the Modern West, Cambridge, Harvard University Press, 2009 ; Ann M. Blair, Too Much to Know: Managing Scholarly Information Before the Modern Age, New Haven, Yale University Press, 2010. Sur la fin du Moyen Âge, voir Donald R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship: Language, Law and History in the French Renaissance, New York, Colombia University Press, 1970 ; Anthony Musson, « Law and Text: Legal Authority and Judicial Accessibility in the Late Middle Ages », in J. Crick et A. Walsham (dir.), The Uses of Script and Print, 1300-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 95-115.

68 Donald R. Kelley, « Jean Du Tillet, Archivist and Antiquary », The Journal of Modern History, 38-4, 1966, p. 337-354 ; Elizabeth A. R. Brown, « Jean Du Tillet, François Ier and the Trésor des Chartes », in Histoires d’archives. Recueil d’articles offert à Lucie Favier par ses collègues et amis, Paris, Société des amis des Archives de France, 1997, p. 237-247 ; Olivier Poncet et Isabelle Storez-Brancourt (dir.), Une histoire de la mémoire judiciaire de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque (12-14 mars 2008), Paris, École des chartes, 2009 ; Randolph C. Head, « Documents, Archives and Proof Around 1700 », The Historical Journal, 56-4, 2013, p. 909-930.

69 Markus Friedrich, Die Geburt des Archivs. Eine Wissensgeschichte, Berlin, De Gruyter, 2013. L’ouvrage a été traduit en anglais : Id., The Birth of the Archive: A History of Knowledge, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.

70 Orietta Filippini, Memoria della Chiesa, memoria dello Stato. Carlo Cartari (1614-1697) e l’Archivio di Castel Sant’Angelo, Bologne, Il Mulino, 2010 ; Markus Friedrich, « Les feudistes, experts des archives au xviiie siècle. Recherche des documents, généalogie et savoir-faire archivistique dans la France rurale », Bibliothèque de l’École des chartes, 171, 2013, p. 465-515 ; Maria Guercioet al. (dir.), Disciplinare la memoria. Strumenti e pratiche nella cultura scritta (secoli xvi-xviii). Atti del convegno internazionale (Bologna,13-15 marzo 2013), Bologne, Patròn editore, 2014 ; Filippo DeVivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Archivi e archivisti in Italia tra medioevo ed età moderna, Rome, Viella, 2015 ; Markus Friedrich, « Being an Archivist in Enlightened France: The Case of Pierre-Camille Le Moine (1723-1800) », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 568-589. On réservera un sort spécial à l’exemplaire recensement de témoignages sur toutes les facettes d’un métier, de lieux, de meubles et d’outils intellectuels effectué dans Filippo DeVivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Fonti per la storia degli archivi degli antichi Stati italiani, Rome, Direzione generale archivi, 2016.

71 L’ouvrage de Liesbeth Corens, Kate Peters et Alexandra Walsham (dir.), The Social History of the Archive: Record-Keeping in Early Modern Europe, Oxford, Oxford University Press, 2016 est très révélateur de cette extension de la lutte archivistique.

72 M. L. Rosa (dir.), Arquivos de família…, op. cit. ; Maria de Lurdes Rosa et Randolph C. Head (dir.), Rethinking the Archive in Pre-Modern Europe: Family Archives and their Inventories from the 15th to the 19th Century, Lisbonne, Iem, 2015. Pour un exemple de ce type de recherches, Rita Sampaio daNóvoa, « O Arquivo Gama Lobo Salema e a produção, gestão e usos dos arquivos de família nobre nos séculos xv-xvi », thèse de doctorat, Université nouvelle de Lisbonne/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016.

73 Olivier Rouchon (dir.), L’opération généalogique. Cultures et pratiques européennes, xv-xviii esiècle, Rennes, Pur, 2014 ; Stéphane Jettot et Marie Lezowski (dir.), L’entreprise généalogique. Pratiques sociales et imaginaires en Europe (xv e-xix esiècle), Bruxelles, Peter Lang, 2016 ; Volker Bauer, Jost Eickmeyer et Markus Friedrich (dir.), Genealogical Knowledge in the Making: Tools, Practices, and Evidence in Early Modern Europe, Berlin, De Gruyter, 2019 ; Robert Descimon et Élie Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne, xvi e-xviii esiècle, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; François Weil, Family Trees: A History of Genealogy in America, Cambridge, Harvard University Press, 2013.

74 La diversité des portes d’entrée retenues par les chercheurs est importante. Plusieurs programmes ERC (European Research Concil) prennent ainsi les archives pour sujet direct ou indirect, comme AR.C.H.I.ves (histoire comparée des archives dans l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne), dirigé par Filippo De Vivo (2012-2016), Open Jerusalem (histoire connectée de la citoyenneté de Jérusalem de 1840 à 1940), dirigé par Vincent Lemire (2014-2019) ou récemment VINCULUM (histoire de la transmission de la mémoire familiale par des institutions de perpétuité en Europe du xive au xviie siècle), dirigé par Maria de Lurdes Rosa (2019-2024). À d’autres niveaux, on relèvera encore le programme ARCHIFAM (histoire des archives de famille dans la péninsule Ibérique du xiiie au xve siècle), promu par la Casa de Velázquez (2013-2015) ou le projet Temas (Thésaurus des sources d’archives modernes), promu par les Archives de l’État en Belgique et l’université de Louvain (à partir de 2019).

75 On voudra bien pardonner ici le jeu de mots volontaire de l’intertitre, auquel l’auteur de l’article n’a pu résister, à propos du terme « grain » en écho à l’ouvrage stimulant d’A. L. Stoler, Along the Archival Grain…, op. cit., dont la traduction française serait « dans le sens de la fibre (ou texture) archivistique », en référence à l’idiomatisme anglais against the grain, « à contre-courant ». L’autrice elle-même ne récuse pas du reste la polysémie du terme – qui comprend aussi les acceptions de « grain de blé » ou « grain de sable » – dans un échange avec des collègues francophones : Béatrice Fraenkel, Bertrand Müller et Yann Potin, « Suivre les archives dans le sens du ‘grain’. Entretien avec Ann Laura Stoler », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 169-174.

76 Joseph Morsel, « Quand l’historien masque que la norme fabrique le crime… Le cas du registre de l’officialité de Cerisy en 1314-1315 », Genèses, 110-1, 2018, p. 55-78.

77 Yann Potin, « Institutions et pratiques d’archives face à la ‘numérisation’. Expériences et malentendus », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 58-4/5, 2011, p. 57-69. Pour un point de vue de chercheurs qui ont pleinement conscience des effets de la numérisation de leurs propres archives d’enquêtes effectuées pour les besoins de leur recherche, voir Anne Both et Sarah Cadorel, « Pour en finir avec l’original ? Des effets du numérique sur les archives scientifiques : le cas de beQuali », in J.-F. Bert et M. J. Ratcliff (dir.), Frontières d’archives. Recherches, mémoires, savoirs, Paris, Éd. des archives contemporaines, 2015, p. 157-164.

78 Les rares exceptions concernent des classiques comme le Trésor des chartes : Yann Potin, « La mise en archives du Trésor des chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007 ; les papiers de Guillaume de Nogaret : Sébastien Nadiras, « Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir », thèse de l’École des chartes, 2003 ; la communication des archives contemporaines en France : Marie Ranquet, « L’accès aux archives publiques en France. Le droit et la pratique vus par les archivistes depuis 1979 », thèse de doctorat, École des chartes, 2016, ou en Chine : Yujue Wang, « Archives, pouvoir et société : la communication et la valorisation des archives en Chine et en France dans la deuxième moitié du xxe siècle », thèse de doctorat, École des chartes, 2014.

79 Damien Hamard, « Des paléographes aux archivistes. L’Association des archivistes français au cœur des réseaux professionnels (1970-2010) », thèse de doctorat, université d’Angers, 2015, à paraître en 2020 aux Pur.

80 Sur la définition de ce champ, voir Maria de Lurdes Rosa, « Reconstruindo a produção, documentalização e conservação da informação organizacional pré-moderna. Perspetivas teóricas e proposta de percurso de investigação », Boletim do Arquivo da Universidade de Coimbra, 30, 2017, p. 547-586, ici p. 550-551.

81 Étienne Anheim et Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-14.

82 Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966.

83 Olivier Poncet, « Le corrispondenze reali e governative della prima epoca moderna in Francia (secoli XV-XIX). Archiviare, trasmettere e pubblicare », in A. Giorgi et K. Occhi (dir.), Carteggi fra basso medioevo ed età moderna. Pratiche di redazione, trasmissione e conservazione, Bologne, Il Mulino, 2018, p. 323-349 ; Id., « Entre patrimoine privé, érudition et État…», art. cit.

84 Selon l’expression d’Agnès Bos, « Les archives des fabriques parisiennes à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne », Bibliothèque de l’École des chartes, 156, 1998, p. 369-405, ici p. 378, qui parle de « démon méthodique des Lumières ».

85 Il semble explicitement justifié par la circulaire fondatrice du ministre de l’Intérieur en date du 20 janvier 1854, où il est question d’« inventaires » et de « sommaires », mais pas d’inventaires sommaires : Lois, instructions et règlements relatifs aux archives départementales, communales et hospitalières, Paris, H. Champion, 1884, p. 55-57. La distinction, maintenue dans certains titres d’instruments de recherche imprimés, a souvent été omise par la suite.

86 Christine Nougaret et Bruno Galland, Les instruments de recherche dans les archives, Paris, Direction des archives de France/Documentation française, 1999, p. 29.

87 Carlo Laroche, no spécial « Que signifie le respect des fonds ? Esquisse d’une archivistique structurale », La gazette des archives, 73, 1971.

88 Denise Ogilvie, « De Daunou à Natalis de Wailly : le cadre de classement à l’épreuve du principe du respect des fonds », in M. Aubry, I. Chave et V. Doom (dir.), Archives, archivistes et archivistique dans l’Europe du Nord-Ouest de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque de Roubaix (2-4 décembre 2004), Villeneuve d’Ascq, Irhis-Ceges, 2006, p. 293-301.

89 Elio Lodolini, « Respect des fonds et principe de provenance. Histoire, théories, pratiques », La gazette des archives, 168, 1995, p. 201-212.

90 À titre d’exemple, voir la leçon donnée par une archiviste : Antonietta Quarta, I nessi slegati e l’ombra dell’archivio. Analisi strutturale dell’Archivio postunitario del comune di Firenze fra il 1865 e il 1876, Padoue, Libreria universitaria, 2015. Sur l’héritage critique des positions de Jenkinson dans le monde actuel des archives, voir Paige Hohmann, « On Impartiality and Interrelatedness: Reactions to Jenkinsonian Appraisal in the Twentieth Century », The American Archivist, 79-1, 2016, p. 14-25. Voir aussi, sur l’application contemporaine à des fonds d’archives anciennes de préceptes formulés par le premier manuel d’archivistique moderne (Samuel Muller, Johan Adriaan Feith et Robert Thomas Fruin, Handleiding voor het ordenen en breschrijven van archieven. Ontworpen in opdracht van de Vereeniging van Archivarissen in Nederland, Groningue, V. der Kamp, 1898), Donna Holmes, « Passive Keepers or Active Shapers: A Comparative Case Study of Four Archival Practitioners at the End of the Nineteenth Century », Archival Science, 6-3/4, 2006, p. 285-298.

91 Yves Pérotin, « L’administration et les trois âges des archives », Seine et Paris, 20, 1961, p. 1-4 ; Id., « Le grenier de l’Histoire et les récoltes excédentaires », La gazette des archives, 50-1, 1965, p. 131-143.

92 Le mot n’est pas ici à entendre comme le soutenait Elio Lodolini, « The Wars of Independence of Archivists », Archivaria, 28, 1989, p. 36-47, qui visait plus nettement la compétition entre archives, bibliothèques et centres de documentation.

93 La polémique sur les archives numériques est née de l’importation, dans un cadre théorique de pensée archivistique mais à destination des décideurs politiques, d’une terminologie d’origine canadienne, forgée pour insister d’abord sur la conservation nécessaire : Christine Nougaret, Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives publiques à l’ère numérique. Rapport à Madame Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, mars 1997, https://francearchives.fr/file/b0d6555950508ab637adb10ece33d381644d6d37/2017_03_24_RAPPORT_DEFINITIF_NOUGARET.compressed.pdf. La lecture sémantique qui a été faite de cette réflexion épistémologique l’assimilait abusivement à un blanc-seing donné à une politique massive d’éliminations. Voir, parmi d’autres points de vue, Marie-Anne Chabin, « Embrouille », http://www.marieannechabin.fr/2017/12/embrouille/ ; « Politique des archives publiques : ‘Les femmes ordinaires seront les premières sacrifiées’ », Le Monde, 8 mars 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/08/politique-des-archives-publiques-les-femmes-ordinaires-seront-les-premieres-sacrifiees_5267739_3232.html. À la suite d’une rencontre entre les Archives nationales, les signataires et d’autres historiens, il a été annoncé que les fiches individuelles de déclaration d’ivg ne seraient pas détruites.

94 Alain Blum et Martine Mespoulet, L’anarchie bureaucratique. Pouvoir et statistique sous Staline, Paris, La Découverte, 2003.

95 On citera ici l’ouvrage de Tim Cook, Clio’s Warriors: Canadian Historians and the Writing of the World Wars, Vancouver, University of British Columbia Press, 2006, qui met en lumière le rôle de la constitution des archives dans la construction d’une histoire militaire canadienne et, partant, d’un discours tautologique sur la question. De telles déformations sont certainement notables dans plus d’une histoire militaire nationale, tant les archives de guerre restent souvent étroitement soumises à l’autorité militaire. On notera au passage que Tim Cook a d’abord été archiviste avant de devenir un chercheur en histoire militaire.

96 Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives, New York, Oxford University Press, 2011. On verra l’un des rares comptes rendus parus en France : Sophie Coeuré, « Autorité de l’histoire, autorité de l’archive », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 175-177.

97 F. X. Blouin, et W. G. Rosenberg, Processing the Past…, op. cit., p. 212.

98 Voir le compte rendu de Rodney G. S. Carter, « Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives »,Archivaria, 74, 2012, p. 222-226.

99 D’aucuns parmi les archival scientists s’aventurent même à parler de « tournant historique ». Voir, entre autres, Tom Nesmith, « What’s History Got to Do with it ? Reconsidering the Place of Historical Knowledge in Archival Work », Archivaria, 57, 2004, p. 1-27 ; Barbara L. Craig, « The Past May Be the Prologue: History’s Place in the Future of the Information Professions », Libraries & the Cultural Record, 46-2, 2011, p. 206-219.

100 Françoise Banat-Berger et Christine Nougaret, « Faut-il garder le terme archives ? Des ‘archives’ aux ‘données’ », no spécial « Les archives, aujourd’hui et demain », La gazette des archives, 233-1, 2014, p. 7-18, ici p. 16.

101 Pour reprendre le titre de F. X. Blouin et W. R. Rosenberg, « Can History and Archives Reconnect: Bridging the Archival Divide », Processing the Past…, op. cit., p. 207 sq. Des spécialistes revendiqués d’archival studies dans les départements des sciences de l’information déclarent souffrir d’un manque de reconnaissance : « Les chercheurs en études archivistiques et les archivistes professionnels sont plus que volontaires pour rencontrer les chercheurs en sciences humaines à mi-distance, mais il y faut une volonté de s’engager et des règles pour le respect dans l’échange interdisciplinaire qui actuellement font défaut » (Michelle Caswell, « ‘The Archive’ Is Not an Archives: On Acknowledging the Intellectual Contributions of Archival Studies », Reconstruction. Studies in Contemporary Culture, 16-1, 2016, https://escholarship.org/uc/item/7bn4v1fk).

102 Terry Cook, « The Archive(s) is a Foreign Country : Historians, Archivists and the Changing Archival Landscape », The Canadian Historical Review, 90-3, 2009, p. 497-534.

103 Michel Melot, « Des archives considérées comme substance hallucinogène », Traverses, 36, 1986, p. 14-19.

104 J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 675.

105 La définition « normalisée » (Afnor) du « document d’archives » est ainsi libellée : « Écrit ou enregistrement qui par lui-même ou par son support a une valeur probatoire ou informative. Singulier du mot archives » dans Bruno Delmas (dir.), Dictionnaire des archives. De l’archivage aux systèmes d’information, français-anglais-allemand, Paris, Afnor, 1991, p. 86.

106 Christine Nougaret, « Les archives privées, éléments du patrimoine national ? Des séquestres révolutionnaires aux entrées par voies extraordinaires. Un siècle d’hésitation », in I. Cotta et R. Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo…, vol. 2, op. cit., p. 737-750, ici p. 743-744.

107 Marc Aymes, « La domestication du faux », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, 2016.

108 Eric Ketelaar, « Muniments and Monuments: The Dawn of Archives as Cultural Patrimony », Archival Science, 7-4, 2007, p. 343-357 ; Sylvie Mouysset, Papiers de famille. Introduction à l’étude des livres de raison, France, xv e-xix esiècle, Rennes, Pur, 2007 ; Patrice Marcilloux, Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi, Rennes, Pur, 2013.

109 Eric Ketelaar, Archiving People: A Social History of Dutch archives, La Haye, Stichting Archiefpublicaties, 2020, http://familiearchieven.nl/archiving-people_eric-ketelaar_2020_webversion.pdf.

110 Tamer El-Leithy, « Living Documents, Dying Archives: Towards a Historical Anthropology of Medieval Arabic Archives », Al Qantara, 32-2, 2011, p. 389-434.

111 L. Kuchenbuch, « Sources ou documents ?… », art. cit., ici p. 306.

112 Anthony Grafton, Die tragischen Ursprünge der deutschen Fussnote, Berlin, Berlin-Verlag, 1995. La traduction anglaise est la suivante : Id., The Footnote: A Curious History, Londres, Faber and Faber, 1997.

113 Pour reprendre le titre de Yann Potin, « La mise en archives du trésor de chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007, résumée dans Positions de thèses soutenues par les élèves de la promotion de 2007 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, École des chartes, 2007, p. 173-182.

114 Le terme vaut pour les archives comme pour les éditions de textes que l’on peut en tirer : voir Bertrand Müller, « Des archives en mutation et du vertige de l’historien. Remarques historiographiques », Études et sources, 2001, p. 49-63 ; Olivier Poncet, « Les vertiges de l’historien moderniste. Éditer en contexte de prospérité archivistique (xve-xixe siècle) », in O. Canteaut et R. Große (dir.), Pourquoi éditer des textes médiévaux au xxi esiècle ? 8 erencontre de la Gallia Pontificia (Paris, 17 mai 2013), http://www.perspectivia.net/publikationen/discussions/9-2014/poncet_vertiges.

115 Étienne Anheim, Le travail de l’histoire, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2018, p. 105-126.

116 Karim Boukhris, « Les ‘biais’ contenus dans les archives judiciaires. Le cas de la principauté et canton de Neuchâtel (Suisse), 1806-1876 », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, http://journals.openedition.org/acrh/1517.

117 Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, trad. par M. Aymard et al., Lagrasse, Verdier, [1989] 2010.

118 Bruno Galland, « La participation de l’archiviste à la recherche historique : un rôle à redéfinir ? », La gazette des archives, 204-4, 2006, p. 211-232.

119 Enrico Castelli Gattinara, « Vérités, histoires, réalités », no spécial « L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences sociales », Espace Temps, 84-86, 2004, p. 193-214.

120 Les parallèles entre la démarche historique et les sciences de laboratoire ne manquent pourtant pas. Alors que l’on sait que les objets gardent en mémoire la trace des opérations qui ont amené à leur fabrication (Anne Lehoërff, « Le métal archéologique du côté du laboratoire. Mythes et réalités d’un matériau », in S. Boulud-Gazo et T. Nicolas (dir.), Artisanats et productions à l’Âge du bronze. Actes de la journée de la Société préhistorique française (Nantes, 8 octobre 2011), Dijon/Paris, Association pour la promotion des recherches sur l’âge du Bronze/Société préhistorique française, 2015, p. 97-108), les chercheurs prennent aujourd’hui davantage en considération des matériaux physico-chimiques impurs, également envisagés comme des enregistreurs d’évolutions à travers le temps. Voir ainsi les réflexions communes à un historien et à des scientifiques spécialistes de matériaux anciens ou du vieillissement des matériaux contemporains dans Étienne Anheim, Mathieu Thoury et Loïc Bertrand, « Micro-imagerie de matériaux anciens complexes (I) », Revue de synthèse, 136, 2015, p. 329-354.

121 J. Morsel, « Traces ? Quelles traces ?… », art. cit., ici p. 851.