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Idéologie révolutionnaire et mentalité antisémite : les socialistes russes face aux pogroms de 1881-1883

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Claudio Sergio Ingerflom*
Affiliation:
Paris

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Le 1er mars 1881, les efforts obstinés de la principale organisation révolutionnaire, la Volonté du Peuple (Narodnqja Volja), atteignent leur but avec l'assassinat d'Alexandre II. Le succès de l'opération place la Volonté du Peuple au sommet de sa popularité. Les plus hauts dignitaires du régime, à commencer par le nouveau tsar, sont désorientés. Hormis les conservateurs monarchistes comme Katkov, les sentiments de l'ensemble de l'intelligentsia et des secteurs qui gravitent autour d'elle vont de l'enthousiasme à l'admiration. Le mystérieux « Comité exécutif de la Volonté du Peuple » semble être tout-puissant. Quant à la masse des paysans, ouvriers, artisans, petits commerçants, les témoignages sont unanimes : c'est une commotion générale. De l'avis des contemporains, le 1er mars est, sinon le détonateur des pogroms, du moins l'événement catalyseur de l'émotion populaire. La presse tsariste commence, dès le lendemain de l'attentat, à dénoncer par des insinuations la participation des Juifs à l'opération.

Summary

Summary

This article examines the reaction of revolutionary circles to pogroms. Gentile revolutionaries expressed two types of attitudes toward the Jews. The prevailing popular Russian view—the Jew as “Yid”, parasite, and exploiter—became very widespread in socialist circles. A minority regarded the Jews as a differentiated community that reproduced the Russian class structure. Revolutionary organizations responded to the anti-Semitic campaign in one of three different ways : first, by expressing all-out support, including even incitement to pogroms ; second, by attempting to “use” a popular movement and channel it toward other targets—the authorities and the propertied classes in generai—but without condemning anti-Semitic violence -, third, by rejecting racism and pogroms. Jewish militants took the national question into account only to the extent that their personal experience shook their ideological faith. But although Jewish revolutionary leaders conceded their helplessness, rank and file militants resisted with in their organizations, or banded together in self-defense committees in the streets. This episode had a deep impact on the socialist movement in Russia.

Type
Le Monde Contemporain
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1982

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References

Notes

2. Publiée par l'Union Ouvrière Russe du Sud, elle fut rééditée dans Materialy dlja istorii antievrejckikh pogromov v Rossii, Moscou-Petrograd, 1923, t. II, p. 225. Cf. Moshe Mishkinsky. « L'Union Ouvrière Russe du Sud et le pogrom de Kiev de 1881 », dans Shvut, n° 1, Université de Tel Aviv, 1973.

3. Materialy…, op. cit., pp. 414-417.

4. Cf. Kantor, R., « Aleksandr III o pogromakh 1881-1883 », dans Evrejckaja Letopis', t. I, Petrograd, 1923, p. 153.Google Scholar

5. Revoljucionnœ narodnicestvo, Moscou, 1965, t. II, p. 327, souligné par l'auteur.

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9. Nous citons la presse de la Volonté du Peuple d'après sa réimpression dans Literatura partit « Narodnoj Voli », Paris, 1905, et celle du Partage noir d'après l'édition de Nevskij, V. L, « Cernyj Peredel », orgun socialistov-federalistov, 1880-1881 g., Moscou-Petrograd, 1923.Google Scholar

8. Tkacev, P. N., Socinenija, Moscou, 1976, t. II, p. 320 Google Scholar>, la dernière phrase est soulignée par nous.

10. Cité par Sapir, Boris, « Liberman et le socialisme russe », International Review of Social History, n° 3, 1938, p. 35.Google Scholar

11. Valk, S. N., « G. G. Romanenko », dans Katorga i Ssylka, Moscou, 1928, t. I.Google Scholar

12. B. Sapir, « Liberman… », art. cit., p. 41.

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14. Moshe Mishkinsky, « L'Union Ouvrière… », op. cit.

15. Franco|Venturi, Les intellectuels, le peuple et la révolution. Paris, Gallimard. 1972, t. II, p. I 113.Google Scholar

16. « Rappelons au lecteur que la Grande Révolution française a commencé, elle aussi, par des pogroms contre les Juifs », Prilozenie k Listku, n° L « Dans ce soulèvement populaire contre les youpins… on sent tous les symptômes de la Révolution Sociale qui commence », P. N. Tkacev, Nabat, n° L

17. Le Comité exécutif aurait Été mis devant un fait accompll Cf. Ja. Stefanovic”. Dnevnik Karijca, p. 59. Dans le Comité, siégeaient alors au maximum 12 personnes, les 4 restants Étaient en mission. Parmi les premiers, trois Étaient des auteurs d'articles antisémites : Lebedev, Zebunev et Romanenko. Trois autres, Tikhomirov, Sergeeva et Osanina prirent position en faveur des pogroms. Sur ce point cf. Korba, A. P., Narodnaja Volja, Moscou, 1926, p. 197.Google Scholar Piekhanov, G., Socinenija, Moscou-Leningrad, 1927, t. XXIV, p. 157.Google Scholar Dejc, L., « O sblizenii i razryve s narodovolcami », Proletarskaja Revoljucija, 1923, n° 8 (20), p. 34.Google Scholar Idem, « Vo imja neliceprijatnoj istiny », Veslnik Literaturv, 1920, n° 7(19), p. 12. G. Krasnyj-Admoni, « Literatura podpolja i pogromy », Veslnik Literatury, 1920, n05 2 (14), 3 (15), 4-5 (16-17).

18. Cf. Krasnye Vekhi, 1925, fasc. I, pp. 15 et 31. Le texte fut envoyé aux paysans sachant lire.

19. Juzno-russkie…, p. 249.

20. Russkie sovremenniki…, p. 202.

21. En juin 1881, Zerno, n° 3 condamne les pogroms. Le même mois, même attitude dans une proclamation, cf. Mishkinsky, M., « A Manifesta of a Russian Organization against the Pogroms of 1881 », dans Studies in the History ofthe Jewish People and the Land of Israël, vol. 4, University of Haifa, 1978.Google Scholar En septembre 1881, Cernyj Peredel, n° 4 manifestait sa sympathie pour les pogroms, condamnés à nouveau en novembre de la même année dans le n° 6 de Zerno.

22. Revoljucionno e…, p. 330.

23. Idem, p. 338.

24. Idem, p. 339.

25. L. Dejc, « O sblizenii… », p. 10.

26. Gruppa « Osvobozdenie Truda », sous la dir. L. Dejc. Moscou-Leningrad, 1924-1928, t. 3, p. 172.

27. Malerialy po istorii russkugo revoljucionnogo dvizenija. Iz Arkhiva Akselroda, Berlin, 1924, t. IL Les citations suivantes d'Axelrod proviennent de ce texte.

28. Gruppa…, p. 153.

29. Cité par B. Sapir, « Liberman et… », p. 35.

30. Gruppa…, t. I, p. 360.

31. Dubnov, S., Novejsaja Istorija Evrejskogo Naroda, Berlin, 1923, t. III, p. 137.Google Scholar

32. Malerialy po…, p. 30.

33. Idem, p. 31. Souligné par l'auteur.

34. Entre 1876 et le début de 1877, Dejc, Stefanovic et Bochanovskij purent prganiser à Cigirin, dans la campagne ukrainienne, environ un millier de paysans en milices destinées à diriger un vaste soulèvement paysan. Ils s'appuyaient sur une fausse charte impériale « secrète », que Dejc et Stefanovic avaient imprimée à Kiev.

35. Dejc, L., Roi evreev v russkom revoljucionnom dvizenii, Moscou-Leningrad, 1926, pp. 209 210.Google Scholar

36. Malerialy dlija istorii antievrejckikh…, p. 65. Il est probable que le frère de M. Grec soit Beniamin Grec, dirigeant d'un cercle d'ouvriers révolutionnaires, en majorité juifs, fondé par lui en 1880. Ils se préparaient à la lutte armée. Quelques ouvriers russes firent partie du cercle depuis le printemps 1881. On sait que le cercle a tenu deux réunions, le 26 avril et le 3 mai, où B. Grec fit approuver un statut rédigé par lul Cf. Rabotée dvizenii v Rossii v XIX veke, t. 2, II, pp. 505-506.

37. R. Kantor, « Aleksandr III… », art. cit., p. 153.

38. Iskra, n° 39, 1er mai 1903. Souligné par l'auteur.

1. Voir « Survivances de la tripartition fonctionnelle en Grèce », Revue d'Histoire des Religions (R.H.R.), CLXVI, 1964, pp. 36-38.