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Migrations, souveraineté, droits sociaux: Protéger et expulser les étrangers en Europe du XIXe siècle à nos jours

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Paul-André Rosental*
Affiliation:
Sciences Po/INED

Résumé

La fin du XIXe siècle marque moins l’apparition d’une gestion étatique de la migration que son changement de régime. La « protection du travail national » par le développement de l’identification et des barrières aux frontières vient se substituer à une régulation ex postfondée sur l’utilitarisme et la subsidiarité (sauf à bénéficier d’une protection sociale communale, les étrangers tombant dans l’indigence étaient menacés d’expulsion). À l’avènement de cette xénophobie institutionnelle, les réformateurs sociaux, bientôt relayés par le Bureau international du Travail, opposent la signature de traités bilatéraux et de conventions internationales rapprochant les droits sociaux des migrants – chômage, retraite, contrat de travail, etc. – de ceux des nationaux. Tout en ayant permis le développement des assurances sociales et de l’État-providence, ces engagements transnationaux interrogent l’exercice de la souveraineté étatique, selon des modalités perpétuées de nos jours par le recours au traité de Gotha de 1851 pour administrer les flux de réfugiés.

Abstract

Abstract

The late nineteenth century in Europe saw less the apparition of state management of migrations than a change of system. The “protection of national labor” through identification techniques and border control came to replace the older regime of ex post facto regulation based on the notions of usefulness and subsidiarity (foreigners could be expelled if destitute and ineligible for local welfare). In reaction to this new institutional xenophobia, social reformers, soon helped by the International Labour Office, pushed for bilateral treaties and international conventions guaranteeing migrants similar rights (for unemployment, old-age pensions, labour protections, and so on) as nationals. These transnational negotiations helped the emergence of the welfare state; they also put in a new perspective the practice of state sovereignty in an area where the Treaty of Gotha of 1851 is still regularly invoked to manage refugee flows.

Type
Migrations
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2011

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14- Voir la riche analyse critique de Michelet, Karine, Les droits sociaux des étrangers, Paris, L’Harmattan, 2002.Google Scholar Parmi les obstacles opposes a l’assimilation juridique des etrangers aux nationaux figure l’ambiguite de certains traites internationaux qui parlent d’« origine nationale » plutot que de « nationalite », permettant de limiter aux naturalises l’egalisation des statuts. L’architecture edifiee par les conventions de l’Organisation internationale du travail, dont il sera beaucoup question dans cet article, evite deliberement ce biais.

15- Math, Antoine et Alexis SPIRE, « Des emplois reserves aux nationaux ? Dispositions legales et discriminations dans l’acces a l’emploi», Informations sociales, 78, 1999, p. 5057 Google Scholar et, pour une mise a jour par les memes auteurs, « Emplois fermes : une ouverture timide », Plein droit, 80, 2009 : http://www.gisti.org/spip.php?article1406.

16- Voir la synthese de Neuville, Francois, Le statut juridique du travailleur étranger en France au regard des assurances sociales, de l’assistance et de la prévoyance sociale, Paris, L. Chauny et L. Quinsac, 1931.Google Scholar

17- L’argument est rappele dans Les étrangers et les Assurances sociales. Guide d’application pratique à l’usage des employeurs de main-d’oeuvre étrangère, Paris, Societe generale d’immigration et Comite central des assurances sociales, 1930, p. 7.Google Scholar

18- Par contraste, voir Pierre Lascoumes, et Le Gales, Patrick (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.Google Scholar

19- Cette lacune est pointee par Frank Caestecker, «The transformation of nineteenthcentury West European expulsion policy, 1880-1914 », inA. Fahrmeir, O. Faron et P.Weil (dir.), Migration control in the North Atlantic world…, op. cit., p. 120-137, ici p. 121. La question est en revanche bien etudiee pour les annees 1930 : Philippe Rygiel (dir.), Le bon grain et l’ivraie. La sélection des migrants en Occident, 1880-1939, La Courneuve, Aux Lieux d’Etre, [2004] 2006.

20- D. Feldman, « Was the nineteenth century a golden age… », art. cit.

21- Fahrmeir, Andreas, Citizens and aliens: Foreigners and the law in Britain and the German States, 1789-1870, New York, Berghahn Books, 2000.Google Scholar On doit preciser qu’apres plusieurs annees d’installation, ces migrants interallemands perdent leur nationalite d’origine au profit de celle de l’Etat de residence, disposition dont l’auteur etudie les modalites et les effets pervers.

22- Pour prendre quelques exemples, de 1836 a 1850 la Baviere expulse 6 000 a 12 000 vagabonds etrangers par an : Fahrmeir, A., Citizens and aliens…, op. cit., p. 191.Google Scholar L’Angleterre renvoie 29 000 Irlandais – qui, il est vrai, sont plus des migrants coloniaux que des etrangers – de 1845 a 1849, et 50 000 rien que par Liverpool et Londres dans les cinq annees suivantes, en pleine famine de la pomme de terre : D. Feldman, « Was the nineteenth century a golden age… », art. cit., p. 170. De 1877 a 1879, plus de 9 500 etrangers sont eloignes de Belgique : Louis-Joseph-Delphin Feraud-Giraud, , Droit d’expulsion des étrangers. VIIIe commission de l’Institut de droit international : contribution à l’étude de la question, Aix-en-Provence, A. Makaire, 1889, p. 28 sq.Google Scholar

23- Sur l’argument du cout du controle de la migration, voir K. M. N. Carpenter, « ‘Beggars appear everywhere!’ Changing approaches to migration control in midnineteenth century Munich », inA. Fahrmeir, O.FARON et P. WEIL (dir.), Migration control in the North Atlantic world…, op. cit., p. 92-105. Sur le mode de gestion d’un Etat pauvre, voir l’analyse plus generale de Reinhart Koselleck, « La desagregation de la ‘maison’ comme entite de domination. Quelques remarques sur l’evolution du droit reglementant maison, famille et domesticite en Prusse entre la Revolution francaise et 1848 », inC. Delacroix, F. DOSSE et P. GARCIA (dir.), Historicités, Paris, La Decouverte, 2009, p. 85-104.

24- Feraud-Giraud, L.-J.-D., Droit d’expulsion des étrangers…, op. cit., p. 58 sq.Google Scholar

25- A compter de la fin du XVIIe siecle, les villes des Provinces-Unies ont formalise ce role du cercle des proches en exigeant des immigrants des « lettres de garantie » (acte van indemniteitou acte van cautie). Voir Marco Van Leeuwen, H. D., « Migrants’ entitlements to poor relief in the Netherlands, XVIth-XXth centuries», communication au colloque Migrants, entitlements and welfare, 1500-2000: Comparative perspectives, Bruxelles, 6-7 septembre 2010.Google Scholar

26- Van Overbergh, Cyrille, L’assistance aux étrangers : la solution internationale, Bruxelles, A. Dewit, 1912, p. 196 sq.Google Scholar

27- Un peu moins de 3 000 expulsions par an sont enregistrees en moyenne de 1876 a 1880 selon L.-J.-D. FERAUD-GIRAUD, Droit d’expulsion des étrangers…, op. cit., p. 28, pour une population immigrante d’un million environ au total. Joseph-Andre DARUT, De l’expulsion des étrangers : principe général, application en France, Aix-en-Provence, Impr. B. Niel, 1902, donne une idee des profils des expulses a partir d’une serie de cas selectionnee selon son proposmais neanmoins precieuse etant donne le desinteret de l’historiographie pour la question. Le juriste insiste sur la severite et l’arbitraire des sentences prononcees a l’encontre des etrangers (« les exemples abondent d’arretes d’expulsion pris a l’encontre d’etrangers qui n’etaient dangereux a aucun point de vue et qu’un moment d’oubli de leur part a condamnes a vivre eloignes de la France, ou le plus souvent se trouvent leur famille et leurs interets », p. 160 sq.).

28- Sur l’echec du projet revolutionnaire de nationaliser l’assistance et sur l’heterogeneite qui en resulte, voir Rosanvallon, Pierre, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Ed. du Seuil, 1990, p. 139 sq.Google Scholar

29- Voir Eveille, , L’assistance aux étrangers en France, Paris, Impr. Jouve et Boyer, 1899.Google Scholar L’auteur denombre, pour l’annee 1896, 55 209 etrangers secourus par les bureaux de bienfaisance contre 1 476 571 Francais (p. 64), chiffre qui permet d’affirmer que la proportion des etrangers aides est superieure a celle des nationaux, mais pas de mesurer s’ils se heurtent ou non a des taux de refus differents de ceux des indigents francais.

30- Pour une etude de la transition, posterieure, d’un regime a l’autre, voir dans le cas francais Francoise de Barros, « Secours aux chomeurs et assistances durant l’entredeux- guerres. Etatisation des dispositifs et structuration des espaces politiques locaux », Politix, 53, 2001, p. 117-144 ; et Frouard, Helene, Du coron au HLM. Patronat et logement social, 1894-1953, Rennes, PUR, 2008.Google Scholar

31- Majone, Giandomenico, La Communauté européenne : un État régulateur, Paris, Monchrestien, 1996.Google Scholar

32- Comme introduction a un long debat historiographique sur sa portee et ses effets, voir l’article seminal de James Stephen TAYLOR, « The impact of pauper settlement 1691-1834 », Past&Present, 73, 1976, p. 42-74 ; et Keith SNELL, « Pauper settlement and the right to poor relief in England and Wales », Continuity and Change, 6-3, 1991, p. 375- 415. Pour une perspective comparative, voir Leo LUCASSEN, « Eternal vagrants? State formation,migration, and travelling groups inWestern Europe, 1350-1914 », inJ.LUCASSEN et L. LUCASSEN (dir.), Migration, migration history, history…, op. cit., p. 225-251.

33- Rygiel, Philippe, « Indesirables et migrants desires. Notes sur les pratiques de selection des migrants dans quelques grands pays d’immigration (1850-1939)», Le bon grain et l’ivraie…, op. cit., p. 2135.Google Scholar

34- Il est ainsi etabli que la France du second apres-guerre avait, par l’ordonnance du 2 novembre 1945 prohibant la selection nationale aux frontieres, cree des migrants reguliers mais indesirables (les Nord-Africains) et des migrants irreguliers desirables, Italiens puis Portugais. Voir Patrick WEIL, « Racisme et discrimination dans la politique francaise de l’immigration, 1938-1945/1974-1995 », Vingtième Siècle, 47, 1995, p. 77-102 ; Alexis SPIRE, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France, 1945-1975, Paris, Grasset, 2005 ; Victor PEREIRA, « Une migration favorisee. Les representations et pratiques etatiques vis-a-vis de la migration portugaise en France (1945-1974) », inM.-C. Blanc-Chaleard, S. Dufoix et P. Weil (dir.), L’étranger en questions du Moyen Âge à l’an 2000, Paris, Le Manuscrit, 2005, p. 285-323.

35- Weindling, Paul, « Migration, race et genocide : l’emergence d’un nouveau discours sur les droits de l’homme», in Gonzalez-Bernaldo, P., Martini, M. et Peluskaplan, M.-L. (dir.), Étrangers et sociétés : représentations, coexistences, interactions dans la longue durée, Rennes, PUR, 2008, p. 265270 Google Scholar

36- Tchernoff, Iouda, Du nouveau rôle de l’assistance internationale et le droit de séjour des étrangers, Paris, Chevalier-Marescq, 1899 Google Scholar (tire a part de la Revue du droit public et de la Science politique en France et à l’étranger, 1899). Sur le milieu de reference de l’auteur, voir Dzovinar Kevonian « Les juristes juifs russes en France et l’action internationale dans les annees vingt », Archives Juives, 34-2, 2001, p. 72-94.

37- Pour une presentation synthetique, voir Chabanel, P., Le Congrès international d’assistance de Paris en 1889, Paris, Berger-Levrault, 1891 Google Scholar (tire a part de la Revue générale d’administration) et, vingt ans plus tard, Samama, Nissim, Société internationale pour l’étude des questions d’assistance. Le problème de l’assistance aux étrangers d’après les derniers congrès internationaux, Paris, Masson, 1911.Google Scholar

38- Centre des archives diplomatiques de Nantes (CADN), 579PO/1/392 : la citation est extraite d’un courrier du 7 fevrier 1902 de l’ambassade de France a Rome au ministre des Affaires etrangeres.

39- Archives de l’Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti (IVSLA), Venise, fonds Luigi Luzzatti, 153/1. Apres avoir ete charge en 1872 par le ministre des Finances, Quintino Sella, de negocier les tarifs douaniers avec « le president Thiers », Luzzatti participera pendant plus de quarante ans a toutes les negociations commerciales italiennes, dont une succession de traites de commerce avec la France.

40- Contrepartie explicite du traite, cette creation institutionnelle s’insere elle-meme dans le cadre des reformes sociales du gouvernement Giolitti. Pour une presentation, voir Bartocci, Enzo, Le politiche sociali nell’Italia liberale, 1861-1919, Rome, Donzelli, 1999.Google Scholar

41- Sur son importance a la fois pour la politique interieure et exterieure des deux pays et pour l’expansion du droit et des organismes internationaux dans le domaine social, voir Herren, Madeleine, Internationale Sozialpolitik vor dem Ersten Weltkrieg. Die Anfänge europäischer Kooperation aus der Sicht Frankreichs, Berlin, Duncker & Humblot, 1993, p. 140145.Google Scholar

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43- T. Rodgers, Daniel, Atlantic crossings: Social politics in a progressive age, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1998.Google Scholar Le terme de nebuleuse renvoie bien sur a Topalov, Christian (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1800-1914, Paris, Ed. de l’EHESS, 1999.Google Scholar

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45- Pour un point recent sur la question voir Zaugg, Roberto, « Mercanti stranieri e giudici napoletani. La gestione dei conflitti in antico regime», Quaderni Storici, 45-1, 2010, p. 139170.Google Scholar

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47- Sur le detail de ces negociations, voir CADN, Ambassade de France a Rome, 579PO/ 1/392, et IVSLA, fonds Luigi Luzzatti, 157/1, ainsi que la correspondance, carton 37, fasc. « Fontaine Arthur » : lettres d’Arthur Fontaine respectivement a Luzzatti (1er avril 1904) et a l’ambassadeur Camille Barrere (24 et 27 novembre 1904).

48- Sur les attendus et les effets de cette conference, voir Rosental, P.-A., « Geopolitique et Etat-providence…», art. cit. Une presentation de ses decisions est disponible en francais dans Conférence internationale de Berlin en vue d’établir une législation sur le travail des enfants et des femmes, Paris, Imprimerie nationale, 1891.Google Scholar

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50- En 1904, l’un des arguments utilises par les reformateurs francais pour soumettre a leur gouvernement le projet d’accord franco-italien est de creer une voie juridique « latine » a la resolution juridique de la migration internationale, jusque-la dominee par le droit allemand. Cette competition de modele donnait a l’epoque une grande impor- tance politique a la Suisse, capable de jouer entre les deux modeles.

51- «L’accomplissement et l’amelioration des oeuvres de pitie sont une branche de cette vie sociale dont le domaine n’est pas exclusivement national, mais ne peut atteindre sa plenitude que s’il est question de l’humanite entiere » (p. 3).

52- « Ce simple fait que les peuples comprennent desormais ces secours apportes aux indigents etrangers dans les necessites d’une assistance efficace, est une des plus grandes conquetes contemporaines de l’idee humanitaire » (p. 4).

53- « L’assistance est a la fois humaine, c’est-a-dire internationale, lorsqu’on n’en considere que la base normale, et nationalelorsqu’il s’agit de la realisation immediate et de la collaboration de tous les citoyens » (p. 4).

54- Sur cet entrelacs, voir Blais, Marie-Claude, La solidarité. Histoire d’une idée, Paris, Gallimard, 2007.Google Scholar

55- Pour reprendre l’expression de Gerard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Gallimard, 2001, p. 445.Google Scholar

56- Tel Lucien Baudelot (1869-1954), qui termine sa carriere a la fois comme representant de l’Ordre des avocats au Conseil superieur de la magistrature et comme president de l’assistance judiciaire. Je remercie Christian Baudelot pour les precisions biographiques qu’il m’a fournies a son propos.

57- « N’avons-nous pas admis les etrangers, comme nos nationaux, au benefice de l’assistance judiciaire ? En cas d’accidents du travail, n’ont-ils pas droit aux garanties de la loi du 9 avril 1898 ? Allons-nous maintenant, en nous donnant un dementi a nousmemes, exclure le proletariat etranger qui veut prendre sa part de notre civilisation et de notre lumiere ; lui dirons-nous sous l’empire d’une sorte de chauvinisme cynique : ‘Ote-toi de notre soleil !’ » (Chambre des deputes, 26 novembre 1903, no 1322).

58- Charliac, G., De l’assistance des étrangers indigents…, op. cit., p. 30.Google Scholar L’ensemble de ce paragraphe est issu des analyses de l’auteur.

59- Pour reprendre l’expression du juriste Charles-Henri Verge (1810-1890), cite par Koskenniemi, Martti, The gentle civilizer of nations: The rise and fall of international law, 1870-1960, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.27.Google Scholar

60- CADN, 579PO/1/392 : lettre du ministre du Travail et de la Prevoyance sociale, Rene Viviani, au ministre des Affaires etrangeres, Stephen Pichon, 21 juin 1909.

61- Ibid., rapport du 11 septembre 1919.

62- Arendt, Hannah, « Le declin de l’Etat-nation et la fin des droits de l’homme », Les origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, [1951] 2002, p. 576 et 593,Google Scholar a reserve ses sarcasmes aux « efforts des idealistes bien intentionnes, qui s’entetent a considerer comme ‘inalienables’ ces droits humains dont ne jouissent que les citoyens des pays les plus prosperes et les plus civilises ». Au premier rang des « personnalites marginales » raillees par la philosophe figurent precisement, aux cotes des « philanthropes professionnels », les « juristes du droit international sans experience politique ».

63- Sur l’analyse de la generalisation (juridique et extra-juridique) par les sciences sociales, voir Passeron, Jean-Claude et Revel, Jacques (dir.), Penser par cas, Paris, Ed. de l’EHESS, 2005;Google Scholar ainsi que « Formes de la generalisation », no special des Annales HSS, 62-1, 2007.

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65- Outre Christoph RASS, « Bilaterale Wanderungsvertrage und die Entwicklung eines internationalen Arbeitsmarktes in Europa, 1919-1974 », Geschichte und Gesellschaft, 35-1, 2009, p. 98-134, et P.-A. ROSENTAL, « Geopolitique et Etat-providence… », art. cit., pour la question des migrations, voir Christoph CONRAD (dir.), « Sozialpolitik transnational », Geschichte und Gesellschaft, 32-4, 2006 ; Kenneth BERTRAM et Sandrine KOTT (dir.), « Actions sociales transnationales », Genèses, 71, 2008 ; Aiqun HU et Patrick MANNING, « The global social insurance movement since the 1880s », Journal of Global History, 5-1, 2010, p. 125-148.

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68- Voir de ce point de vue, en matiere migratoire, l’exemplaire ouvrage de Manchuelle, Francois, Les diasporas des travailleurs soninké (1848-1960). Migrants volontaires. Paris, Karthala, 2004.Google Scholar

69- Green, Nancy et Weil, Francois (dir.), Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ, Paris, Ed. de l’EHESS, 2006.Google Scholar

70- Le depouillement et la traduction des plaintes ont ete effectues a Prague par Emanuela Mackova.

71- Archives du ministere des Affaires etrangeres, Republique de Tchecoslovaquie, Prague, Consulat de Lyon, correspondance du 19 decembre 1920.

72- Archives du ministere des Affaires etrangeres, Republique de Tchecoslovaquie, Prague, Ve section (administrative), partie 6, carton 456.

73- Il est plus aise en effet d’observer des logiques de chaines et de filieres que d’objectiver la concurrence sur des niches economiques qui se traduit souvent par la disparition des flux « perdants ». Voir toutefois Mormino, Gary, « ‘We worked hard and took care of our own’: Oral history and Italians in Tampa», Labor History, 23-3, 1982, p. 395 415;CrossRefGoogle Scholar Maitte, Corinne, « Cooperation et concurrence entre verriers migrants a l’epoque moderne », inP. Gonzalez-Bernaldo, , Martini, M. et Pelus-Kaplan, M.-L. (dir.), Étrangers et sociétés…, op. cit., p.317335;Google Scholar Laurence FONTAINE, « Montagnes et migrations de travail. Un essai de comparaison globale (XVe-XXe siecles) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, 2005, p. 26-48. Pour une formalisation, voir Stouffer, Samuel A., « Intervening opportunities and competing migrants», Journal of Regional Science, 2-1, 1960, p. 126.Google Scholar

74- CADN, Ambassade de France a Prague, 545PO/1/10, lettre du ministre des Affaires etrangeres a l’ambassadeur, 15 juillet 1919 : « Il y aurait interet a entamer des pourparlers avec le gouvernement tchecoslovaque en l’informant que des projets de traites de travail sont a l’etude entre le Gouvernement francais et differents pays etrangers. »

75- Le contrat de travail « n’est plus une simple variante sans grand interet du louage en general, mais un contrat d’une grande importance sociale ayant sur le plan juridique une individualite propre vis-a-vis de tout autre type de contrat. C’est lui qui fait vivre la majorite des hommes dans tous les pays du monde […]. Les nombreux traites internationaux conclus sous l’inspiration du Bureau International du Travail y ont beaucoup contribue », resume Kronheim, Kurt, Les conflits de lois en matière de contrat de travail. Étude de jurisprudence comparée, Paris, Librairie technique et economique, 1938, p. 6.Google Scholar

76- Les travailleurs migrants. Recrutement, placement et conditions de travail, Geneve, BIT, 1936, p. 183 : « Le contrat-type de travail, cheville ouvriere du recrutement, s’integre dans le systeme meme du traite bilateral et prend, lui aussi, la valeur d’un engagement international. » Permettant de completer des traites enoncant des principes durables « par des textes precis mais plus facilement remaniables et adaptes aux circonstances […], il constitue en quelque sorte la partie mobile du traite ».

77- Aux Etats-Unis, au contraire, les syndicats ont une pietre estime du contrat de travail, apanage selon eux des travailleurs migrants non qualifies. Catherine COLLOMP, « Labour unions and the nationalisation of immigration restriction in the United States, 1880-1924 », in Fahrmeir, A., Faron, O. et Weil, P. (dir.), Migration control in the North Atlantic world…, op. cit., p. 237252.Google Scholar

78- Les travailleurs migrants…, op. cit., p. 180. Les syndicats europeens entreprennent meme de s’organiser sectoriellement afin d’obtenir une regulation transnationale du marche du travail, a l’image en 1923 de la Conference internationale des travailleurs du batiment de France, Allemagne, Italie, Tchecoslovaquie, Hongrie, Belgique. Elle fonde un Bureau international de la main-d’oeuvre etrangere en France qui entreprend le « recrutement syndical de toute main-d’oeuvre des autres nationalites necessaires » et s’efforce de lui assurer « le maximum de garanties et de securite possible concernant les salaires, les accidents du travail, l’hygiene, etc. » sous le controle de l’internationale du batiment (id., p. 216-217).

79- Pour une formulation explicite de ces enjeux, W. Oualid, « Pour une politique internationale des migrations… », art. cit., p. 16-21. L’analyse est transposable aux populations les plus vulnerables si l’on observe, dans la France du XIXe siecle, la diffusion des contrats ecrits d’apprentissage ou de travail dans le milieu agricole ou artisanal viale placement par l’Etat des enfants trouves et pupilles de l’assistance publique. Voir Ivan JABLONKA, « Agrarisme et Etat-providence. Le travail des enfants abandonnes sous la Troisieme Republique », Le Mouvement Social, 209, 2004, p. 9-24 ; et Id., Les enfants de la République. L’intégration des jeunes de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010. Des dynamiques similaires, mais mises en oeuvre par des associations, ont ete etudiees dans le cas des migrations de jeunes travailleuses par Caroline DOUKI, « Entre discipline manufacturiere, controle sexue et protection des femmes : recrutement, encadrement et protection des jeunes migrantes italiennes vers les usines textiles europeennes (France, Suisse, Allemagne) au debut du XXe siecle », Migrations Société, 127, 2010, p. 89-120. De nos jours, l’echo le plus spectaculaire de ces processus est sans doute le role des migrants interieurs ruraux, exclus de la pleine citoyennete sociale, dans la mise en oeuvre effective du droit social dans la Chine contemporaine : Isabelle THIREAU et Linshan HUA, « Jugements de legitimite et d’illegitimite : la vie normative dans les nouveaux lieux de travail en Chine », Revue française de sociologie, 46-3, 2005, p. 529- 558 ; Chloe FROISSART, « The rise of migrant workers’ collective action: Toward a new social contract in China », inG. GUIHEUX et K. E. KUAH-PEARCE (dir.), Social movement in China and Hong Kong: The expansion of protest space, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2009, p. 155-178.

80- Archives nationales (AN), F10 2748, lettre du ministre de l’Agriculture, Henri Queuille, aux prefets, 23 mars 1934.

81- Collomp, Catherine, « Immigrants, labor markets, and the state, a comparative approach: France and the United States, 1880-1930», The Journal of American History, 86-1, 1999, p. 41-66, ici p. 62 et 66.Google Scholar

82- Neuville, F., Le statut juridique du travailleur étranger…, op. cit., p. 106 Google Scholar sq.

83- Archives du ministere des Affaires etrangeres, Republique de Tchecoslovaquie, Prague, Ve section (administrative), partie 6, carton 486. Comme le deplore Karel Hanus, « referent social » du ministere aupres des emigres tchecoslovaques en France, lors d’une reunion du 16 mars 1937 au ministere de l’Agriculture a Prague, la retenue salariale imposee aux ouvriers saisonniers n’a « aucun interet car ils n’ont droit a l’assurance sociale qu’apres six mois, moment ou expire leur contrat de travail et ou ils rentrent en Tchecoslovaquie ».

84- Carl Strikwerda, « The troubled origins of European economic integration: International iron and steel and labor migration in the era of World War I », The American Historical Review, 98-4, 1993, p. 1106-1129, observe leur importance, des avant 1914, dans la concurrence sur la main-d’oeuvre qui oppose les industriels du bassin transfrontalier situe entre France, Allemagne, Belgique et le Luxembourg.

85- Nombreux exemples dans AN, F102748.

86- Sur l’effet de la fiscalite sur les migrations interallemandes au XIXe siecle, voir Mark Spoerer, « The evolution of public finances in nineteenth-century Germany », in Cardoso, J. L. et Lains, P. (dir.), Paying for the liberal state: The rise of public finance in nineteenth-century Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 103-131, notamment p. 121CrossRefGoogle Scholar sq.

87- Archives du ministere des Affaires etrangeres, Republique deTchecoslovaquie, Prague, Ve section (administrative), partie 6, carton 456, rapport de Karel Hanus, 27 mai 1932.

88- Neuville, F., Le statut juridique du travailleur étranger…, op. cit., p. 131.Google Scholar

89- Lewis, Mary D., The boundaries of the Republic: Migrant rights and the limits of universalism in France, 1918-1940, Stanford, Stanford University Press, 2007.Google Scholar

90- Ibid., sur la superiorite relative du regime d’immigrant etranger protege par un traite bilateral sur la condition de travailleur colonial. Notons au passage que la question de la protection legale des travailleurs etrangers dans l’empire francais reste largement a explorer, alors qu’elle est presente a l’esprit d’un reformateur comme dans IVSLA, fonds Luigi Luzzatti, 175/1, Conditions actuelles des Italiens en Tunisie, s. d. (prob. 1907), document anonyme.

91- Victor PEREIRA, « Entre modernisateurs et conservateurs : les debats au Portugal sur l’emigration portugaise en France, 1958-1974 », Actes de l’histoire de l’immigration, 3, 2003 : http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/volumes/per.html, propose une dense analyse de la contradiction des interets au sein des elites d’un pays d’emigration, le Portugal salazariste.

92- Le souci de protection de l’information vehiculee par les migrants qualifies est la parfaite continuation d’une logique qui prevalait a l’epoque moderne : voir Corinne MAITTE, Les chemins de verre. Les migrations des verriers d’Altare et de Venise, XVIe-XIXe siècles, Rennes, PUR, 2009, p. 214 sq.

93- Archives du ministere des Affaires etrangeres, Republique de Tchecoslovaquie, Prague, Ve section (administrative), partie 6, carton 456, resume des negociations francotcheques depuis 1920 sur l’assistance aux indigents malades et, du cote francais, AN, F10 2749.

94- Rapport presente le 3 juin 1937 par Jean Neyret (groupe de l’Union democratique et radicale) au nom de la commission senatoriale de l’hygiene, de l’assistance, de l’assurance et de la prevoyance sociales (Senat, no 322).

95- En examinant les plaintes et sollicitations soumises au depute Edouard Daladier par les habitants du Vaucluse, Monier, Frederic, La politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Édouard Daladier (1890-1940), Paris, La Boutique de l’Histoire, 2007, p. 231 Google Scholar sq., debouche sur une interrogation similaire.

96- Spire, A., Étrangers à la carte…, op. cit., p. 46 sq.Google Scholar

97- Caroline Douki, David Feldman et Paul-Andre Rosental, « Pour une histoire relationnelle du ministere du Travail en France, en Italie et au Royaume-Uni dans l’entre-deux-guerres : le transnational, le bilateral et l’interministeriel en matiere de politique migratoire », in Chatriot, A., Join-Lambert, O. et Viet, V. (dir.), Les politiques du travail, 1906-2000. Acteurs, institutions, réseaux, Rennes, PUR, 2006, p. 143159.Google Scholar

98- Archives du BIT, Geneve, L4/13/1. Comme le conclut, dans un rapport interne, le representant du BIT, Jacques Legouis, a la conference internationale sur les cartes de transit organisee en juin 1929 par la SDN a Geneve, « les compagnies de navigation deviennent de plus en plus de veritables agents des autorites, responsables envers celles-ci de l’observation des reglements d’immigration et de transit, et constituent en quelque sorte des cautions mises a profit dans les cas d’infractions commises aussi bien par l’emigrant ou des tiers que par leurs propres employes. De plus en plus elles prolongent considerablement l’action des services officiels en matiere de recrutement, selection, examen medical, assistance pendant le deplacement, controle de toute sorte, rapatriement, etc. ». Cette tentative de delegation de souverainete est observable des la fin du XIXe siecle, voir Katja WUSTENBECKER, « Hamburg and the transit of East European emigrants », inA. FAHRMEIR, O. FARON et P. WEIL (dir.), Migration control in the North Atlantic world…, op. cit., p. 227-234, notamment p. 228 sq. Voir aussi l’article de Caroline Douki dans le present dossier.

99- De Tapia, Stephane, « La route turque des Balkans, itineraire principal et variantes des annees 1950 a nos jours», Relations Internationales, 96, 1998, p. 431449,Google Scholar montre notamment avec quelle rapidite les itineraires terrestres d’acheminement des migrants turcs en Europe occidentale ont pu etre readaptes aux phases successives des guerres des Balkans dans les annees 1980 et 1990.

100- Martini, Manuela et Rygiel, Philippe(dir.), « Genre, filieres migratoires et marche du travail. Acteurs et institutions de la societe civile en Europe au XXe siecle», Migration Société, 127, 2010.Google Scholar

101- Archives du ministere de la Prevoyance sociale, Republique de Tchecoslovaquie, Prague, fonds 367, 2423/E3/e-14/1784 : on en prendra pour exemple la demande relayee le 24 janvier 1930 par la Ceska kolonizacni spol(Societe tcheque de colonisation) : la Societe Theg a Henin-Lietard souhaite recruter deux cimentiers celibataires et quatre maries, quatre macons celibataires, quatre plancheieurs celibataires, deux plieurs de fer celibataires et un chef macon marie sans sa famille. La demande n’est pas isolee : les archives du ministere tchecoslovaque de l’Agriculture (83/2/545) contiennent par exemple un formulaire-type de «Demande pour le recrutement d’une famille demaitresvalets » qui, en 1922, permet aux exploitants francais de preciser non seulement les qualifications qu’ils attendent des immigrants mais aussi « si possible » la composition de leur menage (nombre maximum d’hommes, de femmes et d’enfants).

102- Sur les conditions d’embauche des Polonais en France, voir Ponty, Janine, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988;Google Scholar et sur l’immigration agricole, voir Hubscher, Ronald, L’immigration dans les campagnes françaises, XIXe-XXe siècle, Paris, Odile Jacob, 2005.Google Scholar

103- AN, F10 2749, Rapport sur la selection medicale en Tchecoslovaquie, 2 septembre 1932.

104- Archives du ministere de l’Agriculture, Prague, 83/2/545. Dans les interminables listes de plaintes que relaie le ministere de l’Agriculture francais a son homologue tchecoslovaque, il est frequent que l’ecart entre les competences declarees et l’experience reelle paraisse considerable. C’est le cas de la protestation recue le 2 avril 1924 de l’infortune Lencauchez au sujet du menage slovaque qu’il comptait employer dans sa vacherie : « ces gens d’une incompetence absolue […] sortent surement d’une ville ou ils n’ont vu des vaches que sur des images ».

105- Archives du ministere de la Prevoyance sociale, Prague, fonds 367, 2423/E3/e-14/ 1784. Par son degre de precision, la correspondance entre les ministeres francais et les institutions tchecoslovaques (consulats et, le cas echeant, remontee dans les ministeres a Prague) confirme la contribution du controle administratif de la migration a la codification du marche du travail. Ainsi, le 14 decembre 1929, le consulat general de Tchecoslovaquie relaie a la direction (francaise) du Travail la plainte de deux ouvriers d’une entreprise de batiment ne touchant que 3,50 F de l’heure au lieu des 5 F garantis dans leur contrat. Dans sa reponse datee du 27 fevrier 1930, l’administration francaise retorque, apres avoir effectue une enquete sur les lieux, que la plupart des ouvriers tchecoslovaques employes par l’entreprise « n’ont pu justifier de leur qualification professionnelle et ont ete remuneres suivant leurs capacites veritables […]. Les autres ouvriers dont les essais ont ete satisfaisants touchent les 5 F de l’heure prevus au contrat ».

106- Lee Downs, Laura, L’inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l’industrie métallurgique en France et en Angleterre, 1914-1930, Paris, Albin Michel, [1995] 2002, chap. 3.Google Scholar

107- Ce modele n’est pas sans rapport avec celui que propose, pour l’epoque moderne, Kaiser, Wolfgang dans plusieurs travaux, dont Le commerce des captifs. Les intermediaries dans l’échange et le rachat des prisonniers en Méditerranée, XVe-XVIIe siècles, Rome, Ecole francaise de Rome, 2008.Google Scholar

108- Rosenberg, Clifford, Policing Paris: The origins of modern immigration control between the wars, Ithaca, Cornell University Press, 2006.Google Scholar

109- Anne-Sophie Bruno et al., « Juges sur pieces. Le traitement des dossiers de sejour et de travail des etrangers en France (1917-1984) », Population, 61-5/6, 2006, p. 737-762.

110- AN, F10 2749. Comme le conclut, le 18 septembre 1930, le memoire relatif a la suppression du passeport envisagee pour les ouvriers agricoles tchecoslovaques se rendant en France de la Mission du ministere de l’Agriculture francais a Prague, « l’obligation du passeport, et les difficultes qui en resultent, mettent effectivement les recrutements pour la France, par rapport a certains pays, dans une situation defavorable. La suppression apporterait certainement des avantages appreciables aux ouvriers, aux employeurs et au Service de la main-d’oeuvre et de l’immigration agricole au ministere francais de l’agriculture ».

111- C. Douki, D. Feldman et P.-A. Rosental, « Pour une histoire relationnelle du ministere du Travail… », art. cit., p. 151 sq.

112- Rinauro, Sandro, Il cammino della speranza. L’emigrazione clandestina degli Italiani nel secondo dopoguerra, Turin, Einaudi, 2009.Google Scholar

113- F. Caestecker, « The transformation of nineteenth-century West European expulsion policy… », art. cit., p. 120.

114- Caroline DOUKI, « L’Etat liberal italien face a l’emigration de masse (1860-1914) », inN. GREEN et F. WEIL (dir.), Citoyenneté et émigration…, op. cit., p. 95-117. Pour un modele d’analyse de ce type de configuration (mais apprehendee a partir des professionnels du droit), voir Liora ISRAEL, « Usages militants du droit dans l’arene judiciaire : le cause lawyering», Droit et société, 49, 2001, p. 793-824.

115- Brian Barbour et Brian Gorlick, « Embracing the ‘responsibility to protect’: A repertoire of measures including asylum for potential victims », International Journal of Refugee Law, 20-4, 2008, p. 533-566.

116- B. Badie, Le diplomate et l’intrus…, op. cit.

117- W. Kegley, Charles et A. Raymond, Gregory, Exorcising the ghost of Westphalia: Building world order in the new millenium, Upper Saddle River, Prentice Hall, 2002.Google Scholar

118- Osiander, Andreas, « Sovereignty, international relations, and the Westphalian myth», International Organization, 55-2, 2001, p. 251287.CrossRefGoogle Scholar Sur les usages politiques ulterieurs de ce traite, voir aussi Gantet, Claire, « La paix de Westphalie», in Francois, E. et Schulze, H.(dir.), Mémoires allemandes, Paris, Gallimard, [2001] 2007, p. 121142.Google Scholar

119- Duhamelle, Christophe, La frontière au village. Une identité catholique allemande au temps des Lumières, Paris, Ed. de l’EHESS, 2010, p. 203 sq.Google Scholar Sur la discussion de ce probleme par les contemporains, voir Garner, Guillaume, « La question douaniere dans le discours economique en Allemagne (seconde moitie du XVIIIe siecle)», Histoire, économie & société, 23-1, 2004, p. 3954 CrossRefGoogle Scholar.

120- Voir la synthese recente d’ Torre, Angelo(dir.), Per vie di terra. Movimenti di uomini e di cose nelle società di antico regime, Milan, F. Angeli, 2007.Google Scholar

121- Voir C. Duhamelle, La frontière au village…, op. cit., notamment chap. 8 et 10, sur ce jeu entre tensions quotidiennes et « coexistence dans le cadre de la paix publique perpetuelle » (p. 205). On peut avec profit comparer le traitement de la question en Inde, ou les pelerinages constituent une question politique majeure. Voir la premiere partie de l’ouvrage dirige par Landy, Frederic et Dupont, Veronique(dir.), Circulation et territoires dans le monde indien contemporain, Paris, Ed. de l’EHESS, 2010.Google Scholar

122- Sur la longue histoire – elle commence des la creation de la Confederation – de la negociation d’un traite migratoire entre Etats allemands, voir Fahrmeir, A., Citizens and aliens…, op. cit., p. 32 Google Scholar sq.

123- Groppi, Angela, Il welfare prima del welfare. Assistenza alla vecchiaia e solidarietà tra generazioni a Roma in età moderna, Rome, Viella, 2010.Google Scholar

124- Voir Feraud-Giraud, L.-J.-D., Droit d’expulsion des étrangers…, op. cit., p. 61 Google Scholar sq.

125- Il en va ainsi d’un episode de decembre 1892 discute par Cugnin, Robert, L’expulsion des étrangers, Nancy, Impr. A. Crepin-Leblond, 1912, p. 109 Google Scholar: « La gendarmerie du Grand-Duche de Luxembourg a refoule, pour rapine et mendicite, quarante-cinq nomades (Russes et Espagnols pour la plupart) expulses par la France ; aussi celle-ci les reexpulsa-t-elle le lendemain ; alors les gendarmes luxembourgeois les conduisirent en Lorraine annexee pour les diriger, sur leur demande, vers la Suisse ; mais la gendarmerie allemande les ramena au Luxembourg, d’ou ils furent, le lendemain, encore une fois reconduits en Allemagne, et de nouveau, d’Allemagne en Luxembourg, de sorte qu’ils resterent campes a cheval sur la frontiere et furent nourris par les autorites du Grand-Duche en attendant que leur cas fut tranche. »

126- Ce sont ici non seulement les travaux de Marc Auge qui sont convoques mais leur application aux zones de transit, qui de nos jours prennent la forme de zones de detention cantonnant et isolant du reste de la societe les candidats au droit d’asile : Michel AGIER, « Quel temps aujourd’hui en ces lieux incertains ? », L’Homme, 185-186, 2008, p. 105-120.

127- Van Overbergh, C., L’assistance aux étrangers…, op. cit., p. 4.Google Scholar Du grand livre de M. Koskenniemi, The gentle civilizer of nations…, op. cit., sur l’elaboration du droit international, il reste a ecrire le pendant a l’echelle des pratiques : la place des juristes internationalistes dans la redaction des traites bilateraux et donc dans la creation d’une architecture legale transnationale est encore mal connue. Son etude tempererait sans doute le constat d’un echec relatif dresse par le Finlandais.

128- Le depute radical-socialiste Felix Defontaine le concede avec regret dans sa proposition de loi du 20 novembre 1903 sur la protection du travail national : la loi de 1893 « a ete votee sous le coup des objections que nous avons enumerees plus haut, c’est-adire lorsqu’il parut etabli par la discussion que les traites internationaux s’opposaient a ce que les etrangers fussent frappes d’une taxe ; […] la conclusion qu’on en a tiree est qu’on ne pouvait arriver a proteger le travail national que d’une facon indirecte, c’esta- dire par une loi de police interieure » (Chambre des deputes, no 1308). Le 6 mai 1893, le ministre des Affaires etrangeres, Jules Develle, etait intervenu devant la Chambre des deputes pour ecarter l’idee d’une taxation des ouvriers etrangers au nom des nombreux traites garantissant aux Etats cosignataires la clause de la nation la plus favorisee. Voir aussi Delalande, Nicolas, Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2011, p. 98 sq.Google Scholar

129- Sur la portee methodologique plus generale des phenomenes migratoires, voir Wimmer, AndreasetGlick Schiller, Nina, « Methodological nationalism, the social sciences, and the study of migration: An essay in historical epistemology», International Migration Review, 37-3, 2003, p. 576610. Google Scholar

130- Agier, Michel, Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Paris, Flammarion, 2008.Google Scholar

131- Noiriel, Gerard, Réfugiés et sans papiers. La République et le droit d’asile, XIXe- XXe siècle, Paris, Hachette, 1998.Google Scholar Il est a noter que le nouvel intitule ramenait l’aire couverte par l’ouvrage de l’Europe a la France.

132- Koskenniemi, M., The gentle civilizer of nations…, op. cit. Google Scholar

133- Hailbronner, Kay, « Readmission agreements and the obligation of states under public international law to readmit their own and foreign nationals», Zeitschrift für auslän- disches öffentliches Recht und Völkerrecht, 57, 1997, p. 149.Google Scholar

134- Kruse, Imke, «EU readmission policy and its effects on transit countries: The case of Albania », European Journal of Migration and Law, 8, 2006, p. 115-142, ici p. 120 CrossRefGoogle Scholar sq. L’auteur denombre a la fin 1999 cent trente accords de readmission conclus entre les 15 pays de l’Union europeenne (etendue a l’Islande et a la Norvege) d’une part, 58 pays tiers d’autre part et ajoute, selon un raisonnement comparable a celui des juristes internationaux du XIXe siecle : « Il existe une dualite a l’oeuvre dans la souverainete etatique. Si un Etat est tenu de readmettre ses ressortissants expulses des pays tiers, cette obligation elle-meme decoule du droit de ces pays d’expulser leurs etrangers. Par souci de la credibilite de la souverainete, les Etats membres de l’Union europeenne revendiquent regulierement le respect des decisions des autorites d’immigration y compris lorsqu’elles refusent a des etrangers le droit de sejour, en insistant sur leur responsabilite dans la sauvegarde du regime international des refugies. »

135- Ce travail, que je dedie a Bruno Karsenti pour son amitie, a ete realise grace au soutien de la Mission Recherche du ministere des Affaires sociales, du Programme Vulnérabilitésde l’ANR et du Projet-Phare P 11-1 de l’Ined. Au cours des annees, il a implique Elise Boscherel, Marjorie Bourdelais, Davina El-Baze, Charles de Froment, Emanuela Mackova et Giovanni Sbordone. Je remercie pour leurs commentaires et suggestions Frederic Audren, Alain Chatriot, Renaud Dehousse, Caroline Douki, Nicolas Delalande, David Feldman, Ivan Jablonka, Jean Leca, Elodie Richard et Vincent Viet. J’ai egalement beneficie des stimulantes discussions qui ont suivi la presentation de cette recherche dans des colloques et seminaires organises successivement par Wolfgang Kaiser et Claudia Moatti a l’ENS-Ulm, Steve King a l’universite d’Oxford-Brookes, Dieter Gosewinkel au WzB Berlin, Bruno Latour a Sciences Po, Martin Lengwiler a l’universite de Bale, ainsi qu’au seminaire du groupe Esopp, aux colloques Actualité d’Abdelmalek Sayaden 2006, Identities in Europede l’universite de Londres Queen Mary en 2006, Migrants, entitlements and welfarede l’Academie royale flamande de Belgique en 2010 et aux Journees du Centre de recherches historiques en 2009.