Dans un précédent article sur « Le problème agraire dans la révolution russe », nous formulions timidement nos conclusions en disant : « Collectivisation, contractation, colonisation, le tout est encore du domaine de l'avenir ». Si nous nous reportons en pensée à l'époque — 1929 — où ces lignes furent écrites, nous sommes stupéfait de voir le chemin parcouru par ces idées, qui ne faisaient alors que se former dans les cerveaux des dirigeants russes. C'est sur l'étendue de cette évolution — nous serions en droit de dire : de cette révolution — que nous voudrions attirer l'attention dans les pages qui vont suivre.

De même que dans beaucoup de pays d'Europe, la production agricole en Angleterre, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et même au delà, obéit principalement au régime dit des « cbamps ouverts » (open-field). Laissons de côté ici les caractères proprement morphologiques de ce système. Du point de vue économique, ses traits principaux étaient la faible dimension des exploitations, le fait qu'un grand nombre d'entre elles appartenaient à leurs cultivateurs mêmes, enfin l'emploi d'une large part de la production comme consommation personnelle de l'exploitant. Ce fut le rapide accroissement de l'élément non agricole de la population, pendant le XVIIIe et le début du XIXe siècle qui, à la fois, créa le besoin et fournit la possibilité de commercialiser l'exploitation agricole.

Ce qu'on appelle couramment la noblesse grecque, c'est une classe qui exerce le pouvoir dans bien des cités à l'époque archaïque, c'est-à-dire à un stade où il y a déjà un État, mais un État dont les fonctions sont encore peu développées et sont accaparées par ladite classe (exemple de ces fonctions, la justice : la phase de l'arbitrage est dépassée, il y a des juridictions obligatoires ; mais, dans la Béotie d'Hésiode, c'est la noblesse qui les détient et, en Attique, c'est seulement sous Pisistrate, semble-t-il, qu'elle achève de les perdre). Du reste, il doit s'agir ici non pas du rôle « politique » de la noblesse, mais de sa place dans la société et de sa nature de classe.

On ne saurait oublier que, même pour la décrire, nous sommes bien démunis. Notre information est d'ailleurs inégale suivant les régions de la Grèce.

L'Histoire de Grasse au moyen âge (1155-1482), qu'on doit à Mme Gauthier-Ziegler, s'étend de la première mention des consuls dans un acte authentique jusqu'au passage de la cité sous la Couronne.

Jusqu'à la fin du Xe siècle, l'histoire grassoise nous échappe complètement. A cette date, la ville passe aux mains de seigneurs locaux. Mais, dans la première moitié du XIIe siècle, ils vont trouver des ennemis dans les évèques d'Antibes, qui s'établissent à Grasse. Au cours de cette période séculaire, la communauté s'organise et, vers son achèvement, elle conclut même avec les cités italiennes des traités politiques et commerciaux. Les seigneurs laïques ont perdu tout pouvoir.

Il existe, en marge du vaste bloc des civilisations occidentales, divers petits groupes dont l'original destin fut d'échapper à quelques-uns des principaux courants qui ont façonné le reste de l'Europe. Parce qu'ils n'ont pas joué un rôle de premier plan sur l'échiquier politique, leur étude jusqu'ici est demeurée généralement en dehors des préoccupations de la « grande » histoire. Nul doute qu'au contraire, le jour où la notion d'expérience historique sera définitivement incorporée à nos méthodes, ces sociétés d'exception ne deviennent, de la part d'une science rénovée, l'objet de l'intérêt le plus vif. Par les particularités de leur structure, elles constituent, en effet, un merveilleux réactif des influences mêmes qu'elles n'ont pas subies. Tel est, entre autres, le cas de la Sardaigne médiévale.

En traitant des « invasions qui ont changé la face de notre continent entre le IVe et le Xe siècle », « j'ai fait, en réalité, un cours d'histoire contemporaine ». Ainsi s'exprime Mr Ferdinand Lot dans les dernières lignes de son grand ouvrage. On ne saurait souligner, d'un trait plus vif, avec l'esprit même du livre, cette solidarité du présent et du passé qui, à aller au fond des choses, est la justification véritable de l'histoire. Lorsque notre revue a commencé de paraître, certains ont pu s'étonner et d'aucuns, sans doute, se choquer d'y voir l'actuel côtoyer ce qui leur semblait, à tort, appartenir au plus terriblement inactuel. C'est que nous pensions et n'avons jamais cessé de penser, là-dessus, exactement comme Mr Lot.

L'Autrichien : Essais sur la formation d'une individualité nationale, du XVIe au XVIIIe siècle — voilà un beau titre, un vaste programme et un magnifique dessein ; voilà le thème d'un grand livre — et combien de questions à poser ? Par quoi et quand, et comment, et où se forme une individualité nationale ? Dans quelle mesure, d'abord et jusqu'à quelle profondeur s'établit-elle dans l'histoire ? De quelles empreintes la vie se charge-t-elle de la marquer : guerres ? révolutions ? religions ? formes politiques et gouvernementales ? — Le thème d'un grand livre, mais nous n'avons que huit chapitres de cours public, et tant bien que mal enfilés d'un fil ténu : l'un sur Vienne et l'humanisme… l'auteur dit « viennois » ; le mot juste serait san doute : « à Vienne » ; le second sur le théâtre des Jésuites ; le troisième sur l'opéra italien ; le quatrième sur le Baroque (culture non pas autrichienne, mais, en réalité, dynastique) —les autres, sur Leibniz et la maison d'Autriche, sur Mozart et, finalement, sur la philosophie des lumières et son incarnation en Joseph II.

Nous avons beaucoup tardé à signaler l'excellent travail de Mr Charles Verlinden sur L'esclavage dans le monde ibérique médiéval. C'est qu'il n'en a paru jusqu'ici que deux fragments, dans les tomes XI et XII de l'Anuario de historia del derecho español; le mémoire devait être continué, dans les volumes suivants et nous attendions, pour en parler, de l'avoir tout entier sous les yeux. Mais quand le tome XIII de l'Anuario verra-t-il le jour ?… Sur cette question, mieux vaut faire le silence ; quelque prix que nous attachions à un admirable effort de renaissance érudite, ce n'est pas d'un pareil biais qu'il est permis d'évoquer la tragédie d'une nation et, avec nos deuils et nos angoisses, nos tenaces espoirs. Et prenons, puisqu'il le faut, l'étude de Mr Verlinden telle que, provisoirement, elle se présente : c'est-à-dire, en ce qui regarde l'Espagne chrétienne, arrêtée vers le début du XIIe siècle — l'Espagne islamique étant, au contraire, envisagée dans tout le cours de son évolution.