Le procès du vocabulaire de la psychanalyse reste ouvert: par son hermétisme, son manque de rigueur et de cohérence, sa platitude dogmatique, tout ce qu'il charrie d'un savoir périmé et le peu qu'il transpose d'une expérience immense, variée, éminemment problématique, il serait pour beaucoup dans le malentendu permanent qui règne entre la psychanalyse et d'autres disciplines, entre les psychanalystes eux-mêmes et sans doute dans le secret conseil de chacun d'eux. Les analystes, en un certain sens, font leurs de telles critiques: conscients de ce que tant de leurs termes offrent de foncièrement inadéquat ou d'accidentellement abâtardi, ils ne les utilisent plus qu'entre guillemets dans un comme si redoublé (car déjà Freud n'a cessé d'en souligner le caractère métaphorique). Mais, d'un autre côté ils tiennent à ce langage qu'ils ont reçu en partage: ils savent qu'en y renonçant ils perdraient beaucoup plus que des mots hors d'usage. Aussi paraissentils dans l'hésitation: tantôt l'armature terminologique fait à leurs yeux seulement fonction d'écran, de garde-fou, de rempart obsessionnel pour ceux qu'affolerait en effet une rencontre d'autant plus vertigineuse qu'elle résonne en chacun dans son propre vide; tantôt ils y voient le trésor de leur langue, où ils ne sauraient trop puiser non seulement pour se guider dans une expérience autrement fluide ou chaotique mais pour la constituer dans son champ, son ordre et son déroulement.