« Dans l'histoire de Russie, le personnage essentiel, c'est le paysan… De lui dépend toute la vie du pays », écrivait M. Pierre Pascal, il y a une trentaine d'années, dans la synthèse magistrale que lui avaient inspirée les trois volumes de l'Histoire de Russie à laquelle Paul Milioukov a attaché son nom. Que représentent numériquement, dans la Russie de 1780, trois centièmes de « bourgeois » et artisans, un centième de nobles et autant d'ecclésiastiques, par rapport aux 95 pour 100 de moujiks dont plus de la moitié sont des serfs privés (les autres étant pour la plupart des paysans de l'État) ? Mais cette immense masse rurale, en proie à des exigences toujours plus lourdes de la part de ceux qui l'exploitent, reste le plus souvent inerte, en dehors de quelques explosions de désespoir et de fureur dont la Pougatchovchtchina est l'exemple le plus frappant, mais aussi le dernier.