On ne pouvait pas espérer pénétrer la mentalité du Moyen Age tant que l'on écartait, sous l'étiquette « thème banal de sermon », les textes les plus volumineux qu'il nous a laissés, en latin et même en langues vulgaires. Cette masse même, qui paraissait cacher la réalité profonde des faits sociaux, ne pouvait être, en vérité, sans signification. Il fallait aborder franchement cette abondante littérature abstraite, et, renonçant aux subtils plaisirs que donne la recherche des symboles moraux dans la littérature narrative, il fallait se décider à chercher ce que les auteurs du Moyen Age disaient quand, directement et simplement, ils prétendaient parler morale. Il fallait surtout donner un sens à cette analyse en ne ramenant pas, comme l'ont fait trop de pieux érudits du XIXe siècle, les idées des auteurs médiévaux à des thèmes vagues qui nous paraissent sans originalité, mais au contraire en opposant les conceptions de nos ancêtres à celles de notre époque, en montrant ces différences avec nous dont la prise de conscience nous permet seule de comprendre une âme étrangère.