Cet article soutient que la territorialisation de l’océan a été l’une des inflexions cruciales du xxe siècle, transformant la souveraineté des États et remodelant profondément leurs territoires. En termes d’échelle, il s’agit de la plus planétaire des nombreuses reconfigurations qui ont marqué le xxe siècle. Une étude approfondie de la mondialisation de l’industrie thonière japonaise permet d’illustrer cette transition et peut nous aider à comprendre pourquoi et comment ce processus a évolué. L’empire japonais était un acteur clef dans la « zone sensible » trans-impériale du bassin Indo-Pacifique, où de multiples empires se rencontraient et interagissaient. Les « intermédiaires » trans-impériaux – tant les migrants humains que les espèces migratrices telles que le thon – agissaient par-delà les frontières et créaient un horizon océanique ouvert et dépendant de conditions écologiques fluctuantes. Ces relations trans-impériales ne prirent pas fin en 1945, et leur héritage pesa lourdement dans le processus de décolonisation, les nouveaux États cherchant à établir leurs territoires en mer comme sur terre. Le succès du Japon dans le maintien de l’accès aux zones de pêche montre comment ces enchevêtrements ont transcendé l’ère dite des empires pour influencer l’établissement d’un nouvel ordre mondial et d’une nouvelle souveraineté océanique.