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Que vaut un député ?

Ce que l’indemnité dit du mandat parlementaire (1914-2020)

Published online by Cambridge University Press:  26 April 2023

Éric Buge
Affiliation:
eric.buge@gmx.fr
Étienne Ollion
Affiliation:
CNRS (CREST)etienne.ollion@polytechnique.edu

Résumé

Combien perçoivent vraiment les députés français pour leur activité parlementaire ? À cette question en apparence anodine, il est pourtant difficile d’apporter une réponse claire pour la majeure partie du xxe siècle. À partir d’un travail inédit mené dans diverses archives de l’Assemblée nationale, cet article propose une première estimation du revenu que les députés ont pu retirer de leur mandat, du début du xxe siècle à nos jours. Il démontre ainsi la fécondité de ces données pour l’historien, en ce qu’il contribue à répondre à trois interrogations liées : pourquoi est-il si complexe d’accéder à une information normalement publique ? Comment le revenu des parlementaires situe-t-il les élus dans l’échelle des revenus de la population française ? Enfin, que nous disent ces évolutions de l’indemnité (en termes de niveau comme de nature) sur le type d’activité qu’est la députation ? Ce faisant, l’étude éclaire certaines transformations de fond du métier politique.

Abstract

Abstract

How much are members of the French parliament paid? No clear answer can be provided to this apparently trivial question for most of the twentieth century. Based on new research carried out in the archives of the lower chamber, the Assemblée nationale, this article offers an estimate of the revenues politicians have collected from their parliamentary activity since the early twentieth century. This rich seam of historical data is used to address three interrelated questions: Why is it so complex to access supposedly public information? Where do French parliamentarians’ earnings place them on the scale of the active population? Finally, what do the evolutions identified (in terms of both value and kind) reveal about the professional activity of these representatives? In probing these questions, the article sheds new light on political careers in France.

Type
Histoire du politique
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

*

Nous tenons à remercier Maxime Chabriel, Pauline Culioli, Karim Fertikh, Bertrand Garbinti, Rémy Le Saout, Frédéric Monier, Arthur Thomas, le comité de rédaction des Annales ainsi que les évaluateurs externes pour leur aide concrète ou leurs commentaires avisés sur des versions antérieures de ce texte. Nous sommes également reconnaissants aux archivistes de l’Assemblée nationale qui nous ont aiguillés dans nos démarches, en particulier à Sarah de Bogui et à Aude Jagut, ainsi qu’aux archivistes des Archives nationales qui nous ont guidés dans nos recherches sur la période révolutionnaire, notamment Céline Parcé. Cet article est complété d’une annexe disponible sur l’entrepôt de données Open Science Foundation (10.17605/OSF.IO/5Z42A) ainsi que sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique « Compléments de lecture » ; elle accompagne également la version numérique de l’article (10.1017/ahss.2023.3).

References

1 Journal officiel de la République française (ci-après JORF), « Débats parlementaires », séance du 8 juin 1926, p. 2406.

2 Ibid.

3 Voir toutefois les travaux récents rassemblés dans Rémy Le Saout et Sébastien Segas, Les élus et leur argent, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, à paraître.

4 Alain Garrigou, « Vivre de la politique. Les ‘quinze mille’, le mandat et le métier », Politix, 5-20, 1992, p. 7-34.

5 Pour le xixe et le début du xxe siècle, voir par exemple Frédéric Monier et Christophe Portalez, « Une norme disputée : l’indemnité parlementaire en France (1789-1914) », Cahiers Jaurès, 235/236-1/2, 2020, p. 15-36 ; Nicolas Tardits, « Usages de l’indemnité parlementaire. De sa dénonciation à sa réhabilitation sous le Second Empire », Politiques de communication, 15-2, 2020, p. 21-48. Voir également Michel Offerlé, « Illégitimité et légitimation des personnels politiques ouvriers en France avant 1914 », Annales ESC, 39-4, 1984, p. 681-713.

6 Il s’agit de thèses de droit. Voir par exemple Fernand Gloria, De l’indemnité parlementaire, Caen, E. Adeline, 1902 ; André Baron, Du caractère juridique de l’indemnité parlementaire, Paris, A. Pedone, 1905 ; Charles Navoni, De l’indemnité parlementaire, Paris, Niel, 1907 ; André Meyer, De l’indemnité parlementaire, Paris, Giard et Brière, 1908 ; Jean Séchet, De l’indemnité parlementaire et autres avantages accessoires, Alençon, G. Supot, 1909 ; Raoul Teissié-Solier, L’indemnité parlementaire en France. Historique et régime actuel, Paris, A. Pedone, 1910. Pour le régime juridique actuel, voir Éric Buge, Droit de la vie politique, Paris, PUF, 2018, p. 479 sq. ; id., « L’indemnité parlementaire et la séparation des pouvoirs. Vers une séparation politique des pouvoirs », Revue du droit public et de la science politique, 3, 2020, p. 643-682.

7 Pierre Guiral et Guy Thuillier, La vie quotidienne des députés en France de 1871 à 1914, Paris, Hachette Éditions, 1980.

8 Dans ce qui est sûrement l’article le plus complet pour la période de l’après-1945, l’autrice est contrainte d’approcher le revenu des élus par le montant total de l’indemnité officielle. Voir Touria Jaaidane, « Économie de la représentation nationale et rémunération des parlementaires français », Revue d’économie politique, 127-5, 2017, p. 913-956.

9 Voir notamment Mark Baimbridge et Darren Darcy, « MPs’ Pay 1911-1996: Myths and Realities », Politics, 19-2, 1999, p. 71-80, qui donne la série ; David Judge, « The Politics of MPs’ Pay », Parliamentary Affairs, 37-1, 1984, p. 59-75 ; Nicholas Dickinson, « Remuneration for Representation: Legislative Pay in Comparative and Long Term Perspective », thèse de doctorat, University of Exeter, 2019 ; ainsi que l’abondante production, notamment parlementaire, postérieure au scandale des notes de frais survenu en 2009. Une branche de l’économie publique s’est intéressée, dans le cadre de la théorie du principal-agent, aux déterminants des augmentations votées par les parlementaires. Voir par exemple Karsten Mause, « Self-Serving Legislators? An Analysis of the Salary-Setting Institutions of 27 EU Parliaments », Constitutional Political Economy, 25-2, 2014, p. 154-176 ; Björn Kauder, Manuela Krause et Niklas Potrafke, « Electoral Cycles in MP’s Salaries: Evidence from the German States », International Tax and Public Finance, 25-2, 2018, p. 981-1000. Pour le cas états-unien, voir Sean M. Theriault, « Public Pressure and Punishment in the Politics of Congressional Pay Rises », American Politics Research, 32-4, 2004, p. 444-464.

10 Ida A. Brudnick, « Salaries of Members of Congress: Recent Actions and Historical Tables », Congressional Research Service, avril 2018, https://crsreports.congress.gov/product/pdf/RS/97-1011 ; et Services du Parlement suisse, « Indemnités des députés », printemps 2018, https://web.archive.org/web/20210415092859/https://www.parlament.ch/fr/organe/indemnites.

11 Frédéric Monier, « Introduction » au dossier « L’argent des politiques. Rémunération des élus et financement des partis en Europe », Cahiers Jaurès, 235/236-1/2, 2020, p. 3-13, ici p. 4. Dans le même sens, voir Didier Demazière et Rémy Le Saout, « Vivre de la politique. Rémunération des élus et indemnisation des mandats », Revue française de science politique, 71-1, 2021, p. 7-28 et id., « Professionnalisation et indemnisation des élus. Explorer la dépendance économique aux mandats politiques », Revue française de science politique, 71-1, 2021, p. 29-50, qui écrivent notamment : « Mais combien gagnent-ils ? La question occupe une place discrète dans la recherche en sociologie politique » (p. 31).

12 Pour une synthèse récente des travaux sur ce sujet, voir Sébastien Michon et Étienne Ollion, « Retour sur la professionnalisation politique. Revue de littérature critique et perspectives », Sociologie du travail, 60-1, 2018, https://doi.org/10.4000/sdt.1706.

13 Voir Julien Boelaert, Sébastien Michon et Étienne Ollion, Métier : député. Enquête sur la professionnalisation de la politique en France, Paris, Raisons d’agir, 2017. On pourra aussi consulter, pour le Second Empire, Éric Anceau, Les députés du Second Empire. Prosopographie d’une élite du xixe siècle, Paris, Honoré Champion, 2000 et, pour la IIIe République, les références dans Christophe Charle, « Les élites de la IIIe République : un bilan actualisé », Revue historique de l’océan Indien, 13, 2016, p. 302-314.

14 Laurent Godmer et Guillaume Marrel, La politique au quotidien. L’agenda et l’emploi du temps d’une femme politique, Lyon, ENS Éditions, 2017.

15 Jacques Lagroye, « Être du métier », Politix, 28-4, 1994, p. 5-15. Pour une synthèse, voir Michel Offerlé (dir.), La profession politique. xixe-xxe siècles, Paris, Belin, 1999.

16 Max Weber, Le savant et le politique, trad. par J. Freund, Paris, 10-18, [1959] 2002, p. 123 sq.

17 Une remarque récemment faite dans Didier Demazière et Rémy Le Saout, « Que signifie vivre de ses mandats ? Retour sur une dimension négligée de la professionnalisation politique », dossier « Pouvoir vivre de la politique », Politique et sociétés, 41-1, 2022, p. 59-83.

18 Le montant de l’indemnité parlementaire qui bénéficie aux députés et aux sénateurs est équivalente durant la période étudiée. Toutefois, n’ayant travaillé que sur les archives de l’Assemblée nationale et les facilités matérielles qu’elle procure à ses membres, nous limiterons nos analyses à la Chambre basse. Dans la suite du texte, les termes « députés » et « parlementaires » sont employés indifféremment.

19 Sur l’histoire révolutionnaire de l’indemnité, les articles de référence sont ceux d’Alphonse Aulard, « L’indemnité législative sous la Révolution », La Révolution française. Revue d’histoire moderne et contemporaine, 79, 1926, p. 193-207 et de René Garmy, « Robespierre et l’indemnité parlementaire » [I], Annales historiques de la Révolution française, 169, 1962, p. 257-287 et id. « Robespierre et l’indemnité parlementaire » [II], Annales historiques de la Révolution française, 171, 1963, p. 25-43. Voir également Eugène Pierre, Traité de droit politique, électoral et parlementaire, Paris, Librairies-Imprimeries réunies, [1878] 1920, p. 1323 sq. ; André Castaldo, Les méthodes de travail de la Constituante. Les techniques délibératives de l’Assemblée nationale, 1789-1791, Paris, PUF, 1989, p. 152-156.

20 R. Garmy, « Robespierre… » [I], art. cit., p. 267. Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales (ci-après AN), C 31, d. 254, p. 3.

21 Eugène Pierre, secrétaire général de la Chambre des députés entre 1885 et 1925 et auteur du traité de référence sur le droit parlementaire, écrit en 1893 : « […] par une pudeur excessive, on s’abstint de faire insérer ce décret dans le procès-verbal imprimé ; il n’a pas été reproduit au Bulletin des lois, mais il existe en minute dans les archives de la Chambre des députés » (E. Pierre, Traité…, op. cit., p. 1154). Alphonse Aulard a cherché à consulter ce document qui avait été versé aux Archives nationales : « J’ai été aux Archives nationales : on n’y a pas retrouvé ce décret dans ledit versement. J’ai idée que feu Eugène Pierre, secrétaire général de la Chambre des députés, qui avait, dit-on, beaucoup d’ordre, a si bien rangé le précieux document dans quelque tiroir ou carton discret qu’on ne le retrouvera que par hasard, en cherchant autre chose, dans les Archives de la Chambre » (A. Aulard, « L’indemnité législative… », art. cit., p. 200). René Garmy fait le même constat en 1962 : « […] la consigne a été si bien respectée que le décret du 1er septembre 1789 est resté, jusqu’à ce jour, introuvable » (R. Garmy, « Robespierre… » [I], art. cit., p. 267). La pièce a pu être retrouvée aux Archives nationales, grâce à l’aide de Céline Parcé, chargée d’études documentaires, dans la collection des copies non authentiques des décrets de l’Assemblée constituante établie dès l’époque révolutionnaire par Armand-Gaston Camus, l’archiviste de cette assemblée.

22 R. Garmy, « Robespierre… » [I], art. cit., p. 262 sq.

23 Mirabeau, Courrier de Provence. Pour servir de suite aux Lettres du Comte de Mirabeau à ses Commettants, XXVII, 12 août 1789, p. 1-4.

24 Gazette nationale, ou le Moniteur universel, séance du 23 nivôse an III (12 janv. 1795), p. 197-198 et séance du 24 nivôse an III (13 janv. 1795), no 117, p. 209-213.

25 Ibid., p. 475.

26 Ibid.

27 Alain Garrigou faisait du débat de 1906 le moment de la consécration du fait de pouvoir vivre de son mandat : « Vivre de la politique’, tel était le principe qu’établissait définitivement le vote des quinze mille francs en 1906. […] Il fallait que les parlementaires puissent vivre de leur indemnité et seulement avec elle » (A. Garrigou, « Vivre de la politique », art. cit., p. 21). Cette préoccupation apparaît en fait dès la Révolution.

28 Archives parlementaires, t. XLI, p. 509-510.

29 Loi qui règle l’indemnité due aux membres du corps législatif pour la suppression du contreseing du 5 frimaire an VI et loi relative aux frais de logement, de bureau et d’entretien de costume des représentants du peuple du 29 thermidor an VII. On trouve également un état des dépenses du corps législatif pour l’an VII et l’an VIII dans les lois du 21 vendémiaire an VII (12 octobre 1798) et du 7 brumaire an VIII (29 octobre 1799), qui permettent de mesurer le montant exact de l’indemnité et des frais des parlementaires à ces dates. Elles sont incorrectement référencées dans le Traité d’E. Pierre.

30 Séances du Conseil des Cinq-Cents des 27 vendémiaire (19 oct.), 3, 22, 25 et 29 brumaire (25 oct., 13, 16 et 20 nov.) et 1er, 2 et 3 frimaire (22, 23 et 24 nov. 1795). Plusieurs journaux en font le compte rendu, les plus complets figurant dans la Gazette nationale, ou le Moniteur universel (nos 28, 35, 59, 64, 65 et 69). Plusieurs séances ont lieu en comité secret, de même que celles du Conseil des Anciens.

31 Il s’agit de Savary au Conseil des Cinq-Cents (Gazette nationale, ou le Moniteur universel, 29 brumaire an VI [19 nov. 1797], no 59, p. 240).

32 Si l’article 37 de la Constitution du 14 janvier 1852 prévoit que les députés ne reçoivent aucun traitement, le sénatus-consulte du 25 décembre 1852 rétablit l’indemnité législative. Voir N. Tardits, « Usages de l’indemnité parlementaire », art. cit.

33 Voir F. Monier et C. Portalez, « Une norme disputée… », art. cit.

34 Alain Garrigou, Mourir pour des idées. La vie posthume d’Alphonse Baudin, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; Jacques-Olivier Boudon, « Baudin et la barricade du 3 décembre 1851 : histoire et représentation de l’Empire à la République », in A. Corbin et J.-M. Mayeur (dir.), La barricade, Paris, Éd. de la Sorbonne, 1997, p. 235-249. Par comparaison, un salaire d’ouvrier qualifié parisien se situait aux environs de 4 francs par jour.

35 Décret du 27 janvier 1871 et loi organique du 3 novembre 1875.

36 Sur cet épisode, A. Garrigou, « Vivre de la politique », art. cit.

37 Cité par R. Garmy, « Robespierre… » [II], art. cit., p. 25.

38 JORF, séance du 2 février 1938, p. 170.

39 La critique de la vénalité des élus est en effet une constante de l’antiparlementarisme au xxe siècle. Voir notamment Jean-Claude Caron et Jean Garrigues (dir.), no spécial « L’antiparlementarisme en France », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, hors-série 9-3, 2013 ; Jean Defrasne, L’antiparlementarisme en France, Paris, PUF, 1990. S’agissant spécifiquement de l’indemnité parlementaire, voir Jean-François « Maxou » Heintzen, « Regardez les donc sauter, c’est nos députés ! L’antiparlementarisme en chansons 1880-1934 », in J.-C. Caron (dir.), no thématique « L’antiparlementarisme entre continuité et mutations (xviiie-xxie siècles) », Siècles, 32, 2010, https://doi.org/10.4000/siecles.917 ; Rémi Le Saoult, « Invisibiliser le relèvement de l’indemnité des parlementaires français, un enjeu de l’entre-deux-guerres », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, 34-3, 2021, p. 177-200.

40 Sur la rhétorique des débats autour de l’indemnité, on se permet de renvoyer à Éric Buge et Étienne Ollion, « Primes et châtiments. Discours et non-dits sur l’indemnité parlementaire en France (1920-2020) », in R. Le Saout et S. Segas (dir.), Les élus et leur argent, op. cit., à paraître.

41 Robert N. Proctor, Cancer Wars: How Politics Shape What We Know and What We Don’t Know about Cancer, New York, Basic Books, 1995. Voir aussi Robert N. Proctor et Londa Schiebinger (dir.), Agnotology: The Making and Unmaking of Ignorance, Stanford, Stanford University Press, 2008.

42 Robert N. Proctor, « Agnotology: A Missing Term to Describe the Cultural Production of Ignorance (and Its Study) », in R. N. Proctor et L. Schiebinger (dir.), Agnotology, op. cit., p. 1-34, ici p. 2.

43 Loi du 4 février 1938 tendant à affecter l’indemnité législative fixée par la loi du 23 novembre 1906 d’un coefficient tenant compte de l’élévation du coût de la vie.

44 JORF, séance du 1er février 1938, p. 169.

45 JORF, séance du 18 février 1947, p. 369.

46 JORF, séance du 11 décembre 1953, p. 6460.

47 Éric Phélippeau, L’invention de l’homme politique moderne. Mackau, l’Orne et la République, Paris, Belin, 2002.

48 André Tardieu, La Révolution à refaire, vol. 2, La profession parlementaire, Paris, Flammarion, 1937, p. 29. Après une énumération des frais, il affirme même qu’il est « de notoriété publique que les parlementaires s’endettent et que l’indemnité de beaucoup d’entre eux est frappée de saisie » (ibid.).

49 Réunion du Bureau du 13 décembre 1972.

50 Réunion du Bureau du 14 décembre 1978.

51 Pour un constat analogue dans le cas britannique, voir M. Baimbridge et D. Darcy, « MPs’ Pay 1911-1996 », art. cit., p. 71, qui évoquent un « labyrinthe byzantin de salaires, allocations, enveloppes et frais de recherche et de secrétariat » (nous traduisons).

52 Les fonds d’archives de l’Assemblée nationale utilisés ont été les suivants : d’une part, le fonds des dossiers des séances du Bureau de l’Assemblée nationale de 1920 à 1999 (registres nos 25 à 35 pour la période 1920-1942 ; cotes 8P310 à 8P323 pour la période 1947-1989 ; cotes 2011-082/103 à 106 pour la période 1990-1999), toutes les évolutions importantes de la condition matérielle des députés faisant l’objet de décisions de Bureau ; d’autre part, le fonds des arrêtés du collège des questeurs de l’Assemblée nationale entre 1945 et 1990 (8P177 à 8P206), de manière à reconstituer la série du montant de l’indemnité parlementaire officielle après son indexation, ce fonds contenant également tous les actes d’application des décisions du Bureau portant sur la gestion matérielle de la Chambre.

53 Réunion du Bureau du 29 janvier 1997, p. 14.

54 L’annexe en ligne « Estimation de l’indemnité effective » détaille la manière dont nous avons procédé.

55 Commission pour la transparence financière de la vie politique, « Quinzième rapport d’activité », JORF du 25 janvier 2012, texte 62.

56 Arrêté du Bureau no 12/XV du 29 novembre 2017 relatif aux frais de mandat des députés.

57 Nous n’avons pas été en mesure de prendre en compte les versements effectués par l’élu à son parti ou à son groupe politique au titre des diverses cotisations. Celles-ci peuvent être très importantes, comme dans le cas du parti communiste. Elles étaient en revanche variables selon les partis et les époques, et il nous était impossible de les intégrer ici. Ces réversions doivent toutefois être conservées à l’esprit.

58 R. Garmy, « Robespierre… » [I], art. cit., p. 268-269.

59 Cité par A. Garrigou, « Vivre de la politique », art. cit., p. 24.

60 JORF, deuxième séance du 8 juin 1926, p. 2406.

61 JORF, deuxième séance du 8 juin 1926, p. 2410.

62 JORF, séance du 1er août 1947, p. 3824.

63 JORF, séance du 11 décembre 1953, p. 6460.

64 Réunion du Bureau du 5 décembre 1990.

65 Le député socialiste Henri Barabant estime le coût d’une campagne électorale à 10 000 francs en 1926 (JORF, deuxième séance du 8 juin 1926, p. 2406), ce qui représente environ 10 % du montant de l’indemnité perçue sur cinq ans, avant sa revalorisation.

66 Cette question est abordée le 8 juin 1926 par le rapporteur socialiste d’une proposition de loi (séance du 8 juin 1926, JORF, DP/AN, juin 1926, p. 2402-2406). Nous remercions François Dubasque pour ses indications sur ce point.

67 Jean Bernard, La vie de Paris, Paris, Alphonse Lemerre, 1898. Cité par P. Guiral et G. Thuillier, La vie quotidienne des députés…, op. cit., p. 108-109.

68 JORF, séance du 11 décembre 1953, p. 6460.

69 Julien Boelaert, Sébastien Michon et Étienne Ollion, « Le temps des élites. Ouverture politique et fermeture sociale à l’Assemblée nationale en 2017 », Revue française de science politique, 68-5, 2018, p. 777-802.

70 Ces données, initialement collectées par Thomas Piketty dans le cadre de son travail sur les hauts revenus en France (Thomas Piketty, Les hauts revenus en France au xxe siècle. Inégalités et redistributions, 1901-1998, Paris, Grasset, 2001), ont été complétées et mises à disposition sur le site de la World Inequality Database, https://wid.world/data/.

71 Bertrand Garbinti, Jonathan Goupille-Lebret et Thomas Piketty, « Income Inequality in France, 1900-2014: Evidence from Distributional National Accounts », Journal of Public Economics, 162, 2018, p. 63-77. Le choix du revenu fiscal comme référence peut paraître surprenant, car il agrège les revenus salariaux et ceux du capital, alors que l’indemnité peut être complétée par d’autres revenus. Comme expliqué dans l’annexe méthodologique, cet indicateur est toutefois le plus précis disponible, et il est le plus proche de ce que l’on cherche à mesurer.

72 En 1906, l’indemnité passe en effet de 9 000 à 15 000 francs annuels soit, si on applique la correction des 11/20e précédemment évoquée, de 4 950 à 8 250 francs. Le salaire d’un ouvrier qualifié est alors de 1 200 francs annuels, soit de 4 à 7 fois moins. Un conseiller d’État gagne alors environ 15 000 francs (donc 3 fois plus, puis, après 1906, presque 2 fois plus qu’un député), quand un chef de bureau d’une administration gagnait, selon son rang, entre 6 000 et 10 000 francs (soit à peu près autant qu’un député). Voir Alain Bayet, « Deux siècles d’évolution des salaires en France », Document de travail de l’INSEE – Série Verte, 9702, 1997, p. 15.

73 Cette expression désigne l’ensemble des procédures et techniques constitutionnelles aboutissant à placer le Parlement, et en particulier la confection de la loi, largement sous le contrôle de l’exécutif.

74 Ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement et arrêté des questeurs du 31 décembre 1958.

75 Thomas Piketty, Le capital au xxie siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2013.

76 Btissam Bouzidi, Touria Jaaidane et Robert Gary-Bobo, « Les traitements des enseignants français, 1960-2004. La voie de la démoralisation ? », Revue d’économie politique, 117-3, 2007, p. 323-363. Ce constat d’une baisse du pouvoir d’achat rejoint celui effectué sur le cas britannique (au moins jusqu’en 2011) ainsi que dans le cas états-unien dans les textes précités.

77 La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) relevait dans son rapport d’activité 2018 que : « De l’étude des relevés bancaires, il est ressorti que certains parlementaires pouvaient avoir fait un usage abusif de l’IRFM » (HATVP, Rapport d’activité 2018, p. 33). Le rapport décrit également l’évolution de la réglementation en la matière. Le cas le plus emblématique est sûrement celui de l’ancien Premier ministre François Fillon. Pour une analyse du « cas Fillon », voir Étienne Ollion, Les candidats. Novices et professionnels en politique, Paris, PUF, 2021, p. 252-260.

78 Sur les notions de dignité et d’indignité, voir Anne Simonin, « L’indignité ou les bonnes mœurs républicaines », in R. Belot (dir.), Tous républicains ! Origines et modernité des valeurs républicaines, Paris, Armand Colin, 2011, p. 213-232.

79 En 1953, évoquant la création d’une prime de rendement pour les conseillers d’État, la Chambre décide de créer une indemnité de secrétariat destinée à permettre le recrutement, qui suscite la polémique. Cette indemnité sera abandonnée en 1958. En 1968, le Bureau autorise les groupes à recruter une « dame secrétaire » pour cinq députés.

80 Réunion du Bureau des 6 novembre 1969, 4 janvier 1970, 20 mai 1970, 4 et 25 novembre 1970.

81 Réunion du Bureau du 25 novembre 1970.

82 JORF, séance du 13 décembre 1953, p. 6462.

83 Par exemple, réunion du Bureau du 15 juin 1971.

84 Voir notamment Jean-Noël Jeanneney, L’argent caché. Milieux d’affaires et pouvoirs politiques dans la France du xxe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1984, chap. 6, ainsi que JORF, deuxième séance du 11 avril 1930. Le seul précédent en la matière est donc celui du décret du 4 vendémiaire an IV (26 septembre 1795). À ce sujet, voir Philippe Bourdin, « Fortunes et représentation au crépuscule de la Convention », in M. Biard, P. Bourdin et H. Leuwers (dir.), Vertu et politique. Les pratiques des législateurs (1789-2014), Rennes, PUR, 2015, p. 215-230 ; id., « Démocratie tronquée, Convention transparente. Les Deux Tiers au crible des déclarations individuelles d’état-civil et de patrimoine », Annales historiques de la Révolution française, 381-3, 2015, p. 155-187.

85 Le député communiste Jacques Grésa disait, en séance le 1er février 1938 : « […] un parlementaire communiste, du jour où il est investi de son mandat par le suffrage universel, signe une procuration permettant à son parti d’encaisser une partie de son indemnité parlementaire et, en échange […] reçoit le montant du salaire d’un ouvrier qualifié dans l’industrie privée » (JORF, séance du 1er février 1938, p. 175). En 1997 encore, le député Daniel Colliard indique au Bureau que « les indemnités allouées à ses élus sont versées au parti, à charge pour ce dernier de payer un salaire aux élus » (procès-verbal du Bureau du 29 janvier 1997, p. 15).

86 JORF, séance du 8 juin 1926, p. 2405.

87 Pour un exemple éloquent de ce positionnement, voir la séance du 29 novembre 1947, où le député Fernand Grenier déclare que le député communiste « comprend d’autant mieux les difficultés des travailleurs que ses élus, fidèles à la glorieuse tradition de la Commune de Paris, continuent à vivre aussi modestement qu’avant leur élection » (JORF, séance du 29 novembre 1947, p. 5274).

88 Après avoir rappelé l’exigence d’indépendance des parlementaires, le député socialiste Charles Lussy conclut, en 1947, à l’intention de ses collègues communistes : « Autrefois, c’était à droite qu’on parlait ainsi ! », avant de refuser que les députés se voient attribuer le traitement « du facteur de 6e classe, moins l’indemnité de chaussure » (JORF, séance du 18 février 1947, p. 369).

89 Compte rendu du Bureau du 11 décembre 1962 : « […] pour tenir compte de certains cas sociaux douloureux, les questeurs se déclarent prêts à accorder à leurs anciens collègues, après enquête, toute l’aide nécessaire » (p. 2).

90 Cette possibilité est par exemple rejetée par le Bureau le 13 octobre 1961. Voir aussi la proposition de loi du député radical Pierre Ferrand, annexe no 6021 à la séance du 28 novembre 1957, Documents parlementaires, p. 146.

91 La dernière partie alors non fiscalisée de l’indemnité, l’indemnité de fonction, l’a été en 2017.

92 Arrêté de questure du 13 novembre 1991. Réservée aux députés de moins de 50 ans qui n’avaient aucune activité professionnelle, elle n’a profité qu’à dix parlementaires à la suite des élections de 1993. Il faut noter que les députés disposent d’un régime autonome de retraite depuis 1904.

93 Cette allocation se serait élevée au tiers environ de l’indemnité parlementaire. Voir la note préparée en vue de la réunion du Bureau du 6 juillet 1994.

94 Selon l’expression du questeur Henri Cuq, compte rendu de la réunion du Bureau du 29 janvier 1997, p. 12. L’interdiction de pratiquer des contrôles sur l’usage de l’IRFM est inscrite dans la loi en 2002.

95 Globalement, pendant toute la période étudiée, le principe général est que les activités privées sont compatibles avec le mandat parlementaire, à la différence des activités publiques (sauf, avant ces lois, les autres mandats électifs).

96 Lois du 15 septembre 2017, qui, notamment, interdisent le recrutement de collaborateurs familiaux, suppriment la réserve parlementaire et instaurent un contrôle des frais des parlementaires.

97 JORF, deuxième séance du 22 décembre 1992, p. 7831.

98 Éric Phélippeau, L’argent de la politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2018. Sur les scandales politico-financiers, voir Violaine Roussel, Affaires de juges. Les magistrats dans les scandales politiques en France, Paris, La Découverte, 2002 ; Jean Garrigues, Les scandales de la République. De Panama à l’affaire Cahuzac, Paris, Nouveau Monde, 2013 ; J.-N. Jeanneney, L’argent caché, op. cit.

99 JORF, deuxième séance du 13 décembre 1990, p. 6880. Le député du Front national, Jean-Claude Martinez, avait proposé, à plusieurs reprises à la fin des années 1980, de mettre fin au « privilège » fiscal des parlementaires et de les faire rentrer « dans le droit commun » en instaurant un régime de frais professionnels (JORF, troisième séance du 14 octobre 1987, p. 4320).

100 JORF, première séance du 11 décembre 1991, p. 7598.

101 Sur cette notion, voir les actes du colloque du 10 février 2022 à l’université Panthéon-Assas sur l’exemplarité des gouvernants : Cécile Bargues et al. (dir.), dossier « L’exemplarité des gouvernants », Jus Politicum, 28, 2022, p. 3-167.

102 Sur le lien ténu entre déclassement monétaire et déclassement social d’une activité, voir É. Ollion, Les candidats, op. cit., chap. 6.