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Le document et l'histoire économique de l'Antiquité*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Moses I. Finley*
Affiliation:
Darwin College, Cambridge

Extract

Dans cette déclaration programmatique, le ton importe autant que la substance. Jones écrivait ces lignes en 1948, juste au moment où allait se produire l'impact brutal de l'économétrie sur les historiens, avec la rapide émergence de la nouvelle histoire quantitative (ou histoire sérielle, ou cliométrie). Mais ce qu'entendait Jones par « statistiques » n'a rien à voir avec les corrélations, la régression, l'écart type, l'analyse hiérarchique, l'analyse factorielle. Pour lui, faire des statistiques, ce n'était guère plus que présenter des chiffres sous forme de tables ou de graphiques, calculer des moyennes, noter des minima et des maxima. Ainsi l'argent semble valoir cinq fois moins à l'époque de Démosthène qu'au temps de Solon, deux siècles plus tôt ; il y avait plus de 10 000 maisons privées à l'intérieur des murs d'Athènes, et leur prix allait de 300 à 12 000 drachmes ; ce qu'il fallait normalement payer à une prostituée variait d'une demi-obole à deux drachmes (douze demi-oboles), mais une Lais pouvait obtenir 10 000 drachmes pour une seule nuit.

Summary

Summary

There are no statistics in antiquity, and any attempt to reconstruct them is doomed to failure. Contrary to what is sometimes stated, our helplessness is not due to the fact that too many economie documents have been lost, but to the very nature of those documents. In this respect, the Middle Ages marked a decisive turning-point. Numerical data are collected and calculated in response to a society's specifie needs; the examination of selected economie documents from antiquity reveals a painstaking attention to detail coupled with a surprising lack of comprehensive accounting. Such documents were a response to day-to-day needs; they fulfilled a "police function", but were not intended to provide data for policy-making or economie forecasting. Whenever possible, the historian of antiquity should attempt to establish data series with a view to a quasi- or pseudo-statistical analysis.

Type
La Production du Document
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1983

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Footnotes

*

Je me limiterai au monde gréco-romain.

References

Notes

1. La Leçon inaugurale fut publiée à Londres en 1948 ; elle ne fut pas réimprimée dans le livre posthume rassemblant les articles de Jones, The Roman Economy, P. A. Brunt Éd., Oxford, 1974, parce que l'essentiel de ce texte (mais non l'introduction qui m'occupe) avait Été repris dans d'autres publications.

2. A. H. M. Jones, « Slavery in the ancient world », Economie History Review, 2e sér., 9, 1956, pp. 185-199, à la p. 184, repris dans Slavery in Classical Anliquity, M. L FinlEY Éd., Cambridge, réimpr. 1964, p. 10.

3. Les prix des esclaves que nous font connaître les papyrus Égyptiens détruisent I’ « unité » ; Jones les exclut pour des raisons spécieuses. Dans le dernier tableau, on dispose de 28 prix pour l'époque romaine jusqu'à la fin du second siècle ap. J.-C. : or un simple coup d'œil révèle que non seulement ils ne peuvent pas s'ajuster au modèle de Jones, mais aussi qu'il est impossible de les organiser en une série signifiante: L Biezunska-MALOwist, L'esclavage dans l'Egypte grécoromaine, 11, Académie de Pologne, 1977, pp. 165-166. 4. En commentant cet exemple particulier dans Esclavage antique et idéologie moderne, Paris, 1981, pp. 173-174, j'ai cité P. Anderson. Passages front Anliquity to Feudalism, Londres, 1974. exemple de répétition, par un non-spécialiste, sur \'aucloritus d'un spécialiste. Bien entendu, la pratique en est répandue ; voir notamment J. Stengers, « L'historien devant l'abondance statistique », Revue de l'Institut de Sociologie, 1970, pp. 427-458, aux pp. 443-445.

5. Dans Faire de l'histoire, J. LE Goff et P. Nora Éds, 3 vols, Paris, 1974, t. I, p. 54 et t. Il, p. 64. respectivement.

6. VILAR, P., « Pour une meilleure compréhension entre Économistes et historiens », Revue historique, 233. 1965, pp. 293312.Google Scholar

7. Sthofield, R. S., « The geographical distribution of wealth in England, 1334-1649 », dans Essays in Quantitative Economie History, Fioud, R. Éd., Oxford, 1974, pp. 79106 Google Scholar, publié d'abord dans Economie History Review, 2e sér., 18, 1965, pp. 483-510.

8. Ibid., et E. J. Buckatsch, « The geographical distribution of wealth in England, 1086-1843 », ibid., 3, 1950, pp. 180-202.

9. Le nombre des documents cités dans les sources littéraires — fidèlement ou non — n'affecterait pas sensiblement ce compte sommaire.

10. Voir e.g. Démosthène, Lvil

11. L'envahisseur danois Knut, qui régna en Angleterre au début du xic siècle, est devenu proverbial à cause de la légende selon laquelle, pour démontrer sa puissance, il ordonna aux vagues de se calmer (n.d.t).

12. Vidal-Naquet, P., Le bordereau d'ensemencement dans l'Egypte ptolémaïque, Bruxelles, 1967;Google Scholar J. Bingen, Le Pupvrus Revenue Laws : tradition grecque et udaptation hellénistique, Rheinisch-Westfàlische Akad. d. Wiss., Vortrage G 231, 1978.

13. Pour ce qui suit, voir Préaux, Cl., Les Grecs en Egypte d'après les archives de Zenon, Bruxelles. 1947.Google Scholar

14. Ibid., pp. 31-32.

15. Ibid, p. 4.

16. Ibid., p. 31.

17. Je ne prétends pas que les documents disponibles soient sans utilité pour l'historien de l'économie, et je ne cherche pas à dénigrer les résultats positifs obtenus par maintes Études soigneuses mais limitées. Je tente simplement d'indiquer les limites auxquelles nous sommes confrontés : ni pour le domaine d'Apollonios, ni, à plus forte raison, pour l'ensemble de l'élite ptolémaïque, nous ne serons jamais en mesure de produire un exposé comparable à la partie du livre de Kula sur la Pologne féodale qui s'ouvre par ces mots (p. 9) : « Nous savons plus ou moins ce que les nobles vendaient, aussi bien à l'échelle micro-économique — d'après quelques Études consacrées à quelques grands domaines— que macro-économique — d'après les statistiques des exportations de Gdansk. »( Kula, Witold, Théorie Économique du système féodal, Paris-La Haye, Mouton, 1970.CrossRefGoogle Scholar)

18. Mickwitz, G., « Economie rationalism in Graeco-Roman agriculture », English Historical Review, 52, 1937, pp. 577589.CrossRefGoogle Scholar

19. Duncan-Jones, R., The Economy of the Roman Empire, Cambridge, 1974 Google Scholar, chap. 2. En rendant compte de ce livre dans Gnomon, 49, 1977, pp. 55-63, H. W. Pleket a pris quelque peine à rectifier les « corrections » que Duncan-Jones proposait pour Columelle, mais cela ne change aucunement la position ; cela ne fait que confirmer mon opinion : les calculs raffinés sur des textes uniques, isolés, sont une perte de temps.

20. On en trouvera commodément un Échantillon dans Texts on the Economie History of the Greek World, Pleket, H. W. Éd., vol. 31 dans la série Textus minores, Leyde, 1964.Google Scholar

21. Pour le décret d'Alexandre, la source est Diodore, Xviii, 8. On trouvera le texte des deux inscriptions dans Dialectorum graecorum exempta epigraphica potiora, E. Schwyzer Éd., n° 620 (Mytilène) et n° 657 (Tégée) ; traductions françaises dans Inscriptions juridiques grecques, R. Dareste et al. Éds, II, n° 35, et Bulletin de correspondance hellénique, 38, 1914, pp. 101-188, respectivement.

22. Le texte apparaît, avec la date correcte, dans la 3e Édition de Dittenberger, Sylloge inscriptionum graecarum, n° 364 ; on trouvera une traduction française, avec la date erronée, dans Inscriptions juridiques, I, n° v.

23. Publiés, avec un long commentaire, par Pritchett, W. K., dans Hesperia, 22, 1953, pp. 225 CrossRefGoogle Scholar- 31 I ; 25, 1956, pp. 178-317 ; 30, 1961, pp. 22-29.

24. Lewis, D. M., « After the profanation of the Mysteries », dans Ancient Society and Institutions. Studies presented to Victor Ehrenberg, Badian, E. Éd., Oxford , 1966, pp. 177191, aux pp. 182-186.Google Scholar

25. La place me manque pour traiter des comptes des temples, notamment de Delphes, de Délos et d'épidaure (mentionnés brièvement ci-dessous section 4), qui constituent les meilleurs exemples de comptes détaillés, enregistrés et conservés.

26. C'est ce qu'a noté récemment C. Ampolo, « Trafinanzaepolitica : carriera e affari del Signor Moirokles». Rivista di filologia, 109. 1981, pp. 187-204. aux pp. 188-189.

27. Lewis, « After the profanation », p. 187.

28. Ibid., pp. 188-189.

29. M. Crosby, « The leases of the Laureion mines », Hesperia, 19. 1950, pp. 189-312, avec le supplément, 26, 1957, pp. 1 -23. D'autres fragments des poletai sont en cours de publication, mais Lewis m'informe qu'il ne s'y trouve pas d'autres fragments relatifs aux baux des mines.

30. D. M. Lewis, « Attic manumissions », Hesperia, 28. 1959, pp. 208-238, avec le supplément, 37, 1968. pp. 368-274.

31. G. KLAffenbach, Bemerkungen zum griechischen Urkundenwessen, Deutsche Akad. d. Wiss. zu Berlin, Kl. fur Sprachen…. Sitzungsberichte, 1960, n° 6. p. L

32. Pour un exemple très récent, voir L. Canfora, « Il soggetto passivo délia polis classica », Opus. I, 1982, pp. 33-51. 33. Voir mes Studies in Land and Crédit in Ancient Athens, New Brunswick, 1952 ; réimp. New York. 1973 ; résumé dans « Land, debt and the man of property in classical Athens », Political Science Quarlerly, 68, 1953, pp. 249-268, réimprimé dans mon Economy and Society in Ancien! G'reece, B. D. Shaw et R. P. Saller Éds, Londres, 1981, chap. 4, avec complément bibliographique, pp. 260-261. Une Étude des horoi publiés depuis 1952, préparée par P. Millett pour Opus, 2, montre que les nouveaux documents n'ont pas affecté l'essentiel de mes conclusions.

34. Voir Andreau, J., Les affaires de Monsieur Jucundus, école française de Rome, 1974.Google Scholar

35. Ihid., p. 20.

36. L'analyse des archives Jucundus est en fait sévèrement limitée, précisément parce que la période est trop courte.

37. W. Kuia, op. cit., p. 142.

38. Pour d'importants exemples de ce qu'on peut faire, voir Lauffer, S., Die Bergwerkssklaven von Laureion, 2 e Éd., Wiesbaden, 1979;Google Scholar Burford, A., The Greek Temple Builders at Epidauros, Liverpool, 1969.Google Scholar

39. Ampolo, C., « Oikonomia », Annali, Archeologia e storia antica, 1, 1979. pp. 119130 Google Scholar, à la p. 127.