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Perspective féministe sur l’article 1974.1 du Code civil du Québec. Une protection efficace dans la vie des femmes locataires victimes de violences?

Published online by Cambridge University Press:  03 April 2018

Marie-Neige Laperrière*
Affiliation:
Professeure de droit, département des sciences administratives Université du Québec en Outaouais, Gatineau, Québecmarie-neige.laperriere@uqo.ca.
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Abstract

This essay offers a feminist analysis of the abuse of female lessees and, more specifically, of one solution enacted by the Quebec legislature. Since 2006, article 1974.1 of the C.C.Q. has authorized the unilateral termination of a lease when the safety of a female lessee is threatened. This study questions the effectiveness of this legislative initiative. First, it offers a materialist and radical feminist analysis of the private/public dichotomy that underlies the organization of landlord/tenant law in Civil law. This spatial and legislative division implies a preliminary and implicit characterization of abuse within the home as belonging to the private and individual sphere instead of the social and collective sphere. Within this legal structure, article 1974.1 C.C.Q. takes on a reformist character. Preliminary results of the use of this article before the Régie du logement are then presented. These results highlight four major obstacles to its effectiveness.

Résumé

Cet essai féministe s’intéresse aux violences vécues par les femmes locataires et plus spécifiquement à l’une des initiatives mises de l’avant par le législateur civiliste. Depuis 2006, l’article 1974.1 C.c.Q. autorise la résiliation unilatérale du bail lorsque la sécurité d’une locataire est menacée. Ce texte interroge l’efficacité de cette initiative législative. Il propose tout d’abord une analyse féministe matérialiste et radicale de la dichotomie privée/publique, laquelle est sous-jacente à l’organisation du droit du logement en droit civil. Cette division spatiale et législative suppose une qualification préalable et implicite des violences vécues à domicile comme appartenant à la sphère privée et individuelle, plutôt que sociale et collective. Dans cette structure légale, l’article 1974.1 C.c.Q. revêt un caractère réformiste. Ensuite, des résultats préliminaires sont présentés à propos de l’utilisation de cet article devant la Régie. Ils mettent en lumière quatre obstacles majeurs à son efficacité.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association / Association Canadienne Droit et Société 2018 

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Introduction

Les féministes revendiquent depuis de nombreuses années que les violences dites domestiques ne soient plus traitées comme un problème d’ordre privé. Elles dénoncent leur caractère fondamentalement politique, à travers le célèbre slogan : « Le privé est politique ». Ce renversement épistémologique suggère minimalement trois pistes d’analyse, lesquelles ont des conséquences sur la fonction du droit étatique dans le système patriarcal. Premièrement, en choisissant ces mots, ces militantes mettaient de l’avant que ce que les femmes vivaient dans une sphère catégorisée de privé était politique, parce que directement attaché à l’exercice de leur citoyenneté. Leurs expériences dans la sphère privée camouflaient des enjeux qui ne se limitaient pas aux relations individuelles, mais étaient, au contraire, le fruit de rapports sociaux. Elles rompaient ainsi avec l’idée d’un sujet universel et abstrait pour rappeler que « [n]ous sommes nécessairement des individus incarnés, et ce n’est qu’à partir de notre situation que nous pouvons apparaître dans l’espace public […] »Footnote 1. Deuxièmement, ce slogan identifiait le pouvoir des hommes de contrôler la qualification des espaces à titre de privés ou de publics. Cette capacité permet à la classe des hommesFootnote 2 de départager ce qui sera d’intérêt public et de choisir certains domaines pour lesquels l’action étatique sera illégitime. Les hommes, comme classe, bénéficient alors d’un espace privé où ils peuvent exercer un pouvoir concret sur la classe des femmes. En dénonçant les enjeux privés comme site d’exploitation des femmes, les féministes exposaient ainsi « […] que tout rapport de pouvoir, de domination, d’oppression, est en fait un rapport politique […] »Footnote 3, un rapport entre groupes sociaux. Pour les féministes radicales, explique Heidi Hartmann, ce pouvoir de domination des hommes est aux fondements de la division sexuelle et devient un moteur de l’histoire. Il oriente l’évolution de la sociétéFootnote 4. En décloisonnant la sphère privée, les féministes donnaient de la légitimité aux revendications des femmes. Il devenait alors possible de mettre sur la scène publique des demandes jusqu’ici ignorées, telles que le droit à l’avortement et les violences conjugales comme forme de contrôle exercé sur des citoyennes à part entière. Comme troisième et dernière piste analytique, ce slogan s’oppose à une conception naturaliste de la division privée/publique, en insistant sur le rôle de l’État et du droit positif pour déterminer ce qui sera qualifié de privé ou de publicFootnote 5. En ce sens, cette qualification devient éminemment politique, puisqu’attachée à la capacité décisionnelle de l’État et à son pouvoir d’émettre le droit légitime.

Ces trois pistes analytiques permettent de réfléchir, à partir d’une perspective externeFootnote 6 et critique, au rôle du droit positif dans la reproduction des violences commises à l’endroit des femmes. Plus spécifiquement pour ce texte, elles offrent des outils d’analyse pertinents pour examiner l’efficacité de l’article 1974.1 du Code civil du Québec. En vigueur depuis 2006, cet article a pour objectif de faciliter la rupture du bail résidentiel pour les locataires victimes de violences à domicile. Cette modification législative a été adoptée suite à de nombreuses revendications de groupes de femmes qui souhaitaient accélérer la fin du bail lorsque le logement ne représente plus un lieu sécuritaire. En effet, le logement, au sens large, représente un lieu potentiellement violent pour la classe des femmes. Par exemple, au Québec, les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) estiment que 87% des agressions sexuelles sont commises dans un domicileFootnote 7. Malgré son rôle déterminant dans le système d’habitation et la présence de l’article 1974.1 C.c.Q., le droit civil semble peu concerné par les violences vécues derrière les portes closes. L’essentiel de la prise en charge par le droit étatique de ces violences relève du droit criminel et pénal.

Cet essaiFootnote 8 défend un double objectif qui correspond à son organisation en deux parties. Dans une perspective plus théorique, la première partie contient une critique féministe matérialiste et radicale de l’article 1974.1 C.c.Q. Cette première partie repose sur l’idée que la dichotomie privé/public sous-jacente à l’organisation du droit du logement en droit civil provoque la création de zones de non-droit pour la classe des femmes. Ces zones correspondent à des problèmes sur lesquels le système judiciaire n’a pas ou sinon que très peu d’emprise, tels que les violences commises à domicile. Elle expose également que ces zones de non-droit ne résultent pas de nécessités législatives ou d’une division naturelle des espaces, mais qu’il s’agit plutôt d’une qualification déterminée par l’État qui vient brouiller la dichotomie entre les sphères privées et publiques. Dans ce contexte, l’article 1974.1 C.c.Q. revêt un caractère palliatif et largement insuffisant pour offrir des changements substantiels dans la vie des femmes locataires. Ce cadre d’analyse ayant été exposé, la deuxième partie se concentre sur la présentation de résultats préliminaires d’une analyse féministe des décisions de la Régie du logement dans des causes où l’article 1974.1 C.c.Q. est nommé. Ces premiers résultats permettent déjà de mettre de l’avant quatre problèmes majeurs liés à l’application de cet article pour les victimes de violences. Ils découlent premièrement de la lourdeur procédurale imposée par l’article 1974.1 C.c.Q., deuxièmement d’une interprétation restrictive par la Régie de cet article, troisièmement de la mise en concurrence des effets de cet article avec certains recours des locateurs/trices et quatrièmement de la responsabilité solidaire dans laquelle doivent trop souvent s’engager les locataires pour accéder à un logement.

1. 1974.1 C.c.Q., une apparence de changement

En matière de violences commises à domicile, l’article 1974.1 C.c.Q. est l’une des rares mesures adoptées par le législateur civiliste. Il autorise les victimes de violences ou d’agressions sexuelles à rompre leur bail résidentiel, sous certaines conditions. Dans un premier temps, je présenterai l’article 1974.1 C.c.Q. à l’intérieur du droit positif et la procédure qui lui est rattachée. Je résumerai également le rapport du ministère de la Justice sur cet article, incluant des critiques d’organismes impliqués auprès de victimes de violences. Afin de bien comprendre l’analyse développée, j’expliciterai ensuite certaines prémisses féministes. Nous verrons finalement que si cet article constitue une brèche dans le rapport contractuel, puisque l’État intervient directement pour autoriser une rupture unilatérale du bail, la qualification préalable et implicite des violences comme appartenant à la sphère privée limite fondamentalement les effets de cette disposition relativement aux objectifs publiés de protection.

1.1 Portrait légal et statistique de l’article 1974.1 C.c.Q.

L’article 1974.1 du C.c.Q. se lit ainsi :

« Un locataire peut résilier le bail en cours si, en raison de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint ou en raison d’une agression à caractère sexuel, même par un tiers, sa sécurité ou celle d’un enfant qui habite avec lui est menacée.

La résiliation prend effet deux mois après l’envoi d’un avis au locateur ou un mois après l’envoi d’un tel avis lorsque le bail est à durée indéterminée ou de moins de 12 mois. Elle prend toutefois effet avant l’expiration de ce délai si les parties en conviennent ou lorsque le logement, étant libéré par le locataire, est reloué par le locateur pendant ce délai.

L’avis doit être accompagné d’une attestation d’un fonctionnaire ou d’un officier public désigné par le ministre de la Justice, qui, de la déclaration sous serment du locataire selon laquelle il existe une situation de violence ou d’agression à caractère sexuel et d’autres éléments de faits ou de documents provenant de personnes en contact avec les victimes et appuyant cette déclaration, considère que la résiliation du bail, pour le locataire, est une mesure de nature à assurer la sécurité de ce dernier ou celle d’un enfant qui habite avec lui. Le fonctionnaire ou l’officier public doit agir avec célérité.

Le locataire n’est tenu, le cas échéant, au paiement de la partie du loyer afférente au coût des services qui se rattachent à sa personne même ou à celle d’un enfant qui habite avec lui qu’à l’égard des services qui ont été fournis avant qu’il quitte le logement. Il en est de même du coût de tels services lorsqu’ils sont offerts par le locateur en vertu d’un contrat distinct du bail. »Footnote 9

Cet article ne concerne que les locatairesFootnote 10. Il cherche à faciliter la résiliation du bail résidentiel lorsque le logement occupé n’est plus un espace sécuritaire pour le/la locataire et/ou les enfants y vivant, en raison de violences ou d’agressions sexuelles subies. L’agresseur/e peut être un/e (ex)-conjoint/e ou une tierce personne. Malgré le régime plus général du bail résidentiel, la résiliation pourra alors être effectuée dans les deux moisFootnote 11 suivant la réception d’un avisFootnote 12 par le/la locateur/trice ou d’un mois s’il s’agit d’un bail de moins de douze mois. Les délais peuvent être plus courts si le logement est reloué entre temps. L’avis envoyé au/à la locateur/trice doit être accompagné d’une attestation par un/e fonctionnaire ou un/e officier/ère public/que nommé/e par le/la ministre de la Justice qui certifie le risque que représente maintenant l’occupation des lieux. Cette attestation est obtenue en présentant une demande contenant une déclaration assermentée des faits qui ont mené à cette situationFootnote 13. Un rapport de police et d’autres témoignages ou preuves peuvent accompagner cette demande. Finalement, le/la locataire sera tenu/e de payer les services qu’il/elle utilise pour sa personne et/ou ses enfants, incluant ceux offerts par son/sa locateur/trice, jusqu’au moment du départ.

Une résiliation de bail en vertu de l’article 1974.1 C.c.Q. permet aux victimes d’actes criminels de recevoir une aide financière jusqu’à concurrence de 1000$ par moisFootnote 14. Elle donne également un statut prioritaire pour une demande de logement à loyer modiqueFootnote 15.

Cet article a fêté son dixième anniversaire en avril 2016. Il a vu le jour dans le cadre du Plan d’action gouvernementale 2004-2009 en matière de violence conjugale Footnote 16, dont il représente le quarante-sixième engagement. Les objectifs poursuivis sont les suivants : « Assurer la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches. Encourager les victimes à demander l’aide des autorités judiciaires et réduire le taux d’abandon des poursuites criminelles. »Footnote 17 La loi permettant son adoption a été adoptée et sanctionnée les 14 et 16 décembre 2005Footnote 18. Conformément au troisième article de cette loi, l’article 1974.1 C.c.Q. entrait en vigueur le 1er avril 2006. Selon cette même loi, « [l]e ministre de la Justice doit, au plus tard le 1er avril 2008, faire au gouvernement un rapport sur l’application de l’article 1974.1 du Code civil et sur l’opportunité de le modifier. »Footnote 19

Ce rapport est maintenant disponible et contient différentes informationsFootnote 20. Il offre tout d’abord certaines données statistiquesFootnote 21, les seules disponibles à ma connaissance. Du 1er avril 2006 au 31 décembre 2007, 112 demandes avaient été déposées devant les officier/ère/s compétent/e/s. Sur le total de ces 112 demandes déposées après le 1er avril 2007, le rapport mentionne que cinquante-et-un venaient de femmes et deux d’hommes. Il n’y a pas d’indication statistique du point de vue du sexe pour les demandes antérieures au 1er avril 2007. Quatre-vingt-dix-neuf de ces demandes ont été déposées pour cause de violences conjugales et neuf pour agressions sexuelles. Deux mentionnaient les deux types de violences et les deux dernières ne donnaient pas de précision. Sur ces 112 demandes, quatre-vingt-seize ont été accordées. La grande majorité des agresseur/e/s, soit quatre-vingt-dix-sept cas, étaient des conjoint/e/s (55) ou ex-conjoint/e/s (42). Les 33 demandes déposées à Montréal représentent le plus grand nombre pour une région administrative. Quatre-vingts formulaires avaient été remplis avec le soutien d’un centre d’aide pour les victimes et quatre-vingt-dix dossiers étaient reliés à des plaintes auprès de la police. La majorité des demandes ont été traitées dans les trois jours suivant leur dépôt.

Les commentaires effectués par les organismes d’aide permettent de mieux évaluer l’impact concret de cette dispositionFootnote 22. Ils soulignent tout d’abord que la présence de cet article a favorisé une meilleure entente entre les victimes de violences et les propriétaires, facilitant ainsi la résiliation de baux et améliorant la sécurité des victimes. Cependant, les organismes insistent sur cinq difficultés rencontrées par les victimes. Premièrement, ces organismes observent une corrélation entre le faible taux de dénonciation des agressions sexuelles et l’utilisation de l’article 1974.1 C.c.Q. Seulement onze des 112 demandes avaient été déposées par des victimes d’agression sexuelle. Deuxièmement, « [l]a crainte de représailles de la part du conjoint, de l’ex-conjoint ou d’un tiers agresseur demeure une préoccupation majeure pour les victimes de violences, les empêchant de prendre les mesures nécessaires à leur sécurité. »Footnote 23 Troisièmement, certaines victimes envisageaient la procédure comme inutile, puisque leur bail se terminait dans moins de trois mois ou encore trouvaient la procédure trop complexe. Quatrièmement, certaines de ces victimes ne pouvaient pas assumer les coûts financiers d’une telle demande de résiliation. Ces derniers peuvent doubler si la victime occupe déjà un autre logement ou encore si des frais sont exigés pour la résiliation. Cinquièmement, certaines victimes s’inquiétaient de l’impact financier pour « le conjoint agresseur ou le colocataire. »Footnote 24 Ignorant parfois si le/la conjoint/e ou le/la colocataire paie effectivement sa part de loyer, les victimes vivent avec la crainte d’engager leur responsabilité financière durant les mois restants au bail.

Finalement, les officier/ère/s public/ques ont également remarqué que les victimes ignorent généralement la documentation nécessaire, à moins qu’elles reçoivent l’aide des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), ce qui occasionne des délais. Ils et elles font également remarquer que le lieu où déposer la demande est source de confusion, principalement à MontréalFootnote 25.

En conclusion, le rapport souligne que le vide statistique autour des violences conjugales et des agressions sexuelles rend difficile l’évaluation quantitative du « succès » de ce nouvel article. Il aurait au moins facilité la résiliation de plus de quatre-vingt-dix baux, aidant en cela tout autant de victimes. Sa présence aurait également permis à d’autres victimes de négocier plus facilement avec leur propriétaire, sans nécessairement utiliser ledit article.

Dans un article publié en 2014, Pierre Gagnon se montre assez critique de l’impact concret de l’art. 1974.1 C.c.Q. Il relève sa faible utilisation devant la Régie du Logement :

« À titre de référence plus récente, nous avons recensé les décisions rendues en 2013 par la Régie du logement en la matière. On en dénombre 23 seulement. Dans dix dossiers, il a été jugé que les exigences de l’article n’avaient pas été remplies. Treize plaignants ont utilisé avec succès la procédure prescrite pour écourter leur bail. Force nous est de constater que ce faible achalandage représente une goutte dans l’océan en regard du contexte contemporain de la violence conjugale et sexuelle. »Footnote 26

Il relève également « deux failles majeures »Footnote 27. Premièrement, la lourdeur procédurale de cet article pour des personnes en situation de détresse et deuxièmement, l’attribution d’un pouvoir : « […] de nature judiciaire à un fonctionnaire (ou « officier public »), en lui conférant l’autorité de se prononcer sur l’opportunité de résilier un bail résidentiel, sans que les autres parties intéressées (colocataire et propriétaire) aient voix au chapitre. »Footnote 28

Il conclut en évaluant comme inadéquat l’article 1974.1 C.c.Q. au regard des enjeux qu’il concerneFootnote 29.

1.2 Les violences commises à domicile : illégales, mais possibles

Les violences à l’endroit des femmes font l’objet d’une vaste réflexion chez les théoriciennes et militantes féministesFootnote 30. Certaines féministes font la démonstration qu’au moment où le droit étatique qualifie un espace de privé, cela produit un déséquilibre de pouvoir entre la classe des femmes et celle des hommes. Ce déséquilibre n’est pas la conséquence d’une division spatiale naturelle, mais est le produit de choix sur la nature et le contenu des espaces privés et publics. Ces choix ont nécessairement des effets sur le traitement des relations entre les individus et les groupes sociaux. La section suivante approfondira comment le choix du droit civil, comme cadre législatif principal pour structurer le droit du logement, et surtout l’importance accordée au rapport contractuel, influencent le type d’interventions étatiques privilégiées en matière de violences exercées à domicile.

Catharine MacKinnon s’est intéressée à cette division privée et publique, en insistant sur le rôle du droit étatique. Elle l’utilise pour critiquer l’idéologie libérale, mais aussi patriarcale, qui la sous-tend. Dans la théorie dominante, la sphère privée est posée comme un espace de liberté et d’égalité. Il s’agirait par conséquent d’un lieu où les individus entrent en relation sur une base consensuelle. Cette sphère privée en serait une où les choix peuvent s’exprimer de manière libre et sans contrainte. Le consentement y est présumé, puisqu’il s’effectuerait à l’intérieur de relations symétriquesFootnote 31.

Il est utile pour la classe dominante de décrire cette sphère comme distincte, et même à l’abri, de l’action étatique. En effet, explique MacKinnon, si l’usage de la violence n’est pas considéré comme légitime, même à l’intérieur de la sphère privée, la quasi-impossibilité de mise en preuve de cette violence, lorsqu’elle est commise à l’abri des regards publics, la rend concrètement effective. Elle explique ainsi sa pensée :

« In law, the private is fundamentally an angle of vision, a way of seeing from the point of view of power, attached later to a place or quality of being. It sees so as to surround power with a sacred circle of impunity. Private is what man call the damage they want to be permitted to do as far as their arms extend to whomever they do not want permitted to fight back. Epistemically, in gender terms, it means that male force is invisible. »Footnote 32

Dans cette citation, l’avocate américaine explique qu’à l’intérieur du droit de l’État, la notion de privé représente un certain point de vue. Le privé correspond à la liberté que se donne le groupe dominant des hommes d’user de leur force, rendant ainsi l’usage de cette force inaccessible pour la loi et le système judiciaire.

MacKinnon explique qu’au-delà de la division fonctionnelle du droit privé et du droit public reconnue à l’intérieur de la discipline du droit moderne, il existe dans le système légal des zones privées de « non-droit ». Ces zones font référence à tous les espaces où les hommes peuvent exercer une violence, autrement illégitime mais rendue possible par la configuration du droit lui-même. En d’autres termes, dans la théorie mackinnonienne, le privé en droit se définit du point de vue des hommes et de leur capacité à exercer un pouvoir coercitif à l’abri de l’ingérence étatique. Le droit participe alors à la construction d’une sphère à l’intérieur de laquelle la force peut s’exercer à l’abri du regard de l’État.

De manière complémentaire à la théorisation de MacKinnon, Christine Delphy propose une analyse de ce qu’elle qualifie de « conjugalité »Footnote 33. En effet, elle soutient que : « [c]e qui explique les violences conjugales, c’est la conjugalité : c’est que la société a créé une catégorie sociale – le “privé” »Footnote 34. Dans ce texte, Delphy explique que la conjugalité n’est pas une entité naturelle, mais bien une construction institutionnelle. Cette conjugalité est fondamentale dans la construction de la connaissance autour de la sphère privée. En légiférant sur la vie de couple, l’État participe directement à orchestrer la vie privée. C’est également lui qui détermine la distribution des pouvoirs à l’intérieur de cette sphère dite privée en identifiant ce qui y sera légal ou non. Par ce mécanisme, le droit positif prend acte de l’exercice de certains pouvoirs, aux apparences naturelles, qui deviennent autant d’« impouvoirs »Footnote 35, tout aussi naturels. Par exemple, dans le cas des violences dites conjugales, le droit prend acte du fait qu’à l’intérieur de la sphère privée, la classe des hommes détient le pouvoir d’exercer de la violence, en raison d’une force « naturelle », contre les femmes, porteuses d’un « impouvoir » résultant d’une faiblesse tout aussi « naturelle ». Pourtant argumente Delphy, ça n’est pas la « nature » qui donne le pouvoir aux hommes d’exercer de la violence contre les femmes. C’est plutôt que cette violence, dans le cadre de la conjugalité, est considérée comme légitime ou même normale, quoiqu’illégale.

C’est le produit d’un consensus social qui détermine les circonstances dans lesquelles la violence peut être exercée. Cette violence est envisageable comme expression du pouvoir à l’intérieur des rapports sociaux de sexe. Pourtant, cette force physique n’est pas légitime à l’intérieur du système capitaliste, par exemple. Une puissante musculature n’est pas le moyen sur lequel la classe capitaliste fonde son pouvoir sur les autres classes. Les banquier/ère/s n’ont pas à être particulièrement costaud/e/s en prévision de l’éventualité où ils/elles auraient à battre leur clientèle pour lui faire accepter des taux d’intérêt, parfois exorbitants. L’exercice de la force n’est tout simplement pas envisageable dans ces circonstances. L’usage de cette force est cependant possible, sans pour autant être légal, dans les situations où les rapports sociaux de sexe sont principalement déterminants.

Le système patriarcal, en utilisant entre autres le droit positif, crée des circonstances à l’intérieur desquelles les violences deviennent une façon d’exercer le pouvoir. Le fait que le droit déclare ces violences illégales n’empêche pas qu’il ait lui-même contribué à les rendre envisageables, en participant à la mise en place d’institutions qui en permettent l’expression. Ainsi, explique Delphy le droit agit doublement dans la reproduction des rapports sociaux de sexe à l’intérieur de la sphère privée : « […] elle est une privation de droits pour certaines catégories, et un surcroît de droits (tant de jure que de facto), acquis sur les premières, pour les catégories complémentaires – ou antagonistes. (Les italiques sont dans l’original.) »Footnote 36

Cette analyse de la sphère privée, conçue comme une institution qui participe à la hiérarchisation des classes de sexe pose autrement le rôle du droit civil relativement aux nombreuses violences vécues à domicile par les femmes de tout âge. D’un point de vue féministe, le droit civil structure une sphère privée qui offre davantage de liberté, de sécurité et d’impunité à la classe des hommes et qui devient synonyme de pouvoir pour ce groupe. Par l’entremise du rapport contractuel, le droit du logement s’organise autour de cette sphère construite comme privée par le droit civil et devient un droit à négocier entre individus. La violence systémique subie par les femmes s’exécute derrière les portes closes à l’abri du regard du législateur, justement, parce que ce même législateur choisit de ne pas intervenir. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que tous les hommes exercent effectivement une violence à l’endroit des femmes avec qui ils habitent, ni même de nier que certaines femmes posent des gestes de violence. Il importe plutôt de prendre acte du fait que le droit civil met en place un contexte légal qui fait de l’habitation un espace de pouvoir. Cette importance accordée à la volonté et au consentement par le biais des contrats de location renforce l’idée que ces violences sont le fait d’individus, plutôt que d’être envisagées comme un problème de sécurité publique pour la moitié de la population. Ce cadre législatif pose un frein à la théorisation de l’habitation comme espace de pouvoir.

1.3 Regard féministe matérialiste sur l’article 1974.1 C.c.Q.

Prenons tout d’abord acte que l’article 1974.1 C.c.Q. représente un avancement dans la reconnaissance institutionnelle des violences et agressions sexuelles subies à domicile, tant pour les adultes que pour les enfants, chez les locataires. Suivant les grands objectifs du Plan d’action gouvernemental sur lequel il s’appuie, il s’inscrit dans une reconnaissance du : « […] caractère social de la violence conjugale […] amenant ainsi les différentes instances gouvernementales à reconnaître non seulement l’importance et la gravité de cette forme de violence, mais aussi leur responsabilité par rapport à son élimination. »Footnote 37 L’élimination de cette violence vise à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, explique le gouvernement québécoisFootnote 38.

Alors que l’un des objectifs spécifiques annoncés de l’engagement 46 était d’« [e]ncourager les victimes à demander l’aide des autorités judiciaires »Footnote 39, les chiffres contenus dans le rapport, ainsi que ceux constatés par Gagnon, invitent à interroger l’utilisation concrète de cette mesure. En effet, trente-trois demandes déposées à Montréal, en un an et demi (1er avril 2006 au 31 décembre 2007) ne témoignent pas d’une grande capacité pour l’article 1974.1 C.c.Q. de rejoindre les besoins de la population ciblée. Peut-être ce faible taux d’utilisation était-il en partie attribuable à l’entrée en vigueur récente de l’article 1974.1 C.c.Q. et à sa méconnaissance? L’absence de données statistiques plus récentes empêche de savoir si l’usage de cet article a augmenté significativement avec les années.

Ainsi, sans nier que cet article représente une certaine avancée, il importe maintenant d’examiner ce qu’il représente d’un point de vue féministe matérialiste et radical. En effet, est-ce que cette mesure contribue à faire reconnaître le caractère politique des violences commises à domicile? Est-ce que cet article contribue à décloisonner les violences commises à domicile de la sphère privée?

Dans le cadre de cette analyse féministe radicale, il est difficile d’envisager l’article 1974.1 C.c.Q. autrement que comme un outil palliatif, porteur de maigres solutions individualisées et déconnectées du caractère systémique des violences commises à domicile. Les théories de MacKinnon sur les zones de non-droit et de Delphy sur la conjugalité sont utiles pour comprendre les conséquences de la centralité du rapport contractuel dans l’organisation actuelle du droit du logement. L’importance accordée au rapport contractuel fait du logement un espace à négocier entre individus, prenant appui sur une prémisse d’égalité entre les parties, et confère au phénomène des violences commises à domicile un caractère d’exception pour lequel une intervention ponctuelle de l’État, telle que l’adoption de l’article 1974.1 C.c.Q., est suffisante. Entre autres, cette manière de concevoir l’habitation crée des liens d’interdépendance à l’intérieur du corpus législatif entre le logement et d’autres institutions juridiques appartenant au régime privé en droit positif, telle que la propriété privée. La nécessité de se loger se conçoit alors comme un droit à négocier entre personnes juridiques, essentiellement à titre de locateur/trice ou de locataire.

Pourtant, n’eût été l’article 1974.1 C.c.Q., rien dans le bail locatif ne permet de penser que le/la locataire peut subir des violences à l’intérieur même de son logement. Autrement dit, cette catégorie est construite par le droit civil autour d’une figure qui n’a aucune raison de craindre pour sa sécurité. Ce point de vue sur le logement n’a pourtant rien d’universel et représente la position du groupe dominant. Dans cette perspective, les violences subies à domicile constituent effectivement un phénomène exceptionnel. La gestion de ces violences repose alors sur une responsabilisation individuelle des victimes, plutôt que d’être clairement reconnue à l’intérieur même du droit du logement.

Certes, l’article 1974.1 C.c.Q. représente une intervention supplémentaire de la part du législateur relativement à la liberté contractuelle, déjà limitée en matière de bail résidentiel, puisqu’il relève d’un régime particulier et les articles qui le structurent sont d’ordre publicFootnote 40. Il ajoute un moyen pour faciliter la rupture unilatérale du contrat. Cette intervention brouille davantage les frontières entre la sphère dite privée et celle dite publique. Par contre, elle ne crée pas de changements radicaux autour de la structure même du droit du logement, autrement dit, elle ne décentre pas le droit du logement du rapport contractuel. L’article 1974.1 C.c.Q. entretient une conception très individualiste des violences faites aux femmes et ne suppose aucune prise en charge de leur caractère collectif. Les victimes bénéficient simplement d’un traitement différencié qui les autorise à rompre le rapport contractuel, sans jamais soulever l’idée que c’est l’organisation autour de ce rapport qui pourrait être problématique. En d’autres termes, cette intervention du législateur concourt à légitimer l’idée que l’État doit occuper une fonction de gardien des bonnes relations entre personnes juridiques égales et libresFootnote 41. Il entretient l’idée que les violences commises à l’endroit des femmes constituent un fait exceptionnel qui se règle par le départ de la victime. L’État est alors justifié d’user de solutions individuelles et peut ignorer l’engrenage structurel existant entre les violences commises à domicile, comme expérience collectivement partagée par les femmes dans l’habitation, et la conception actuelle du droit du logement en droit civil.

La présence de l’article 1974.1 dans le Code civil a également comme effet d’orienter la formulation des revendications des groupes pour les droits des locataires et des organismes qui viennent en aide aux femmes victimes de violences. Les revendications se concentrent sur les modifications à apporter à cet article trop unique dans le but de le rendre plus fonctionnel. On plaidera pour une meilleure visibilité de l’article 1974.1 C.c.Q. dans le bail locatifFootnote 42 ou encore on cherchera à faciliter l’accès aux différent/e/s intervenant/e/s et à faire reconnaître leur expertise pour accélérer la rupture du bailFootnote 43. L’outil que représente l’article 1974.1 C.c.Q. gruge alors une grande part des énergies militantes, afin de proposer des solutions pour améliorer son efficacité et laisse moins de temps pour une réflexion extérieure.

Dans une perspective féministe matérialiste et radicale, cet article a un caractère réformiste. Il considère les violences vécues par les femmes locataires, mais demeure centré sur le rapport contractuel et la conjugalité. Le cadre d’analyse ici adopté revendique plutôt la nécessité d’une refonte complète du droit du logement pour espérer des changements significatifs dans la situation des femmes locataires.

2. 1974.1 C.c.Q. devant la Régie du logement : quelques résultats préliminaires

Cette mise en place théorique et analytique invite à examiner certains éléments plus empiriques. À cet égard, cette deuxième partie sera consacrée à une brève présentation des résultats préliminaires d’une analyse de la jurisprudence portant sur 1974.1 C.c.Q. Je dresserai tout d’abord un bref portrait statistique général des décisions trouvées. Je présenterai ensuite mes premiers résultats pour les années 2006 à 2012. Cette partie n’a aucune prétention à l’exhaustivité, mais souhaite examiner la réception devant les tribunaux de ce nouvel article.

2.1 Portrait statistique de 1974.1 C.c.Q. devant les tribunaux

En tapant le numéro d’article 1974.1 C.c.Q. dans SOQUIJFootnote 44, j’ai trouvé 220 décisions étalées sur onze ans, soit du 24 mai 2006 jusqu’au 21 août 2017, date de la recherche. Le détail statistique se présente ainsi : une décision en 2006, aucune en 2007, une décision en 2008, trois décisions en 2009, dix-sept décisions en 2010, quarante-cinq décisions en 2011, vingt-et-une décisions en 2012, vingt-quatre décisions en 2013, vingt-trois décisions en 2014, trente décisions en 2015, trente-et-une décisions en 2016 et vingt-quatre décisions en date du 21 août 2017. Le site de SOQUIJ précise qu’avant 2009, une sélection était effectuée. Je présume qu’à partir de 2009, toutes les décisions de la Régie du logement sont disponibles sur cette base de données. D’emblée, on observe facilement qu’à partir de 2010 le nombre de décisions augmente, pour se stabiliser autour d’une trentaine par année. On peut probablement attribuer cette hausse à une meilleure connaissance de l’article 1974.1 C.c.Q. et de sa procédure par les citoyen/ne/s, mais aussi, et surtout par les organismes communautaires d’aide aux victimes de violences. Le mode de compilation des données par SOQUIJ n’est pas non plus à négliger.

Sur les 220 décisions trouvées, 217 ont été rendues par la Régie du logement et trois devant des tribunaux judiciaires, soit une devant la Cour supérieureFootnote 45 et deux devant la Cour du Québec (Division administrative et d’appel)Footnote 46. Ces deux dernières décisions portent sur la même cause. La deuxième décision étant un jugement en rétractation de la première.

2.2 1974.1 C.c.Q. : Une défense qui s’annonce peu efficace dans la structure actuelle du système locatif

La présentation de ces résultats préliminaires repose sur la lecture des décisions trouvées de 2006 à 2012, inclusivement, ce qui représente 88 décisions. Les six années qui ont suivi l’adoption de cet article m’ont semblées porteuses au niveau de l’interprétation qu’en feraient les tribunaux. Je présenterai d’abord une rapide classification préliminaire, ensuite j’exposerai les quatre principaux problèmes identifiés suite à ce début d’analyse et liés à la forme actuelle de 1974.1 C.c.Q. et son interprétation devant la Régie du logement.

2.2.1 1974.1 C.c.Q. un article nommé et plaidé devant la Régie du logement dans de nombreux contextes

Deux catégories principales ont émergé pour classer de manière préliminaire les décisions où 1974.1 C.c.Q. a été détecté par le moteur de recherche de SOQUIJ. Ces deux grandes catégories peuvent paraître un peu simplistes, mais elles s’imposent malgré tout. Il y a premièrement les décisions où 1974.1 C.c.Q. est simplement invoqué par les régisseur/e/s, mais pas à proprement utilisé dans le cadre du litige et deuxièmement un type de décisions où 1974.1 C.c.Q. est nommé, parce que plaidé dans le cadre du litige.

La première catégorie est évidemment plus simple à interpréter, mais son importance numérique la rend significative. En effet, sur les quatre-vingt-huit décisions lues, quarante-sept se retrouvent dans ce groupe, soit, plus de la moitié. Dix-huit ont été rendues en 2011, ce qui explique le nombre assez élevé de quarante-cinq décisions pour cette annéeFootnote 47. Cette catégorie principale, qui regroupe la simple évocation de l’article 1974.1 C.c.Q., se divise elle-même en deux autres sous-catégories. Une première où 1974.1 C.c.Q. est tout simplement énuméré dans la décision (35 au total sur les 47) sans qu’il concerne le litige. Autrement dit, le litige ne portait pas sur des situations où une locataireFootnote 48 aurait été victime de violence. Dans cette catégorie, j’ai, par exemple, classé les décisions où 1974.1 C.c.Q. avait été cité par erreur, en confusion avec un autre articleFootnote 49, celles où les régisseur/e/s l’utilisent pour interpréter d’autres articles du Code civilFootnote 50 et celles où 1974.1 C.c.Q. apparaît tout simplement dans le cadre d’une énumération des articles qui autorisent la résiliation du bailFootnote 51.

La deuxième sous-catégorie réfère à des décisions (12 sur 47) qui concernent des cas de violences vécues par des locataires et où les régisseur/e/s nomment 1974.1 C.c.Q. pour signaler qu’il n’a pas été utilisé par les parties. Certain/e/s vont même jusqu’à déplorer sa non-utilisation, comme cette citation le laisse entendre :

[5] Le locataire témoigne avoir dû quitter en urgence pour violence conjugale, le 21 janvier 2011. [6] Outre ce fait par ailleurs non démontré en regard des exigences de l’article 1974.1 C.c.Q. malgré l’invitation faite par le tribunal auprès de la locataire à le faire, il importe de noter que cette dernière a cédé ce bail à M. Chevarie, son ex-conjoint et ex-locataire. (C’est nous qui soulignons.)Footnote 52

Pour présenter la deuxième catégorie principale, celle qui concerne les situations où 1974.1 C.c.Q. a été plaidé, voici un résumé du scénario habituel. Il constitue la vaste majorité des quarante-et-une décisions analysées restantes. Le/la locateur/trice se présente devant la Régie du logement et exige le paiement des loyers en retard ainsi que la résiliation du bail. Ce recours est possible en vertu notamment de l’article 1971 C.c.Q. qui autorise la demande de résiliation par le/la locateur/trice advenant un retard de plus de trois semaines. D’autres demandes peuvent s’ajouter, telles que des dommages et intérêts et des frais de réparations ou d’électricité, par exemple. Généralement les causes en litige mettent en scène des demandes pour des arrérages qui excèdent les trois semaines indiquées à l’article 1971 C.c.Q. C’est dans ce contexte que 1974.1 C.c.Q. sera invoqué. Il devient une défense pour tâcher de limiter la responsabilité de la locataire. En effet, 1974.1 C.c.Q. stipule que suite à l’envoi d’un avis de résiliation accompagné d’une attestation d’un/e officier/ère public/que au/à la locateur/trice, le bail sera résilié dans les deux ou trois mois, selon l’année du litige. Durant ce délai, la locataire demeure responsable du paiement du loyer. Si ladite locataire était responsable conjointement avec son/ses colocataire/s, elle ne sera redevable que de sa part. Par contre, si elle avait signé une responsabilité solidaire, elle pourra être poursuivie pour la totalité des arrérages, jusqu’à ce que le délai de deux ou trois mois soit expiré.

Cette présentation d’une cause type impliquant 1974.1 C.c.Q. illustre bien ce qu’il est. Il est un moyen additionnel pour rompre de manière prématurée et unilatérale un bail résidentiel. Selon une régisseure de la Régie du logement : « Il s’agit donc d’une mesure de sauvegarde qui interfère avec la liberté contractuelle des parties et qui vise à sécuriser une situation périlleuse. »Footnote 53 Comme le démontre son application jurisprudentielle, il n’est certainement pas un outil par lequel une locataire se verrait soulagée instantanément ou à tout le moins très rapidement (en comparaison avec le délai de trois semaines prescrit à l’article 1971 C.c.Q., par exemple) de ses obligations contractuelles. Devant la Régie, il devient essentiellement un moyen de défense pour expliquer et justifier le non-paiement d’un loyer par une locataire. Le principal avantage de l’article 1974.1 C.c.Q. est donc de « faciliter » la rupture du bail à l’extérieur des délais habituellement imposés par le Code civil. Il ne représente pas un moyen gratuit de mettre fin à un bail et il n’exonère en aucun cas les victimes de violences des obligations contractuelles financières découlant du bail. Ces enjeux financiers sont d’importance dans la décision des victimes d’utiliser l’article 1974.1 C.c.Q. comme en faisait état le rapport du ministère de la Justice cité précédemmentFootnote 54.

2.2.2 Quatre obstacles majeurs à l’efficacité de l’article 1974.1 C.c.Q. pour les victimes de violences à domicile

Ces premiers résultats préliminaires ne me permettent pas de qualifier l’utilisation de l’article 1974.1 C.c.Q. comme efficace devant les tribunaux. Il est peu efficace, parce qu’il ne permet pas de décharger suffisamment rapidement et simplement les femmes de leurs obligations financières dans le rapport contractuel qui les lie à leur locateur/trice. Les décisions consultées de la Régie du logement sont très courtes (entre 2 et 3 pages, habituellement) et portent pratiquement exclusivement sur la question du paiement du loyer. Les autres aspects de la vie des victimes de violences, tels que la relocalisation, le contexte de violence, la relation avec l’agresseur, ne sont pas abordés. Ces résultats préliminaires ne peuvent donc porter que sur l’aspect spécifique de la libération du loyer.

Quatre obstacles majeurs concernant l’application de l’article 1974.1 C.c.Q. devant la Régie du logement pour les locataires victimes de violences sont à souligner. Ces quatre obstacles se rapportent spécifiquement au critère d’une libération rapide du paiement du loyer comme mesure de l’efficacité de l’article 1974.1 C.c.Q. Ces principaux problèmes se détaillent de la manière suivante : 1) la procédure imposée par l’article 1974.1 C.c.Q., 2) l’interprétation qu’en fait la Régie du logement, 3) la concurrence de l’article 1974.1 C.c.Q. avec d’autres dispositions du Code civil et 4) l’obligation de solidarité. Mon analyse débutant, je ne suis pas encore en mesure de présenter des données statistiques précises pour chacun de ces enjeux.

Le premier et le deuxième obstacles vont de pair. Concrètement, la lourdeur procédurale qu’impose l’article 1974.1 C.c.Q. aux victimes de violences à domicile, combinée à une interprétation restrictive par les régisseur/e/s rend la rupture du bail inefficace. Nombreux sont les cas, et ils en représentent 17 sur les 41 restants, où l’application de 1974.1 C.c.Q. est tout simplement refusée en raison d’un manquement à la procédure prévue. En effet, et comme le précise le troisième alinéa de cet article, l’envoi de l’avis au/à la locateur/trice n’est pas suffisant et doit être accompagné d’une attestation d’un/e officier/ère public/que. L’inverse est également vrai, la seule présence d’une attestation ne remplit pas les exigences du Code civil. Si l’un de ces documents est manquant, la défense offerte par l’article 1974.1 C.c.Q. ne peut pas être retenue par le/la régisseur/e. À titre d’exemple, je rappelle les faits de la décision 9007-5433 Québec inc.Footnote 55 Le locateur réclame 1 230 $ pour des loyers impayés, dans le cadre d’un bail signé du 1er novembre 2008 au 30 juin 2010, moyennant un loyer mensuel de 820 $. Les locataires (un homme et une femme) n’avaient pas signé de manière solidaire et leur responsabilité n’était que conjointe. Le 26 novembre 2008, la locataire fait parvenir à la locatrice un avis de résiliation de bail en vertu de 1974.1 C.c.Q., mais sans l’attestation de l’officier/ère public/que. Cette attestation ne sera fournie que le 18 mars 2009. La locataire a quitté le logement à la fin du mois de novembre (déjà payé), en ayant payé, par le moyen de chèques postdatés, sa part du loyer pour les mois de décembre 2008, janvier 2009, février 2009 et mars 2009. Le locataire, quant à lui, avait quitté le logement en novembre 2008, puisqu’une ordonnance lui interdisait de se présenter à l’adresse louée. Il avait payé pour les mois de décembre 2008, janvier 2009 et février 2009. Comme il ne pouvait plus se présenter au logement, il pensait être exonéré des loyers à venir. Le logement n’a été reloué que le 1er mai. La locatrice réclame donc la moitié du loyer pour le mois de mars (410 $) et le loyer entier du mois d’avril (820 $). Seul le locataire est appelé au litige. La locataire n’en sera pas partie. La question en jeu est de savoir si le locataire peut être tenu responsable pour l’ensemble du loyer du mois d’avril, étant donné la remise tardive de l’attestation exigée par l’article 1974.1 C.c.Q. ou s’il ne doit que sa moitié de loyer? La régisseure adoptera la ligne de conduite imposée jusqu’ici par la jurisprudence de la Régie du logement, soit une interprétation restrictive de l’article 1974.1 C.c.Q. À cet égard, elle cite une série de décisions antérieuresFootnote 56, non disponibles sur le site de SOQUIJ (à l’exception de Couture c. Caron), incluant un paragraphe clair sur la position de la Régie, mais dont la référence n’est pas explicitement citée. Je reprends donc les mots de la Régie pour expliquer son interprétation :

En effet, bien que cette disposition soit de droit nouveau, il n’en demeure pas moins qu’à titre d’exception aux règles générales s’appliquant aux parties à un bail résidentiel, celle-ci doive recevoir une interprétation restrictive. Aussi quand cet article prescrit que la résiliation prend effet après l’envoi d’un avis, il est certes nécessaire que ce dernier soit écrit et un avis verbal s’avère insuffisant. De plus, le législateur a expressément posé comme condition que cet avis doive être accompagné de l’attestation visée. Il ne s’agit pas ici d’une option. Le tribunal en conclut que c’est du moment où ces deux conditions sont complétées que le délai pour résilier le bail commence à courir.Footnote 57

Dans cet exemple, cette interprétation restrictive dessert la locatrice, puisqu’elle ne pourra pas exiger le loyer complet du mois d’avril au locataire. Elle a omis de faire intervenir la locataire qui demeurait pourtant conjointement responsable de la moitié du loyer, puisque l’attestation n’avait été fournie que le 18 mars 2009, date à laquelle le délai de trois mois commençait à courir. Dans de nombreuses autres occasions, cette lourdeur procédurale jouera en défaveur de la locataire. En effet, la défense offerte par l’article 1974.1 C.c.Q. ne sera tout simplement d’aucune utilité pour les locataires, en raison d’un document manquant. Le délai de trois mois ne commence à courir qu’au moment où le/la locateur/trice a reçu à la fois l’avis et l’attestation, autrement la locataire demeure responsable des loyers impayésFootnote 58.

Les 25 décisions restantes correspondent plutôt à des situations où l’application de l’article 1974.1 C.c.Q. a été reconnue comme valide par la Régie du logement. Cependant, la reconnaissance du respect des procédures de 1974.1 C.c.Q. ne signifie pas pour autant qu’il ait été utile à décharger la locataire de ces obligations financières dans le cadre du litige. Concrètement le délai de deux ou trois mois imposé par l’article 1974.1 C.c.Q. met régulièrement en échec son utilité. En effet, le/la locateur/trice plaide généralement l’article 1971 C.c.Q. qui autorise la prise de recours et la résiliation du bail après seulement trois semaines de retard dans le paiement du loyer. Par conséquent, fréquemment, les deux délais se chevauchent et ce dédoublement rend inefficace l’application de l’article 1974.1 C.c.Q. pour la locataire violentée. En effet, le bail aurait été de toute manière résilié et les sommes demeurent dues.

Par exemple, dans la décision Racine c. Dubeau, la locataire a fait parvenir un avis et une attestation, en vertu de 1974.1 C.c.Q., qui résilie le bail pour elle à partir du 16 août 2011. La régisseure établit alors que :

[5] La preuve démontre que les locataires doivent 1 933,87 $, soit le loyer des mois de mai 2011 au 16 août 2011, plus 356,53 $ représentant les frais d’électricité.

[6] Le locataire doit également la somme de 266,13 $, soit le loyer pour la période du 17 août 2011 au 31 août 2011.

[7] Les locataires sont en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l’application de l’article 1971 C.c.Q.Footnote 59

Les conséquences de 1971 C.c.Q. sont suffisamment importantes pour ces locataires pour que plusieurs décisions reconnaissent tout simplement que 1974.1 C.c.Q. n’aurait rien changé au jugement. Par exemple, on peut lire dans la décision Beaulieu c. Neault-Noucher :

[13] Rappelons que même si la locataire avait adressé un avis de résiliation de bail comme elle aurait pu le faire suivant l’article 1974.1 du Code civil du Québec, la locataire aurait tout de même été tenue responsable de sa part de loyer pour les trois mois suivant l’envoi de cet avis. Ceci n’aurait rien changé à la présente affaire puisque les événements d’agressivité mis en preuve ont eu lieu en mars 2010. (C’est nous qui soulignons) Footnote 60

Finalement lorsque les locataires sont solidairement responsables du paiement du loyer, cette solidarité est maintenue jusqu’à la libération complète du loyer. Elle risque minimalement de provoquer un dédoublement des obligations financières de la locataire, en cas de non-paiement par son ou ses colocataire/s. C’était d’ailleurs le cas, dans l’affaire Racine citée précédemment. Sans oublier que les obligations financières de ces locataires sont déjà possiblement doubles étant donné la nécessité de payer à la fois l’ancien loyer et le nouveau logement suite à la relocalisation.

Conclusion

Cette analyse mène à une conclusion paradoxale et en apparence contradictoire. Si pointue et restreinte que soit son action, le fait que l’article 1974.1 C.c.Q. contribue à améliorer le sort de quelques femmes et de victimes de violences à domicile est en soi digne de mention. Malheureusement, cet enthousiasme ne doit pas freiner le regard critique sur le caractère très limité de cette initiative.

Une analyse féministe radicale a généralement pour objectif de s’intéresser aux fondements structuraux des causes qui expliquent l’oppression de la classe des femmes. La première partie de cette analyse critique a voulu faire ressortir deux éléments principaux à propos de l’article 1974.1 C.c.Q. comme solution pour « [a]ssurer la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches »Footnote 61 dans le contexte de l’habitation. Premièrement, l’importance accordée au rapport contractuel en matière d’habitation soutient le point de vue du groupe dominant qui se camoufle derrière la catégorie du/de la locataire, faisant des violences commises à l’endroit des femmes un fait exceptionnel et un enjeu individuel; deuxièmement, ce caractère d’exception justifie le choix du législateur d’adopter une mesure ponctuelle et spécifique comme stratégie d’action pour lutter contre les violences faites aux locataires.

Les conclusions de la deuxième partie de l’analyse sont également assez claires. Je peux difficilement conclure autrement, au vu des décisions analysées jusqu’ici, que l’article 1974.1 C.c.Q. ne s’est pas révélé très efficace devant la Régie du logement, et ce, pour minimalement quatre raisons. Tout d’abord, la lourde procédure imposée par le législateur complique la vie de ces femmes. Fréquemment soit l’avis, soit l’attestation seront manquants, provoquant ainsi le refus de la défense produite par la locataire ou encore ajoutant des délais supplémentaires, entre le moment où le/la locateur/trice aura les deux documents en main, rendant pratiquement inutile l’usage de l’article 1974.1 C.c.Q. Ensuite, le fait que la Régie ait opté, du moins jusqu’en 2012, pour une interprétation restrictive de cet article n’a rien pour simplifier la défense des locataires. Autre élément important, le pouvoir débalancé que possèdent les locateurs/trices en vertu de l’article 1971 C.c.Q., par rapport aux locataires, qui a pour effet d’annuler pratiquement la déresponsabilisation financière souhaitée des locataires. Finalement, les clauses de solidarité, quoique non présumées dans le C.c.Q.Footnote 62, mais très certainement exigées par certain/e/s locateurs/trices, peuvent emporter des conséquences financières trop lourdes à supporter pour des femmes en situation de violence. Ces quatre obstacles devraient minimalement être au cœur d’une réflexion en vue de prochaines modifications législatives.

Cette première exploration n’est évidemment pas complète et se veut une invitation à la réflexion. En plus de la revue de jurisprudence, il serait très pertinent de poursuivre cette recherche par des entrevues sur le terrain avec des femmes et des hommes victimes de violences, ainsi qu’avec les organismes qui leur viennent en aide. Cette démarche est essentielle pour pouvoir proposer des changements législatifs qui deviendraient de nouveaux outils de lutte féministe.

De plus, considérant l’ampleur du phénomène des violences vécues par les femmes et les liens évidents entre ces injustices et le droit du logement, il est urgent de réfléchir plus largement sur les conséquences de l’ignorance presque totale du législateur civiliste des violences vécues à domicile. Pourquoi exclure ce critère de sécurité dans les rapports contractuels qui balisent l’habitation? Comment l’inclure? De manière encore plus fondamentale, est-ce que le fait de structurer le droit du logement autour du rapport contractuel favorise la reproduction des violences systémiques à l’endroit des femmes?

References

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2 L’expression classe de sexe est propre au mouvement féminisme matérialiste et radical. Concept riche, il s’oppose à une conception naturaliste des sexes et démontre comment ils sont plutôt le produit nécessaire au maintien d’un rapport d’exploitation. L’expression féminisme matérialiste et radical fait ici référence aux écoles françaises, voir, par exemple : Delphy, Christine, L’ennemi principal 1 : Économie politique du patriarcat (Paris : Syllepse, 1998);Google Scholar Delphy, Christine, L’ennemi principal 2: Penser le genre (Paris : Syllepse, 1998);Google Scholar Kergoat, Danièle, Se battre, disent-elles (Paris : La Dispute, 2011);Google Scholar Guillaumin, Colette, Sexe, race et pratique du pouvoir : l’idée de nature (Paris : Côté-femmes, 1992), et américaines : Kate Millett, La politique du mâle (Paris : Stock, 1971);Google Scholar Catharine A. MacKinnon, Toward a feminist theory of the state (Cambridge : Harvard University Press, 1989) et Andrea Dworkin, Pornography: men possessing women (New York : Perigee Books, 1981) qui réfléchissent l’exploitation l’oppression et la domination des femmes comme un système, le patriarcat, fondé sur les rapports sociaux de sexe.

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9 Art. 1974.1 C.c.Q.

10 Pour une revue de certaines questions soulevées par l’application de l’art. 1974.1 C.c.Q. pour la pratique des juristes, voir : Charles-Olivier Bernard, « Commentaire sur la Loi insérant l’article 1974.1 au Code civil du Québec », Repères 1 (2006).

11 Ce délai a été raccourci le 30 novembre 2011, avec l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le Code civil concernant certains cas de résiliation du bail d’un logement, projet de loi no 22 (sanctionné), 2e sess., 39e légis. (QC), art. 6-7. Le délai prescrit est passé de trois à deux mois.

12 Pour voir le modèle suggéré pour cet avis, voir : Régie du Logement, Avis de résiliation du bail en raison de violence conjugale ou d’agression à caractère sexuel. <http://www.rdl.gouv.qc.ca/fr/pdf/RDL-818-E%2806-06%29.PDF> (consulté le 28 mai 2015).

13 Pour voir le modèle suggéré pour cette demande, voir: Ministère de la Justice (Québec), Demande d’attestation en vue de la résiliation d’un bail pour motifs de violence ou d’agression à caractère sexuel (Annexe 1). <http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/formulaires/bail/bail.pdf> (consulté le 12 juillet 2015).

14 Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, RLRQ, c I-6, art 6.2, al 1.

15 Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique, RLRQ, c. S-8, r. 1, art 23 para 1.

16 Pour lire le plan d’action complet, voir: Secrétariat à la condition féminine, Plan d’action gouvernemental 2004-2009 en matière de violence conjugale, Québec, Gouvernement du Québec. <http://www.scf.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/Violence/plan-action-violence-2004-09.pdf> (consulté le 23 novembre 2017).

17 Ibid., p. 15, engagement et objectifs 46.

18 Loi insérant l’article 1974.1 au Code civil, projet de loi no 133 (sanctionné), 1re sess., 37e légis. (QC)

19 Ibid., art. 2, al 1.

20 Ministère de la justice (Québec), Rapport sur la mise en œuvre de l’article 1974.1 du Code civil du Québec, (2008). <http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/38-1/journal-debats/20080501so/documents-deposes.html> (consulté le 25 août 2017).

21 Ibid., 8-12.

22 Ibid., 13-14.

23 Ibid., p. 13.

24 Ibid., p. 14.

25 Ibid., p. 15.

26 Pierre Gagnon, « Chronique – La mise à terme anticipée de son occupation par le locataire résidentiel », Repères 1, (2014) 8.

27 Ibid.

28 Ibid.

29 Ibid.

30 À titre d’exemple, voir la littérature du courant de pensée féministe radical, dont les œuvres de Catharine MacKinnon et Andrea Dworkin.

31 C.A. MacKinnon, Toward a feminist theory of the state, 190-191.

32 Ibid., p. 191.

33 C. Delphy, L’ennemi principal 2 : Penser le genre, 190.

34 Ibid.

35 Ibid., 185-192.

36 Ibid., 217.

37 Secrétariat à la condition féminine, Plan d’action gouvernemental 2004-2009, 2.

38 Ibid.

39 Ibid., p. 15, engagement et objectifs 46.

40 Art. 1893 C.c.Q.

41 Olsen, Frances E., « Myth of state intervention in the family, the symposium: The family, the state, and the law », U. Mich. J.L. Reform 18 (1984) 835, p. 836.Google Scholar

42 Centre d’éducation et d’action des femmes (CEAF), le Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS de l’Ouest de l’île), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), Déclaration contre les violences vécues par les femmes dans le logement. <https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSe2D1cnoAif2Nm9MGnI-6euQrC9GwJYR8sLttMhDaP6wBeCGw/viewform> (consulté le 2 mai 2017).

43 Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, Actualiser la loi de l’indemnisation des victimes d’actes criminels afin de mieux reconnaître les besoins des victimes : quelques recommandations, Mémoire présenté à la Commission des institutions concernant le projet de loi 22 : Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, mars 2013, p. 10.

44 La Régie du logement précise sur son site que la publication de ses décisions se fait par l’entremise de la base de données de SOQUIJ. <https://www.rdl.gouv.qc.ca/fr/acces-a-l-information/decisions-du-tribunal> (consulté le 25 août 2017).

45 Droit de la famille – 0825, 2008 QCCS 46

46 Boucher c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2014 QCCQ 5 et Boucher c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2015 QCCQ 3062.

47 Il s’agit en fait de 18 décisions rendues dans un même dossier, où la locatrice souhaite modifier les règlements de l’immeuble et par conséquent, tous les baux dudit immeubles. 1974.1 C.c.Q. y est simplement énuméré. À titre d’exemple : Le 1313 Chomedey c. Michaud, 2011 QCRDL 48808.

48 Dans les 88 décisions étudiées, un seul cas concernait un homme en situation de violence conjugale avec son ex-conjoint (Thibodeau c. Poissant, 2010 QCRDL 7822). Dans les circonstances, le féminin sera privilégié.

49 À titre d’exemple : Seigneurie Arthur Beauséjour c. Payette Fréchette, 2011 QCRDL 41928

50 À titre d’exemple : 9058-8534 Québec inc. (Résidences soleil Manoir St-Laurent) c. Vanasse (Succession de), 2011 QCRDL 7873.

51 À titre d’exemple : Tho c. Simoneau, 2011 QCRDL 10064

52 À titre d’exemple : Talbot (Succession de) c. Chevarie, 2011 QCRDL 33938, para. 5-6.

53 Gestion Biltmore inc. c. Houle, 2010 QCRDL 37125, para. 11

54 Ministère de la justice (Québec), Rapport sur la mise en œuvre, 14.

55 9007-5433 Québec inc. c. Bohemier, 2010 QCRDL 9584

56 Les décisions n’étant pas disponibles, je cite tel quel : Couture c. Caron, R.L. Sherbrooke, 26-090723-031G, Forget c. St-Pierre, R.L Montréal, 31-080926-120G, Beaudoin c. Charette, R.L. Sherbrooke, 26-080826-002G, Paquin c. Ayotte, R.L. Montréal, 31-061020-037G, Rioux c. Gagnon, R.L. Saguenay, 02-080407-002G, Constantini c. Voyer, R.L. Montréal, 31-070413-152G.

57 9007-5433 Québec inc., supra note 59, voir note 1.

58 À titre d’exemple : Domaine Lasalle inc. c. Ngombe, 2010 QCRDL 2094.

59 Racine c. Dubeau, 2011 QCRDL 30053, para. 5-6-7.

60 Beaulieu c. Neault-Noucher, 2010 QCRDL 26589, para 13.

61 Secrétariat à la condition féminine, Plan d’action gouvernemental 2004-2009, p. 15, engagement et objectifs 46.

62 Art. 1525, al. 1 C.c.Q.