Pour analyser les émeutes de novembre 2005, on peut mobiliser l’un des résultats essentiels de la recherche, les discordances dans les différentes dimensions de l’intégration, en particulier entre l’intégration « culturelle », assez rapidement acquise, et l’intégration « structurelle», toujours beaucoup plus lente à advenir. Or, c’est en France que le décalage est le plus fort. Comparés aux descendants des migrants en Angleterre et en Allemagne, les enfants de migrants français sont les plus totalement acculturés à la langue et la culture locales, mais ce sont aussi ceux pour lesquels l’accès au monde du travail est le plus difficile. Leur destin est donc un révélateur de la crise de la société française, des choix collectifs implicites qui ont été faits aux dépens des plus jeunes, en particulier de ceux qui sont issus des classes les plus modestes. La fermeture du système politique, l’affaiblissement du patriotisme, le laxisme des mœurs, la diffusion d’une culture du refus radical contribuent à la marginalisation des enfants de migrants, alors même qu’ils partagent désormais les aspirations et les exigences des individus démocratiques. Ce n’est pas le «modèle républicain » d’intégration qui est en cause, mais le non respect de ses normes.