Cette étude entend mettre en oeuvre les outils de l’analyse réticulaire dansl’étude des échanges interculturels à l’époque moderne. Dans ce but, elles’inspire (du point de vue analytique plutôt que mathématique) de la networkanalysis britannique et des travaux de Fredrik Barth. Face aux débatsrécents polarisés autour des diasporas négociantes et des réseaux marchands,le recours à l’analyse de réseau présente trois avantages : il obligel’historien à analyser les relations entre les groupes – et non lesrelations internes aux groupes – et permet ainsi de surmonter un obstaclecommun aux approches anthropologique et économique. Il réduit le fossé quisépare les études anthropologiques (centrées sur l’organisation interne desdiasporas négociantes et le rôle des normes culturelles) et la théorie duchoix rationnel qui voit les réseaux marchands comme le produit des intérêtsindividuels. Enfin, parce qu’il s’agit d’une approche micro-analytique,l’analyse réticulaire permet aux historiens d’examiner la formation deréseaux informels spécifiques qui se déploient au croisement des airesgéographique, politique et culturelle communément définies. La validité dece type d’approche, basée sur leur correspondance d’affaires, est testée àpartir d’une étude de cas portant sur la filière indo-portugaise du commercedu corail méditerranéen et des diamants indiens, associant Juifs deLivourne, d’Amsterdam et de Londres, marchands italiens de Lisbonne et unecaste hindoue de Goa, réseau informel actif au moins jusqu’aux années1730.