Chacun, aujourd'hui, s'en va se demandant à quoi tient le destin de. l'humanité. Et voici qu'on n'a jamais si tranquillement parlé de prochaine guerre dans ce lendemain du plus dévastateur des massacres .dirigés par i'homme. Et voici que partout on .appelle la révolution sociale (et pour plusieurs son attrait n'est que l'inconnu); et voici déjà quelques chercheurs reprenant les fascinants calculs qui permettent l'évasion hors d'une terre qui n'est plus à l'échelle humaine. Et cependant, conférences succèdent aux conférences, retardant cette Conférence de la Paix, dont, pourtant, tout problème économique est prademment exclu…

Comment ne pas être confondu de tant d'incertitudes ? L'humanité unifiée se prépare-t-elle à de sensationnelles conquêtes, ou va-t-clle périr de ses divisions internes ?

L'article qu'on va lire, par les précisions qu'il apporte, nous aide à mieux comprendre cette crise .contemporaine de si grande portée.

« L'histoire du Costume, dans les deux derniers siècles, laisse assez Voir que les maîtres de la Couture font à la femme son image — et que la Mode, dans ses grandes lignes, livre à l'historien une explication souvent profonde de l'état d'une société, des phases du goût, des goûts, et même des idées dirigeantes. »

Cette citation n'est pas de moi. Elle est tirée d'un des derniers numéros de la revue Formes et Couleurs. Mais je la fais mienne et la prends comme préface à l'histoire de la Mode dans l’entre-deux-guerres, étant convaincu que l'histoire du Costume, de 1918 à 1939, aidera l'historien à expliquer cette période extraordinaire. J'ai eu l'avantage de la vivre au sein même de la Mode, aussi bien en France qu'à l'étranger, et, d'après ce que j'ai vu et vécu, je voudrais essayer de montrer que cette époque tant critiquée a marqué, du moins, l'apogée dei la richesse et des bienfaits de tout genre, que la Mode française pouvait apporter au pays.

L'Institut d'Études Politiques vienf d'ouvrir ses portes. L'École Libre des Sciences Politiques vient de fermer les siennes. Méditons.

École Libre… Ayec quelle fierté elle portait ce titre, au temps où triomphait la bourgeoisie, en ce début du siècle où les usages consacraient « bourgeoises » des familles aux professions cataloguées comme en un armoriai et où on n'entrait, à grand'peine, qu'à força de talent, d'humiliation parfois, et toujours grâce à des complicités dans la place.,. « Nos familles », donc, s'étaient cotisées pour organiser cette École qui, hors de l'Etat, sans son secours et dans, un tout autre esprit que l'enseignement public, offrait un apprentissage « aux meilleurs »…

Les Annales accueillent volontiers les deux notes qu'on va lire. Elles ouvrent, ou rouvrent, un gros débat, et sur un problème d'envergure : car le patriciat urbain n'est-il pas aux origines de la splendeur des villes d'Occident et, donc, tout simplement, de notre civilisation ? Elles donnent, d'autre part, un bon exemple d'indépendance critique, même vis-à-vis du génie.

Portant en lui la fameuse théorie d'Henri Pirenne sur l'origine des villes eh général, et du patriqat urbain en particulier, M. l'abbé Lestocquoy s'aperçoit qu'elle ne cadre pas avec les données de fait que lui fournissent les archives d'Arras. Il le dit. Et, étendant ses recherches, il lie la question d'Arras à celle des villes d'Italie.

Les études sur l'origine de la classe dirigeante des villes du moyen âge, ce curieux patriciat urbain, sont très peu avancées on France : le seul pays où l'on ait fait des recherches importantes sur ce sujet est l'Allemagne ; pour l'Italie, les documents, nombreux, n'ont pas donné lieu à des études de caractère général : les articles , parus dans cette revue, sur Venise et Gênes, si intéressants soient-ils, ne conslituent que des travaux d'approche.

J'ai essayé de résoudre le problème pour Arras, où des documents littéraires donnent — comme à Florence — des lumières particulières. A leur étude, j'ai senti mes idées se transformer. J'avais été, comme beaucoup, enchanté par la simple et limpide clarté des synthèses de Pirenne, de ces livres si beaux qu'ils avaient éveillé en moi, il y a quinze ans, le désir d'apporter ma contribution à l'histoire sociale.

Dans le journal Le Monde, à la date du 6 février 1946, cette chronique : L'Histoire pour tous, par Émile Henriot. Comme je l'ai lue avec intérêt !

Émile Henriot n'est pas un historien. C'est un lettré curieux — et la curiosité d'esprit n'est certes pas une petite vertu. Émile Henriot, c'est un homme qui lit avec passion, et qui se fait, par goût et par profession, l'interprète du Français cultivé de 1946, « fatigué du roman, de l'imaginaire et du contemporain, curieux de livres instructifs», et, donc, se précipitant sur les livres d'histoire romancée ou vulgarisée, que des faiseurs — plus habiles les uns cl moins les autres — offrent au public avec une profuse générosité.

Etienne Gilson vient de publier chez Payot, — sous forme, cette fois, d'un gros traité de 782 pages in-8°, — une seconde édition, entièrement revue, amplifiée et augmentée, du très utile petit manuel que, chez le même Payot, en 1922, il avait présenté sohs forme de modestes livrets extrêmement précieux à consulter déjà, mais que l'ceuvre actuelle dépasse de beaucoup.

Il s'agissait, alors comme aujourd'hui, de donner dé La Philosophie au moyen âge, des origines patristiqu.es à la fin du XIVe siècle, une vue d'ensemble qui ne constitue ni un guide érudit, comme l'Ueberweg, ni un guide philosophique et systématique à la façon de Maurice de Wulf, ni une étude sur les rapports de la pensée médiévale, et de la pensée grecque, à la mode d'Emile Bréhier. Etienne Gilson, lui, s'est attaché avant tout à dérouler sous les yeux du lecteur le film chronologique de la philosophie médiévale depuis son premier contact avec la philosophie grecque, au IIe siècle de notre ère, « dès qu'il y eut des convertis de culture grecque », jusqu'à cette fin du XIVe siècle qui voit se lever l'aurore de temps nouveaux.

Le domaine de la propriété foncière au XVIIIe siècle est un domaine d'accès difficile, malaisé à explorer, et'le chercheur soucieux de précision ne s'y aventure pas sans inquiétude. Deux problèmes se posent généralement : déterminer l'état de la propriété à une date donnée, trouver le sens de son évolution : statique, cinématique. Depuis cinquante ans, l'étude dè∼ la Révolution et de ses causes a conféré à cette double recherche une importance capitale que l'histoire du xvnie siècle lui-même suffirait à justifier.

A vrai dire, les historiens se sont surtout préoccupés de la première enquête. Ils ont essayé de fixer, grâce à des calculs habiles et patients, la répartition des biens fonciers à la fin de l-Ancien Régime. Ils ont fait appel aux terriers, aux rôles de vingtièmes et de taille, aux pieds de taille, aux états de sections, à la vente des biens nationaux.

Un instituteur de l'Aube, M. Pierre Dautriat, vient de faire paraître une monographie de sa commune, Neuville-sur-Seine , modeste village du Batséquanais, à la charnière dé la Champagne et de la Bourgogne. Ce travail de caractère Scolaire, mais préparé avec soin, nous permet de dégager certaines données chiffrées sur la décadence d'un village de la Champagne méridionale aux XIXe et XXe siècles, et par là de soulever un coin du problème, trop, mal étudié, de l'économie rurale de la Champagne contemporaine.

Décadence démographique d'abord. A la veille de la Révolution, Neuville comptait 994 habitants ; ce chiffre se maintient dans la première moitié du XIXe siècle (1 018 h. en 1836), puis s'abaisse (sauf une éphémère remontée au milieu du second Empire) jusqu'à la fin du “ siècle (816 Ji. en 1896) ; coefficient de dépopulation, 20 p. 100 en 60 ans.

L'industrie textile de Leyde : la plus importante des industries qui formèrent l'une des bases de la puissance hollandaise au XVIIe siècle . Dans la seconde moitié du XVIe, la ville voyait décliner sa draperie, qui s'était développée à partir du XIVe et avait eu son apogée à la fin du XVe et dans le premier tiers du XVIe . Après le siège de 1573, pour stimuler des techniques nouvelles à peine représentées jusque-là .dans ses murs, elle s'appliqua, suivant une pratique liabituelle à l'époque, à attirer des travailleurs du dehors.

Elle réussit d'une façon exceptionnelle. Des régions voisines désolées par la guerre et surtout par les luttes religieuses, les immigrants affluèrent.

Château-Chalon est aujourd'hui une commune de 230 habitants. Ces 230 habitants résident tous dans l'agglomération villageoise formée au centre du territoire, à 430 mètres d'altitude ; aucune ferme éloignée. Cette agglomération recouvie entièrement un rocher de près de 10 hectares. Autrefois, avant les guerres du XVIIe siècle, Château-Chalon était une ville forte importante. Avant 1789, la ville avait plus de 700 habitants ; depuis, par suite de la suppression de l'abbaye aux dames, amenant avec, elle l'isolement et la disparition des hôtels, les familles sont devenues de moins en moins nombreuses. Les ruines s'accumulent de plus en plus : il y a trop do maisons. Les champs et les prés entourent le village au Nôrd-Est et à l'Est ; les vignes, à l'Ouest ; le tout a 1000 hectares de superficie, en y ajoulant les forêts et pâturages.

On n'accusera pas les Editions Médicis de manquer d'opportunité, lorsqu'elles nous présentent un livre intitulé : Les Fondements théoriques de la guerre, et de la paix en U. R. S. S.

Première originalité : l'auteur n'est pas français. Avant de rejoindre, en qualité de chargé de mission près de l'armée américaine, le front d'Europe occidentale, M Bert,hold G. Friedl était professeur de langue et de civilisation russes à l'Université de Missouri. S'il n'a point hésité à nous donner, au passage, cette primeur en notre langue, c'est qu'il a vécu longuement chez nous — il est docteur de l'Université de Paris — et qu'il nous aime. De par ses connaissances et ses sympathies, nul n'est plus qualifié pour entreprendre cette tâche urgente : favoriser l'interprétation de trois civilisations restées trop cloisonnées : l'américaine, la russe, la française.

La Bourgogne savante est en deuil. Le chanoine M. Chaume, directeur du Grand Séminaire de Dijon, vient de mourir brusquement, au mois de mars de cette année, alors qu'on pouvait attendre de lui de loneues années supplémentaires de travail. Il ne nous appartient pas de dire ce auc fut l'homme. Ni de parler, avec la gratitude et l'accent nécessaires, de l'animateur de tant d'entreprises savantes. Les Annales de Bourgogne le feront, et pas seulement pour remplir un devoir de convenance : elles perdent, en l'abbé Chaume, un des appuis efficaces de leur œuvre féconde d'initiation. Mais, ce que nos Annales peuvent dire et tiennent à proclamer, c'est qu'en lui l'Histoire — notre Histoire à la fois personnelle et réelle, humaine et matérielle, notre histoire terrienne et rustique de laboureurs et de labours, de villageois et de villages, de défricheurs et de forêts—perd un de ses meilleurs artisans. Perte d'autant plus douloureuse qu'elle vient aprèsi tant d'autres.