L’analyse sémiologique de la pathologie anxieuse met en évidence la fréquence des troubles cognitifs associés tant au cours des accès d’angoisse-panique que dans les états d’anxiété plus chroniques de type généralisé ou phobique. Au cours des crises d’angoisse, la survenue de symptômes qualifiés de «psycho-sensoriels» n’est pas rare: modifications d’intensité de diverses modalités sensorielles, altérations du cours de la pensée et de la sensation du temps écoulé, perception anormale de son propre corps (dépersonnalisation) et du milieu environnant (déréalisation). A ces troubles «perceptifs», voisins de ceux observés dans certaines formes d’épilepsie temporale, s’ajoute une focalisation extrême de l’attention sur un danger subjectif contre laquelle les données de la réalité ambiante ou de l’expérience passée paraissent ne plus avoir d’influence. Dans l’anxiété généralisée chronique, l’attention apparaît au contraire plus labile, l’hypervigilance entraînant une exagération de l’attention spontanée et un affaiblissement de l’attention volontaire qui pourraient rendre compte des difficultés de concentration et des troubles de la mémoire à court terme dont se plaignent fréquemment ces patients. Ces troubles de «l’intelligence» font partie des «stigmates psychasthéniques» qui, pour Pierre Janet, résultent de la baisse de tension psychologique, mécanisme psychopathologique commun à la plupart des syndromes qui seront désignés plus tard sous le nom d’états névrotiques ou de troubles anxieux. Malgré I intérêt de telles hypothèses, l’étude des fonctions cognitives n’a fait l’objet jusqu’alors que d’un développement limité dans le champ de la psychiatrie, et les quelques études réalisées chez des volontaires présentant des degrés variables d’anxiété-trait posent le problème de leur extrapolation aux situations pathologiques. L’intérêt de ces explorations neuropsychologiques est évident et devrait être développé, tant en ce qui concerne les grandes fonctions cognitives (attention, mémoire, perception sensorielle) qu’en ce qui concerne le fonctionnement spécifique des deux hémispheres cérébraux dont l’influence sur la régulation des processus émotionnels apparaît inégale.